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Morts ou emprisonnés, le destin des migrants à Nador

48 heures après le drame de Nador, les autorités cadenassent l’accès à l’information. Le contrôle des récits et des chiffres sont au cœur de cette bataille. Contre-récit. 

Frontière Beni Ensar séparant Nador et Mélilia. Crédit photo: S.L

A Nador, les migrants sont introuvables. Ils sont soit morts soit en état d’arrestation. A la morgue, les conditions sont déplorables. En garde à vue, la situation est marquée par le black-out, même situation à l’hôpital. 

À l’hôpital, l’omerta autour des morts 

L’hôpital provincial Hassani, Nador. Crédit photo: S.L

Il est 10h30 du matin ce samedi 26 juin, les responsables de l’hôpital provincial Hassani à Nador ferment à double tour les portes de la direction. Selon nos sources, la directrice de l’hôpital interdit de communiquer les chiffres des morts et des blessés des événements de Nador. Seule la Province de Nador communique au compte-gouttes les chiffres. L’autorité locale qui reste tributaire des consignes de sa direction centrale à Rabat.

48 heures après les faits, on ne connaît ni les identités, ni les nationalités des personnes décédées.

Le dernier bilan fait état de 23 morts. Selon l’AMDH Nador, le bilan est de 27 morts parmi les migrants, plus deux gendarmes. Chez, les officiels l’omerta règne. 48 heures après les faits, on ne connaît ni les identités, ni les nationalités des personnes décédées. L’AMDH Nador a révélé qu’une partie des corps se trouvent dans un état « désastreux » à la morgue de l’hôpital.    

La frontière, une zone de guerre 

Frontière Beni Ensar séparant Nador et Mélilia. Crédit photo: S.L

ENASS s’est rendu aux deux frontières, celles de Barrio Chino et de Beni Ensar, séparant Nador de Mélilia, ville occupée par l’Espagne. Dans cette zone ultra-sensible, la militarisation de la frontière est prégnante. Tranchées et doubles grillages quadrillent Melilia, sous surveillance militaire marocaine et espagnole. Le lendemain du drame du 24 juin, les autorités doublent leur vigilance. Les agents de l’autorité présents sur les différents points de contrôle sont fébriles. La présence des médias n’est pas la bienvenue. Sur les grillages, quelques vêtements de migrants flottent. Dans les postes de surveillance, les gendarmes marocains tentent de se remettre de leur journée de la veille. Difficilement. L’ambiance est tendue. 

Aux commissariats, des migrants en garde à vue 

Nous avons fait le tour de trois commissariats de police à Nador et Beni Ensar à la recherche d’informations sur les migrants arrêtés. Accompagnant Omar Naji, de l’AMDH Nador, nous avons retrouvé le lieu de détention préventive des migrants arrêtés à la suite de l’assaut tragique du 24 juin. Il s’agit du commissariat central de Nador. Secret d’instruction oblige, aucune information ne filtre sur leur nombre et les charges qui sont retenues contre ces personnes. Elles devraient être présentées devant le parquet le dimanche 27 juin ou le lundi 28 juin. Pour l’heure, aucune enquête judiciaire n’a été ouverte dans ce sens. ENASS a contacté la présidence du ministère public pour recueillir des informations sur ce sujet, notre demande est restée sans réponse. Seule certitude, les migrants arrêtés se trouvent bien à Nador, ainsi que « leurs armes ». Dans le hangar du commissariat central, la police judiciaire a collecté les bâtons utilisés par les migrants pour les présenter devant le procureur. Le procès de ces migrants s’annonce rude.  

À la forêt, les introuvables migrants  

Mont du Gourougou, Nador. Crédit photo: S.L

« J’ai rarement vu la forêt aussi déserte »

Omar Naji, AMDH NADOR

Nous continuons nos recherches des rescapés parmi les migrants. Direction du Mont du Gourougou. Cette forêt est un lieu des campements des migrants depuis deux décennies. Aujourd’hui, aucune trace de migrants. « J’ai rarement vu la forêt aussi déserte », observe Naji. Après plus de deux heures de route, impossible de rencontrer des migrants. Selon plusieurs sources médiatiques, les migrants ont été déplacés de force vers des villes du centre du Maroc (Kelaâ Sraghna, Khouribgha, Béni Mellal, etc.). L’objectif des autorités est de faire régner l’omerta sur ce drame et réduire au silence toutes les voix des migrants qui peuvent contrecarrer le récit officiel celui « de la violence et du danger que représentait les migrants ». Mission accomplie jusqu’à maintenant. 

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