Ait Almouh, Sur les routes du Maroc désertique
Hicham Ait Almouh, amateur de voyage, a traversé à pied le Maroc de la côte Atlantique jusqu’à la frontière est du pays. Il raconte son périple de 900 km dans un carnet de voyage aux ambitions sociales.
C’est un récit sincère et sensible que nous offre Hicham Ait Almouh, voyageur et journaliste à la suite de son périple à pied de 900 km pour relier Casablanca à Ksar Ich, village à la frontière est du Maroc. Cet amoureux du vélo et du voyage a retranscrit ses émotions et ses pensées durant ce voyage de trois semaines en plein mois d’août. Le résultat : Un récit bien mené où l’on découvre le Maroc rural avec le regard d’un fin connaisseur des espaces désertiques. « Le Marchand d’épices » signe le premier carnet de voyage d’Ait Almouh. Lecture de ce récit de voyage, genre rarissime dans la production littéraire marocaine.
Simplicité volontaire
En août 2019, Ait Almouh, journaliste basé à Casablanca, a entrepris la folle aventure de courir de Casablanca jusqu’à Ksar Ich, sur une distance de plus de 900 kilomètres. Dans « Le Marchand d’épices », ce carnet de voyage qu’il a publié en janvier 2022 à compte d’auteur, il raconte ce voyage fabuleux et pénible qu’il a effectué sous la fournaise estivale. Dans ce texte de 166 pages, on découvre un athlète exceptionnel mais normal, avec ses moments d’hésitation, de doute et d’erreurs. C’est une simplicité volontaire qui rappelle celle promue par Pierre Rabhi.
Extrait: « J’ai toujours été minimaliste de nature. Mon entourage me reproche même une certaine négligence quand il s’agit de me procurer du matériel nécessaire. En voyage à vélo, je n’ai jamais acquis que le strict minimum, ce qui pouvait me permettre de terminer mes voyages avec le moindre confort. Jusqu’à aujourd’hui, cela pousse mes amis, las de me voir utiliser de l’équipement désuet, à m’offrir fréquemment du matériel de voyage ».
Nous sommes bien loin des récits héroïques des athlètes hors normes, décrits comme des demi-dieux. Malgré ses nombreuses expériences sportives de haut-niveau, Ait Almouh assure son statut d’amateur, autonome et libre.
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Avant de prendre le départ, fin juillet 2019, Ait Almouh a dû s’entraîner presque chaque jour dans les rues polluées de Casablanca. Amateur de course à pied et de voyage à vélo. La pratique du sport a été pour lui une base solide qui lui a permis de se préparer convenablement, malgré des blessures récurrentes.
Extrait: « […] Je commis l’erreur de ne pas me procurer des chaussures adaptées à la surface goudronnée sur laquelle allait s’effectuer la majorité de mes séances d’entraînement. J’en ai payé les frais. Mes douleurs plantaires chroniques ne cessèrent qu’à quelques jours du départ. Les multiples périodes de repos ne servirent à rien. Après avoir acheté des chaussures de marque Hoka, la situation s’améliora. Mais j’avais déjà poursuivi l’entraînement en étant blessé, ce qui était une autre erreur, très grave ».
Mettre Ksar Ich sur la carte
Le trajet choisi entre la capitale économique et ce village, situé au point le plus excentré à l’est du Maroc, n’est pas anodin. En fait, le contraste entre les métropoles marocaines et plusieurs zones reculées du pays confère au déplacement un caractère temporel. En d’autres termes, c’est également un voyage dans le temps. En outre, sans assistance, hormis celle des gens rencontrés sur son chemin, Ait Almouh devait gérer les longues distances sans gîte, sans ravitaillement et sans eau. Bonté et solidarité étaient les maîtres-mots.
Extrait: « […]Je me rendis à l’évidence que mon apparence suscitait la pitié, ou au moins, la compassion de mes compatriotes. Mais je n’essayai pas de changer cette image ou d’expliquer que j’étais capable d’acquérir ce dont j’avais besoin, car ce n’était pas vrai. L’argent, ne serait-ce que quelques dirhams suffisants pour se procurer le plus infime des repas, n’était plus la devise requise. La bonté et la générosité l’ont remplacé, par la grâce du tout-puissant. Je n’avais jamais fait preuve de présomption ou d’outrecuidance face à autrui, mais s’il y avait eu quelque débris de vanité, quelque part dans mon cœur, les bienfaiteurs m’en auraient débarrassés au cours de ce voyage […] ».
Après plusieurs péripéties et 22 jours sur la route, il atteint le village de Ksar Ich. Les habitants lui réservent un accueil chaleureux en signe de gratitude à l’égard de celui qui a décidé de mettre sous les feux des projecteurs un village oublié. Désormais Ksar Ich est sur la carte, grâce au dévouement d’un voyage solidaire et solitaire. Grâce à ce témoignage et ce récit, les autorités n’ont pas d’excuse pour faire mine d’oublier Ksar Ich et toute la province de Figuig. Une zone faisant face aux difficultés d’une frontière fermée depuis 1994 et affrontant celle les effets désastreux des changements climatiques et de la sécheresse. A son arrivée, le village réserve un accueil chaleureux et enthousiaste à ce voyageur qui a sorti Ksar Ich de l’isolement et l’oubli.
Hicham Ait Almouh, Carnet de voyage « Le marchand d’épices », 2021, Casablanca, à compte d’auteur. Disponible sur la plateforme Qitab et dans plusieurs librairies du centre-ville de Casablanca (DSM, Libre-Service, etc.).