L’impact du Pacte mondial pour les migrations au Maroc
Par Dr. Younous Arbaoui, Professeur Assistant en droit de Migration, Amsterdam Centre for Migration and Refugee Law, Vrije Universiteit Amsterdam.
En décembre 2018, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (ci-après : PMM ou » le Pacte « ) a été adopté à Marrakech et approuvé par l’Assemblée générale des Nations Unies. Bien que le PMM soit officiellement un document non contraignant, les États acceptent néanmoins l’obligation de le « prendre dûment en considération ». Bien que cette attente ne soit pas une obligation légale, il faut présumer que le PMM a un effet sur les systèmes migratoires nationaux.
La question qui se pose est de savoir si et comment le Pacte a eu un impact sur les systèmes migratoires nationaux. Cette question dépend essentiellement de la manière dont les gouvernements et les acteurs non étatiques s’engagent dans la pratique. Dans mon article récent, The Impact of the Marrakech Compact for Migration in Morocco: The Role of the Government and of Civil Society, WCL April 2022, je traite cette question dans le cas du Maroc en se concentrant sur le rôle du gouvernement et de la société civile.
Le rôle du gouvernement marocain
D’emblée, il convient de noter que le gouvernement s’est activement engagé dans le processus de négociation du Pacte. Il a exprimé son soutien ferme avant et après l’adoption de celui-ci. En outre, le gouvernement est activement impliqué dans le mécanisme d’examen du PMM. Entre autres, il a soumis un rapport d’examen volontaire, a participé au premier examen régional dans la région arabe et a accueilli l’examen africain. De plus, en participant activement à la création de l’Observatoire africain des migrations (OAM), le Maroc a répondu positivement au premier objectif du PMM (collecte de données). Étant donné que l’OAM a pour but de guider les États africains dans la mise en œuvre du Pacte, cette pratique augmente le potentiel d’impact du Pacte non seulement au Maroc, mais aussi en Afrique de manière plus générale. Le fait que le Maroc accueille désormais cette agence renforce son leadership et sa réputation en Afrique. Au départ, ce sont de bonnes conditions pour que le Pacte ait un impact sur la politique migratoire marocaine.
» La volonté de mettre en œuvre le PMM se manifeste davantage dans la rhétorique que dans la pratique » .
En tous cas, il apparait que le gouvernement s’appuie sur le Pacte pour légitimer sa politique. Effectivement, le rapport d’examen volontaire présente le Maroc comme un champion de la mise en œuvre du PMM. Cependant, cette affirmation n’est pas étayée. L’examen volontaire n’aborde pas séparément chaque objectif ; il n’inclut pas de plan national de mise en œuvre ; et il est mené sans une contribution claire des acteurs de la société civile. Il semble donc que la volonté de mettre en œuvre le PMM se manifeste davantage dans la rhétorique que dans la pratique. Il semble également que le gouvernement utilise le mécanisme d’examen comme un outil pour renforcer sa réputation de partenaire migratoire fiable. Maintenant que le gouvernement s’appuie sur le PMM pour légitimer sa politique, c’est certainement une bonne condition pour que le Pacte un impact, car la non-conformité s’accompagnerait de coûts de réputation encore plus élevés.
Le rôle de la société civile marocaine
Quant à la société civile, sa majorité considère que le contenu du PMM est très problématique et même si un petit nombre d’ONG porte un regard positif à l’égard de certaines parties de celui-ci, toutes n’invoquent pas le PMM dans leur travail quotidien. La principale raison invoquée pour expliquer cette réticence est le caractère non contraignant du PMM ainsi que l’idée que le Pacte sert principalement les intérêts des pays du Nord. Bien que certains acteurs de la société civile se soient (récemment) engagés dans celui-ci, leur engagement se limite à quelques références seulement. Aucune ONG a publié de rapport d’examen indépendant (thématique) sur la mise en œuvre du PMM.
» Il n’y a pas eu de procédure nationale clairement définie permettant à la société civile de contribuer au processus d’examen ».
Cette pratique ne permet pas de soutenir efficacement son impact. Toutefois, les récentes références au PMM et le fait que certaines organisations encouragent les autres à l’utiliser peuvent être considérés comme susceptibles de renforcer le rôle de la société civile dans la mise en œuvre du PMM. Cela pourrait ensuite conduire à accroître son potentiel à influencer la politique nationale. Il convient également de noter qu’il n’y a pas eu de procédure nationale clairement définie permettant à la société civile de contribuer au processus d’examen. Cette pratique n’est pas cohérente avec l’approche de la ‘société dans son ensemble’ du PMM, qui appelle à une participation active de la société civile, également au stade de sa mise en œuvre. La pratique actuelle réduit donc plutôt le potentiel de la société civile à influencer l’impact du PMM.
Regard au futur
Pour ce qui est de l’avenir, il semble que l’engagement du Maroc envers le PMM pourrait s’intensifier lors du Forum international d’examen des migrations qui aura lieu en Mai 2022. Cela augmentera probablement aussi l’impact du PMM sur la politique migratoire du Maroc, à condition que la société civile mette en place un processus de monitoring indépendant pour assurer une contribution sur la façon d’atteindre les objectifs du PMM.
Enfin, le travail de l’Observatoire africain de la migration accueilli par le Maroc pourrait potentiellement avoir un effet catalyseur sur l’engagement du Maroc et de l’Afrique. Il offre au gouvernement marocain la possibilité de rassembler les États africains autour du PMM afin de travailler conjointement à sa mise en œuvre. Et, si le Maroc devient effectivement un « champion » et réussit à montrer les avantages possibles de la mise en œuvre du PMM, cela pourrait à son tour avoir une influence sur l’impact du PMM dans la région arabe et africaine.
One thought on “L’impact du Pacte mondial pour les migrations au Maroc”