Tribunes

Le développement personnel : entre illusion et science

Par Fatima-Zahra HANNOUN, doctorante à l’ENCG Tanger.

Tu peux être heureux simplement en respirant profondément ; tu peux être une personne positive simplement en ayant des pensées positives ; tu peux être beau malgré tes rondeurs ; tu peux réaliser tout ce que tu veux. Tous ces propos te permettent d’imaginer que ta vie va changer du tout au tout, tu vas devenir la personne de tes rêves, la meilleure version de toi-même, que tu n’auras pas de problèmes. Le problème c’est que tu vas te sentir bien dans ta peau seulement 5 minutes pour au final rester dans le même état que celui où tu étais avant : une personne qui n’aime pas aller au travail… Une personne qui a peur de l’avenir… une personne qui déprime à la première déception.

Le fait de dire aux gens qu’ils peuvent avoir tout ce qu’ils veulent, crée une mentalité fixe et une attente difficile à satisfaire. Le psychologue Thomas Legens voit que les objectifs positifs imaginaires peuvent affaiblir la motivation réelle pour réussir, ce qui est en accord avec une étude menée sur un certain nombre de diplômés, qui a prouvé que les personnes réalistes étaient plus chanceuses que celles qui n’avaient que des rêves. Ce qui a été confirmé aussi par des psychologues qui avancent que « le succès promis fait jouir de l’avenir attendu, avant qu’il ne devienne une réalité, et d’obtenir une satisfaction psychologique illusoire, qui empêche de prendre des mesures suffisantes pour y parvenir ». 

De leurs côtés, les pseudos formateurs en développement personnel imaginent qu’ils inspirent les autres et les aident  à connaître les sources d’énergie cachées, en leur racontant des expériences réussies des autres personnes pendant une période limitée. Cependant, ils oublient que nous ne sommes que des êtres humains avec des expériences aussi négatives que positives, et dès qu’une mauvaise situation nous arrive nous nous transformons tout d’un coup en des personnes émotives avec des pensées négatives. Certes on peut être heureux mais pas tous les jours. 

Le développement personnel, donc, peut vendre des recettes magiques et illusoires qui ne demandent aucun effort, qui marchent pour tout le monde, qui promettent les mêmes résultats à tout le monde et qui peuvent être réalisées simplement en les répétant 300 fois par jour.  En réalité, ces méthodes ne peuvent ajouter rien à une personne qui devrait se décider elle-même sur quels éléments elle doit insérer dans son propre tissu pour aller de l’avant, surtout, le changement ne peut pas se faire d’un seul coup d’une manière si rapide, et il fait peur et demande du temps pour sortir de la zone de confort.

Ce qui a laissé constater que le développement humain est devenu un métier pour ceux qui n’ont pas de métier. C’est le seul métier où personne ne vous posera de questions sur votre origine ni vos études et des personnes viennent vous voir et vous paieront une somme d’argent non négligeable. C’est une sorte d’escroquerie qui s’est propagée à notre époque et a trouvé suffisamment d’esprits vides pour s’installer et devenir importante.

« C’est une sorte d’escroquerie qui s’est propagée à notre époque et a trouvé suffisamment d’esprits vides pour s’installer et devenir importante ».

F-Z. Hannoun.

En effet, la question de développement personnel n’est pas si simple, c’est un sujet assez complexe qui a été développé par des scientifiques et appliqué dans divers domaines dont le management, l’économie, la vie personnelle…En management, par exemple, Abraham Maslow était le premier qui a introduit le développement personnel dans les organisations à travers la fameuse pyramide des besoins, allant des besoins primaires aux besoins supérieurs et le stade supérieur de développement personnel a été réservé à ceux qui sont au sommet de la pyramide.

De leurs côtés, Sumantra Ghoshal et Christopher Barlett insistent sur l’importance du management individuel des employés en expliquant que l’entreprise doit admettre que le développement personnel des employés crée de la valeur et que les employés doivent reconnaître que le travail inclut la notion de développement personnel. Pour le management des ressources humaines, on a recours de plus en plus au développement personnel pour promouvoir des compétences dans une démarche de gestion de talent ou de GPEC afin que chaque collaborateur puisse s’épanouir pleinement au travail, aussi en gérant les connaissances dans une démarche de knowledge management afin de réaliser une certaine dynamisation des connaissances. Les métiers de RH, donc, sont liés directement au développement personnel, ils sont amenés à contribuer au bien-être des salariés mais également à les motiver et les encourager dans leurs prises de décision.

En effet, ce n’est pas l’idée du développement personnel qui gène, c’est l’espoir insensé qu’il entretient et le faux rêve qu’il vend dans une forme prétendue être scientifique et qui n’est pas saine. Se cacher derrière la science en la mêlant aux sciences objectives, telles que la médecine, la psychologie, la sociologie, l’éthique, l’économie, et  avec des termes administratifs, tels que la motivation, le marketing, la gestion de l’innovation et la gestion du temps, et vendre l’illusion aux gens loin de toute évidence scientifique basée sur des outils et méthodes expérimentales, n’est qu’une manipulation.

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