À Sidi Slimane, des ouvriers face au système féodal
Dans la province de Sidi Slimane des pratiques similaires à celles du système féodal sont toujours à l’œuvre contre les ouvriers agricoles et les leaders syndicalistes.
Le système féodal est « un ensemble d’institutions et de juridictions bien précises d’un moment particulier de la civilisation du Moyen Âge occidental, forgé dans l’aristocratie guerrière, cherchant à régler la violence des rapports de force et de propriété ». Ce système moyenâgeux est, semble-t-il, encore en vigueur dans certaines régions du Maroc en 2022. Abdellatif Chlikh, secrétaire général des syndicats de l’Union marocaine du travail (UMT) à Sidi Slimane et des ouvriers agricoles, affrontent cette coalition d’institutions luttant pour préserver leurs acquis, notamment l’accès à la terre et l’exploitation sans réserve des ouvriers. En raison de son opposition à ce système, Chlikh devrait être présenté devant la justice dans les prochaines jours. Il devait être entendu par le Parquet aujourd’hui à Sidi Slimane. « Cette audience a été reportée pour le moment », indique-t-il dans une déclaration à ENASS. L’UMT dénonce « une violation flagrante de la Constitution et des lois relatives à la liberté syndicale ».
« Intimidations »
Le SG de l’UMT à Sidi Slimane suivait, depuis des mois, le conflit social opposant les ouvriers agricoles de l’exploitation Domaine du Nord et le nouveau patron de ces anciennes terres de la SODEA-SOGETA. Les ouvriers réclamaient leurs salaires non perçus depuis plusieurs mois. Chlikh jouait un rôle de médiation dans ce conflit qui s’est enlisé. Il est, aujourd’hui, poursuivi ainsi que plusieurs ouvriers par l’article 288 du Code pénal pour « entrave à la liberté du travail ». Cet article est utilisé à maintes reprises pour réprimer et bâillonner les luttes syndicales au Maroc. Pour l’UMT, ces poursuites sont des « intimidations » à l’encontre de leurs membres. Le secrétariat national considère que ces menaces de poursuites sont en faveur de « l’un des éléments du féodalisme de la région qui bénéficiait des terres agricoles de l’État. L’arrogance a atteint des seuils qui leur permettent de dénigrer les lois des pays. Cet exploitant agricole prive des familles et des ouvriers du Domaine de leurs salaires depuis plusieurs mois », peut-on lire dans ce communiqué à la tonalité grave.
« Complicités »
Pour l’UMT, ces poursuites sont une preuve supplémentaire de « la complicité ouverte des autorités locales de la région dans toutes les phases de conflit social. C’est une illustration de l’amère réalité des ouvriers agricoles dans notre pays ».
Ce conflit social concerne 45 ouvriers travaillant dans le cercle de Ouled Hsain à Sidi Slimane. Ce conflit s’est déclaré en 2021 à la suite du licenciement de ces ouvriers et leur remplacement par une nouvelle main d’œuvre. Un licenciement qui est survenu après deux ans d’absence du propriétaire terrien, sans que les ouvriers ne touchent leurs salaires et sans qu’ils ne reçoivent de notifications de l’arrêt de l’activité. « Deux ouvriers l’ont poursuivi en justice et ont eu gain de cause avec des indemnités de licenciement. Des décisions de justice qui n’ont jamais pu être appliquées », rappelle Chlikh.
« Deux ouvriers l’ont poursuivi en justice et ont eu gain de cause avec des indemnités de licenciement. Des décisions de justice qui n’ont jamais pu être appliquées ».
Abdelatif Chlikh, UMT Sidi Slimane.
En août 2021, les autorités interviennent avec force pour déloger les ouvriers de leur sit-in devant l’entrée de l’exploitation. Une intervention musclée qui a causé plusieurs blessures parmi les ouvriers. « Ce conflit n’est pas le seul dans la province de Sidi Slimane. Trois autres sit-in sont toujours en cours dans différentes exploitations en raison du non-respect du Code du travail », nous avait affirmé Chlikh dans une précédente déclaration.
Lire aussi: Tiflet: L’appel au secours des ouvriers d’une usine de textile
L’UMT, en soutien et solidarité avec son membre et avec les ouvriers poursuivis, « condamne fermement cette restriction des libertés syndicales dans la région de Sidi Slimane ». Dès l’annonce des poursuites, l’UMT a mobilisé ses troupes en organisant un sit-in à Sidi Slimane en soutien à Chlikh et aux ouvriers, le 16 avril dernier. La même source s’inquiète face « aux provocations et tentatives d’intimidation de notre membre, le secrétaire général du syndicat local de Sidi Slimane ». Enfin, l’UMT condamne « la complicité flagrante des pouvoirs publics avec le « patron » de la ferme, contre les droits légitimes des ouvriers et ouvrières ».