À Mohammédia, les habitants respirent un air toxique
La pollution de l’air touche pleinement Mohammédia. Entre le port, les industries chimiques, pétrochimiques, métallurgiques et la centrale thermique, la pollution prend en tenaille la ville des fleurs. Une nouvelle étude révèle des données sur la situation de l’air dans la ville.
« Par rapport au reste du monde, surtout les pays fortement industrialisés, le Maroc émet très peu de gaz à effet de serre. Toutefois, cela a un impact sur la santé et la qualité de vie des citoyens marocains », souligne Rachida El Morabet, professeure chercheure à la Faculté des lettres et sciences humaines de Mohammedia (FLHSLM), lors du lancement par l’Association La Siesta Mohammédia pour la protection de l’environnement, d’un think tank pour une transition énergétique propre et participative au Maroc, le 28 mars dernier. Cela dit, réussir cette transition énergétique est conditionné par la résolution de l’équation suivante: le travail avant ou la santé ?
Un think thank pour réfléchir à ce fléau
Pour El Morabet , « il faut tenir le bâton par le milieu. Il faut ainsi que les industriels fassent l’effort de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et les citoyens des concessions ». Pour arriver à ce compromis, il faut disposer de réelles données sur le terrain de la pollution au Maroc. Ce qui est très difficile pour le moment. Ce nouveau projet de recherche lancé par l’Association La Siesta, la Chambre de commerce et d’industrie et de services de la ville, la Préfecture de Mohammédia ainsi que le ministère de la Santé et la FLHSM et les industriels vise à combler ce vide.
« Nous avons eu des résultats très intéressants qui nous ont permis de créer une base de données sur la pollution de l’air de l’eau et sur la qualité de vie à Mohammedia », révèle El Morabet. Ce travail de recherche, qui est toujours en cours, est mené par les étudiants doctorants de FLHSLM et chapeauté par la professeure El Morabet. Selon cette dernière, à Mohammédia il est nul besoin de faire des études pour se rendre compte que les habitants respirent de l’air pollué. Le visiteur s’en rend compte à l’entrée de la ville.
Industrie, centrale thermique, port, le cocktail Molotov
Sur ce point, l’étude, toujours en cours, a rappelé que les sources de la pollution de Mohammedia proviennent de la mobilité, du port et des zones industrielles et de la centrale thermique de l’ONEE. Cette dernière qui fonctionne, comme toutes ses semblables dans le monde, au fuel et au charbon.
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Quant à la typologie des industries dans la ville, l’étude a relevé qu’il s’agit notamment de celles chimiques biochimiques et métallurgiques, qui sont très énergivores. Les deux premières utilisent le pétrole alors que la troisième recourt au charbon. Et qui dit charbon dit pollution.
Asthmes, maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle…le quotidien des habitants
Il y a eu plusieurs études sur l’impact de cette pollution sur la santé des habitants de la ville dont celle épidémiologique. Celles-ci ont révélé au grand jour qu’à Mohammedia, le nombre d’enfants atteints d’asthme est le plus élevé au Maroc. ” Nous avons réalisé une enquête en juillet 2022 qui a révélé que 57,1% des habitants, surtout les enfants de Mohammedia, souffrent d’allergies. Viennent aussi les problèmes neurologiques et cardiovasculaires et l’hypertension artérielle chez les personnes âgées. D’où la question de savoir s’il y a une vraie prise en charge sanitaire de ces personnes », s’interroge professeure El Morabet.
Les particules non visibles les plus dangereuses
Sur un autre registre, il faut rappeler que le ministère de l’Environnement a installé des stations fixes de mesure de pollution. Et dans le cadre des recherches des étudiants FLHSLM, d’autres mesures ont été réalisées. Il a été constaté que les particules en suspension, qui sont très fines, sont les plus dangereuses, car elles sont facilement inhalées, dépassant largement la norme de la santé.
« Le niveau des particules (poussières noires) toutes catégories confondues existent bel et bien à Mohammedia, et avec une concentration importante».
Pr Morabet
« Nous avons constaté que le niveau des particules (communément appelées poussières noires) toutes catégories confondues (celles visibles et celles invisibles), existent bel et bien à Mohammedia, et avec une concentration importante. Quant aux dioxydes d’azote et de soufre, leurs niveaux à Mohammedia sont faibles selon les résultats que nous avons obtenus. Bien entendu, s’il y a un incident ces taux peuvent monter », affirme El Morabet. L’autre facteur favorisant la propagation du dioxyde d’azote est le parc automobile qui est vétuste et qui est composé, dans sa majorité, de véhicules utilisant le diesel.
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«Dès que nous avons relevé des taux élevés nous avons acquis des appareils qui nous permettront de mesurer les micropolluants très fins. Mais nous devons d’abord obtenir les autorisations administratives», précise la professeure. Les résultats de cette étude devront être dévoilés fin 2022.
Le constat étant dressé, la question qui se pose et qui pose un grand dilemme est de savoir ce que veulent les habitants de Mohammedia, le travail ou la santé ? Y-a-t-il une possibilité d’un juste milieu ?
A lire aussi, le reportage, ” A Mohammedia, le travail ou la vie”, paru le dans le livre Maroc : Justice climatique et urgences sociales, En Toutes Lettres, 2021. Pour les commandes, c’est ici.
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