Côte d’Ivoire, Six ans après l’attaque terroriste du Grand-Bassam
L’attaque sur la plage du Grand-Bassam en Côte d’Ivoire est un triste événement que les Ivoiriens n’oublieront jamais. Cet attentat a brisé des vies. Cette date restera à jamais gravée dans les esprits de ceux qui ont survécu, et à chaque anniversaire des blessures s’ouvrent chez des uns, et des souvenirs tragiques confrontent d’autres. Reportage.
Cette attaque terroriste s’est passée un dimanche 13 mars en 2016 vers l’après-midi, quand un commando, composé de trois à six hommes armés de fusils d’assaut (type kalachnikov) et de grenades, ouvre le feu sur les personnes présentes sur la plage à Grand-Bassam, ville balnéaire située à une quarantaine de kilomètres d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. Les terroristes se sont dirigés ensuite vers l’hôtel Koral Beach puis l’hôtel-restaurant La Paillotte, tous deux situés à proximité, où ils tirent sur les clients et les passants présents en nombre à cette heure de la journée, causant la mort d’une vingtaine de personnes.
Mercredi 23 février 2022 après-midi, des journalistes participant à une formation organisée par Equal Access International pour le renforcement du rôle des médias dans la lutte contre l’extrémisme violent rendent visite au Grand-Bassam, située à 15 km à l’est d’Abidjan. On rencontre le guide qui nous accompagne vers les lieux où l’attaque a eu lieu, il y a six ans. On rencontre aussi des personnes qui ont survécu à ce drame.
Ebirim Rose, entre souffrance et résilience
Avec un grand sourire aux lèvres, Ebirim nous accueille à l’Espace Jah Live Art Culture et Environnement. Cette femme forte et remplie de joie de vivre revient sur le drame qu’elle a vécu il y a maintenant près de six ans.
«C’est un instant malheureux pour Grand-Bassam, je revis ce moment jusqu’à aujourd’hui ».
EBIRIM ROSE, survivante de l’attaque terroriste Grand-Bassam, Côte d’Ivoire
«C’est un instant malheureux pour Grand-Bassam, je revis ce moment jusqu’à aujourd’hui », raconte Ebirim, avant de reprendre avec une voix tremblante: « On était posés tranquillement, soudain nous avons vu des gens courir. Un tir de balle retentit. Un homme tombe par terre. La femme qui l’accompagnait, terrorisée, a essayé de s’enfuir mais elle a été atteinte par un tir des assaillants» .
La scène qu’elle raconte est effrayante et horrible, elle revoit toujours ces images défiler dans sa mémoire comme si c’était hier, elle prend une pause de quelques instants afin de refouler ses larmes avant de continuer son témoignage.
Elle affirme que six ans après, la terreur la hante toujours à l’approche de la date de ce triste anniversaire, elle se cache dans son foyer de peur que le drame qu’elle a vécu se reproduise à nouveau. «J’ai toujours peur, mais mon mari me rassure, en me disant que cela n’arrivera plus jamais. C’est grâce à lui que je surmonte ce qui s’est passé».
En plus des conséquences psychologiques, cette attaque a également causé des dégâts économiques au Grand-Bassam, qui est une région touristique.
Mais s’il est clair que Ebirim souffre toujours des séquelles de cette attaque, il faut aussi affirmer qu’elle est une femme résiliente et forte et elle ne cède plus au désespoir et la peur, elle se bat toujours afin que sa petite ville reprenne son rythme normal est joyeux. Elle croit toujours à un futur meilleur à Grand Bassam.
«On se sensibilise, et on va vers les autres, pour les sensibiliser. Nous leur disons que Grand-Bassam est sécurisée, les touristes reviennent. On se relève petit à petit malgré les souvenirs qui reviennent à l’approche de chaque 13 mars», explique Ebirim.
Assinié Antoine, courageux face à des souvenirs difficiles
Assinié Antoine ne comprend pas encore aujourd’hui que Grand Bassam ait été ciblé par les terroristes, «c’était un événement étrange pour nous les enfants du village, on n’a jamais vécu un évènement pareil, la plage pour nous est un endroit pour s’amuser», affirme-t-il.
«Moi-même je suis un peureux, mais je ne sais pas d’où m’est venu le courage que j’ai eu ce jour».
Assinié Antoine, survivant de l’attaque terroriste Grand-Bassam
Il ne parvient pas à effacer de sa mémoire ces trois heures d’horreur au cours desquelles, il a défié toutes ces peurs afin d’évacuer les blessés. «Moi-même je suis un peureux, mais je ne sais pas d’où m’est venu le courage que j’ai eu ce jour», s’étonne-t-il.
C’est lorsqu’il a vu son ami d’enfance, Eric touché que Assinié a mis de côté sa peur. « Je me suis dit que nous tous on va mourir. Qu’on vienne nous tuer et donc j’ai essayé d’aider des personnes blessées ».
Le traumatisme est encore profond, Assinié restera à jamais marqué par cet événement qui lui a fait perdre son meilleur ami d’enfance. Et de son acte courageux, il gardera toujours une cicatrice sur sa jambe droite.
Ali Cissé, dans la recherche d’espoir
Artisan au village artisanal de Grand Bassam, Ali Cissé n’était pas présent le jour de l’attaque dans cette ville touristique «Nous étions dans nos différents ateliers lorsque le bruit a couru que Bassam est en train d’être attaqué par des personnes non identifiées. C’est bien plus tard que nous avons appris que c’étaient des djihadistes et qu’ils ont attaqué l’Hôtel Etoile du Sud», se souvient-il.
«En tant qu’artisans on sait que là où il y’a des djihadistes il n’y a pas de tourisme et quand il n’y a pas de tourisme, notre vie s’arrête».
Ali Cissé, Artisan au village artisanal de Grand Bassam, Côte d’Ivoire
Cet événement a négativement impacté la vie économique de la ville Grand-Bassam, «en tant qu’artisans on sait que là où il y’a des djihadistes il n’y a pas de tourisme et quand il n’y a pas de tourisme, notre vie s’arrête», souligne Cissé
Cette petite ville touristique a vécu des moments très difficiles surtout les deux premières années qui ont suivi cette attaque terroriste. Les activités économiques étaient presque inexistantes, entraînant des pertes inestimables, «six ans après, nous essayons de nous relever. En 2019 on a créé un salon qui nous permet chaque année au mois d’août de réunir plusieurs pays africains», note Cissé.
Puis cette crise a été suivie par la COVID-19 qui a dévasté l’économie de Grand Bassam, qui dépend fortement du tourisme. C’est pour cette raison que l’État ivoirien s’est montré créatif en organisant des manifestations festives afin de redonner la vie à cette ville, une vision à laquelle tous les habitants du Grand Bassam contribuent.
Malgré la douleur, la crise et les différents dégâts que cette attaque a produits, la cité balnéaire du Grand-Bassam est fortement engagée à oublier cette tragédie et à construire un avenir meilleur, rempli de joie de vivre que les djihadistes n’ont pas pu éradiquer.