« Cette hausse du SMIG, c’est des miettes »
Le SMIG sera revu à la hausse en septembre prochain. Qu’en pensent les salariés de cette augmentation dans ce contexte inflationniste ? Reportage parmi les travailleurs casablancais.
« Les camarades, allez-y récupérer vos banderoles », lance un des organisateurs du défilé du 1er Mai à la Confédération démocratique du travail (CDT) à Casablanca. Les responsables des bureaux syndicaux feignent d’avoir entendu ce membre de l’organisation. Dix minutes plus tard, l’organisateur réitère sa demande, sans succès. Les membres des syndicats participant à cette manifestation ne semblent pas assez motivés pour y prendre part. Cette attitude résume l’ambiance de cette manifestation, l’unique à Casablanca. Une manifestation sans conviction avec des ouvriers peu enthousiastes face à une situation sociale dégradée par la cherté de la vie. L’accord signé le 30 avril ne suscite pas l’engouement des troupes de la CDT.
Intérim et désindustrialisation
Il est 12h00, un soleil de plomb couvre le rond-point Derb Omar à Casablanca. Après deux ans d’absence, le défilé du 1er Mai de la CDT est de retour. Les ouvriers continuent à déserter ces manifestations. Les travailleurs affiliés à la CDT se réduisent, depuis 2006, comme peau de chagrin comme l’attestent les résultats des élections professionnelles. La centrale syndicale n’arrive pas à remplir la place et les allées aux alentours. Les quelques membres des bureaux syndicaux présents se réfugient du soleil sur les trottoirs, en attendant l’arrivée des leaders syndicaux, politiques et associatifs invités par la CDT. A 13h00, les discours des « zaims » locaux et nationaux démarrent. Khalid Lahouir El Alami, SG adjoint de la CDT, tente tant bien que mal de convaincre et expliciter le contenu de l’accord du 30 avril signé avec le gouvernement et le patronat. « Cet accord a été obtenu grâce à la combativité de la CDT, il a donné des sueurs froides au gouvernement jusqu’à la dernière minute », estime-t-il. Et de menacer : « Si l’accord n’est pas appliqué dans sa globalité nous sommes prêts pour la mobilisation de rue ».
La manifestation démarre. Le défilé compte des travailleurs du secteur privé comme le textile. « Le secteur est en perte de vitesse. Les usines continuent à fermer face à la progression de l’importation du textile turc et chinois », résume Abderrahim du bureau syndical de la fédération du secteur du textile et du cuir. Ce dernier ne cache pas sa colère face aux résultats de l’accord tripartite du 30 avril : « Cette hausse du SMIG, c’est des miettes pour les travailleurs. Les prix flambent. Les gens souffrent et eux nous jettent 70 DH par mois », s’indigne Abderrahim.
Parmi les marcheurs, le Syndicat des assistants pharmaciens. Les travailleurs des pharmacies dénoncent des conditions de travail « déplorables ». Pour Rachid, membre de ce bureau syndical, « les employeurs ne respectent pas les horaires de travail légal et les jours fériés travaillés. Certains employeurs ne déclarent pas leurs salariés à la CNSS », regrette-t-il. Dans l’aéronautique, le syndicat du secteur affilié à la CDT dénonce « le recours croissant aux intérimaires au lieu et place des titulaires ». Toujours dans le secteur des services, le syndicat de l’entreprise KITEA souhaite que l’entreprise lance « un dialogue social pour étudier nos revendications. Ce dialogue est au point mort depuis trois ans et pourtant, nous constatons une flambée des prix et une perte du pouvoir d’achat ».
Dans les allées de cette marche se lit le désarroi d’une classe ouvrière esseulée et en position de faiblesse. Portant un lourd dossier revendicatif, ces derniers milieux ouvriers syndicalisés tiennent à une paix sociale, même précaire. L’accord signé par la CDT lui préserve sa place dans l’échiquier syndical national. Les nouvelles mesures décidées dans l’accord tripartite tentent d’endiguer la perte du pouvoir d’achat. Mais jusqu’à quand ?