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À Figuig, des écoles isolées et oubliées

Hassi Lahdid est un exemple des écoles rurales de la province de Figuig (Oriental), bâties en fonction des habitations éparpillées entre les pâturages. L’instituteur qui y est affecté découvre un environnement rude et hostile.

Par Hicham Ait Almouh, envoyé spécial à Hassi Lahdid

Dans les Hauts-Plateaux de la province de Figuig (830 à l’est de Rabat), parsemés de chou-fleur du désert et d’Alfa, les nomades sédentarisés ont gardé une manière typique de peupler le territoire. Chaque famille vit dans une demeure isolée loin des autres habitations, en fonction des pâtures et des points d’eau.

Ce mode de vie crée beaucoup des difficultés dans la scolarisation des enfants de ces villages. L’emplacement des écoles, généralement composées d’une seule classe et du logement de l’instituteur, est choisi de manière à réduire les distances avec les maisons. Résultat, elles sont situées au milieu de nulle part. C’est le cas de l’école Hassi Lahdid qui fait partie du groupe scolaire Lamdal, commune de Bouchaouene. Elle est située au pied de Djebel Mechkakour, à une douzaine de kilomètres d’une piste qui relie les villages de Maâtarka et Anoual, des noms de communes rurales qui ne parlent qu’aux habitants de cette région. Entre la piste et l’école, un dédale d’ornières creusées à force d’allers et de retours des camions et des véhicules utilitaires, que seuls les riverains, tous des éleveurs, ont pu dompter.

Froid, pluie et vent glacial

Ces communes se trouvent près de la frontière avec l’Algérie. Photos: H.A.A

Pour Youssef E., qui vient d’entamer sa première année en tant qu’instituteur, il doit se sentir plus chanceux d’être affecté à Hassi Lahdid. Son école se trouve à côté d’une mosquée dotée d’un puit et d’une maison campagnarde, construite en pierres déterrées dans les parages même. Le soir, les trois édifices sont illuminés grâce à l’énergie solaire. Pour ce qui est des élèves, ils habitent dans des maisons situées à des distances qui varient entre deux et huit kilomètres de l’école. Parfois plus.

Ce n’est là qu’une estimation approximative. Tenant en compte la rudesse du climat et du relief, ces distances paraissent interminables, surtout après les crues où les petits oueds deviennent infranchissables. Certains parents utilisent des bêtes de somme – des ânes généralement -, des triporteurs ou des cyclomoteurs pour épargner à leurs enfants le calvaire de la boue après la pluie. Quand il neige, car la région se trouve à plus de 1400 m d’altitude, se rendre à l’école relève du suicide tout simplement.

Après la chute des premières pluies de ce 23 novembre 2021, un vent sec et glacial s’invite à la partie. Certains enfants sont bien parés pour faire face au froid. D’autres n’ont que des chaussures en plastique pour affronter ce rude climat, ce qui est intenable, l’école n’étant pas chauffée.

L’activité de l’élevage est le moteur de l’économie de cette zone semi-désertique. Photos: H.A.A

Il ne s’agit pas des seuls obstacles que Youssef doit surmonter. À son arrivée, il est surpris de constater que certains élèves de la troisième année ne savent ni lire ni écrire comme il faut. Aussi, il a de grandes difficultés à communiquer avec les élèves de la première et deuxième années. Bien qu’il soit amazighophone comme eux, il doit passer par les élèves de la cinquième pour se faire comprendre. La variante du berbère qu’il utilise, celle de Ksar Ich, village situé sur les confins orientaux de la province de Figuig, n’est d’ailleurs saisie ni par les élèves ni par leurs parents. Si cela est un signe de richesse linguistique, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un obstacle à l’apprentissage. Youssef est donc obligé d’utiliser l’arabe classique ou dialectal pour communiquer.

Ce mode de vie crée beaucoup des difficultés dans la scolarisation des enfants de ces villages.

Détail crucial, la classe (composée de 36 élèves) réunit les cinq niveaux du primaire. Youssef doit donc supporter la même charge de travail que les deux instituteurs affectés à Hassi Lahdid l’année précédente. Cela sous-entend un manque de ressources apparent en termes d’instituteurs, alors que les diplômés chômeurs de la province multiplient les manifestations et les revendications. Seront-ils prêts, comme Youssef, à tant de sacrifices ?

Dès son arrivée, il est contacté par des acteurs de la société civile de Casablanca. L’échange aboutit à une action sociale qui fait bénéficier les élèves d’habits d’hiver. Cela est-il suffisant à répondre à tous leurs besoins, l’écart qui existe entre ces zones défavorisées et le centre du pays étant gigantesque ? Difficile à répondre par l’affirmative. En tout cas, cet écart existe également en termes d’accueil et de générosité. Les invités sont traités selon les normes d’hospitalité légendaires, rares à égaler ailleurs.

Guéguerres électorales

Les habitants de Hassi Lahdid font partie de la tribu Ait El-Abbas, elle-même appartenant à la très grande confédération amazighe Ait Seghrouchen. Celle-ci peuple un territoire très vaste qui s’étend des environs de Béni Tadjite, au sud, au Moyen-Atlas oriental. Les autres tribus Ait Seghrouchen vivent non loin de là, comme les Ait Meziane, regroupés dans le village de Leksira, situé à une vingtaine de kilomètres de Hassi Lahdid.

Suite aux dernières élections communales, un différend oppose Ait Abbas et Ait Meziane, sur fond d’appartenance tribale. Les premiers ont refusé de voter pour un élu Ait Meziane. Résultat, ils se sont vu interdire l’accès au souk hebdomadaire de Leksira, en un geste qui rappelle l’ostracisme de la Grèce antique. Les Ait El-Abbas ont donc été obligés d’organiser leur propre souk hebdomadaire.

D’autres n’ont que des chaussures en plastique pour affronter ce climat rude, l’école n’étant pas chauffée.

Mercredi 24 novembre dernier, ils ont tenu un de leurs premiers marchés, où une quinzaine d’étalages forment un grand cercle non loin de l’école. Denrées alimentaires nécessaires, légumes, couvertures, blé, un caprin immolé et dépecé, etc. En dehors des vieux véhicules et des bonbonnes de gaz, les meilleurs décorateurs de films n’auraient pas su imaginer un plateau de tournage aussi antique.

Figuig, une province dépeuplée



Les annonces successives relatives à l’exploitation du gaz par le groupe britannique Sound Energy à Tendrara n’ont insufflé aucune activité humaine apparente dans la province de Figuig. Cela étant, ce qui manque à cette province en termes de densité démographique (2,5 hab/km²), la nature le lui a compensé en immensités déboisées et en flore exotique, tel que l’armoise blanche, Chih, conjuguée avec le vent pour évoquer, au Maroc, les contrées lointaines. Ce dépeuplement – 138.000 habitants en 2014 -, on le vit quand on sillonne les routes peu fréquentées, reliant les grands centres urbains de la province, comme Bouârfa, Figuig ou Béni Tadjite. Comme exemple, ces trois villes ont une population légale respective de 26.000, 12.500 et 16.000 personnes. Ce dépeuplement prend tout son sens quand on le met en fonction de la superficie de la province qui avoisine 5,6 millions d’hectares. En ce qui concerne les petites agglomérations, la désolation est tellement omniprésente qu’une grande commune rurale comme Maâtarka (8000 habitants en 2014) ne dispose pas de plaque signalétique. Cette commune a connu un taux d’accroissement annuel moyen négatif de -0,05% de sa population entre 2004 et 2014.

5 thoughts on “À Figuig, des écoles isolées et oubliées

  1. L’extrémité sud du territoire des Ait Seghrouchen en fait est aux environs de Errachidia, pénétrant le territoire des Ait Yafelman. Plus à l’ouest, au sud-ouest du territoire des Ait Ouarain, un autre groupe Seghrouchni occupe le massif de Tichoukt, les Ait Seghrouchen Sidi Ali. Et dans l’extrémité nord-ouest du territoire Ouaraini, sur la rive sud du passage d’Inaouen qui sépare le Rif du Moyen Atlas, un autre groupe, les Ait Seghrouchen Hrira ou Ihurran, qui se firent assimilés brièvement au sein d’Ait Ouarain. Et encore un autre, Ait Seghrouchen Imouzzer, occupant le territoire autour d’Imouzzer Kander. C’est l’une des plus grandes tribus du Maroc.

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