Un ÉTÉ MAROCAIN: Un mépris à 93 milliards de DH !
Ces chroniques reviennent sur les principales actualités qui ont marqué cet été marocain. Plusieurs thèmes seront abordés, parmi eux : les Marocains du monde, les libertés politiques, la répression des migrants et le tourisme de masse.
Ils sont de retour ! Avec leurs voitures immatriculées en Europe, nous les croisons sur les routes, dans les ports et les aéroports. Les Marocains du monde (MdM) sont revenus massivement dans leur pays d’origine cet été. Après deux années de Covid-19, dont une dernière privée de transport maritime en raison du conflit diplomatique entre le Maroc et l’Espagne, les voilà de retour.
Les membres de la même famille sont moins nombreux, les familles de la troisième génération se nucléarisent, les véhicules transportent moins de « ferraille », les familles des MRE viennent surtout passer des vacances au soleil et profiter d’un moment de répit avant leur retour dans une Europe peu accueillante pour les étrangers.
Et quel bonheur de les revoir. Bonheur pour leurs familles et pour l’économie marocaine.
Au 19 juillet dernier,1,5 millions Marocains du monde ont franchi les ports et les aéroports, soit 25% de plus qu’en 2019. Les MdM préfèrent rentrer au Maroc par voie aérienne qui dépasse les traditionnelles voies d’accès par les ports Tanger Med, Tanger-ville, Al Hoceïma et Nador.
Les MRE: Sans droit effectif à la représentation politique, sans droit de vote, sans institutions viables et fonctionnelles
Un record dans une année de tous les records en matière de MRE. Ces Marocains vivant aux quatre coins de la planète ont transféré 93,7 milliards de DH en 2021. Un autre record. Ce montant égale le budget de la Défense au Maroc. C’est une fois et demie le budget de l’Éducation nationale et presque cinq fois le budget de la Santé. C’est dire le poids de ces MRE dans l’équilibre des finances publiques. Et pourtant, ces citoyens marocains ne reçoivent que du mépris de la part des pouvoirs publics. Pourtant tous les rapports officiels rappellent leur rôle dans la résilience économique du pays :
« Après la résilience notable qu’ils ont affichée en 2020, les transferts des Marocains résidents à l’étranger (MRE) se sont accrus de 37,5% à un niveau record de 93,7 milliards. Cette performance a contribué à contenir le creusement du déficit courant qui s’est établi à 29,1 milliards, soit 2,3% du PIB au lieu de 1,2% un an auparavant », selon le rapport de Bank Al-Maghrib de 2021.
Sans droit effectif à la représentation politique, sans droit de vote, sans institutions viables et fonctionnelles, une Fondation Hassan II sclérosée, le CCME périmé, un département ministériel relégué en une simple direction invisible et illisible, etc.
L’accueil dans les principaux ports est pénible. D’interminables heures d’attente.
L’accueil dans les principaux ports est pénible. D’interminables heures d’attente (jusqu’à 6 heures pour Bab Sebta), des pannes et des files d’attente dans les différents ports.
A cela s’ajoute la multiplication des affaires de spoliation immobilière à l’encontre de ces MRE qui investissent leur argent dans la pierre au Maroc, en attendant des jours meilleurs et qui se retrouvent spoliés de leurs biens.
C’est le destin d’une double absence, absence au pays ; absence dans le pays d’accueil et d’installation. C’est aussi le destin d’une double peine. La peine d’être méprisée par son propre pays d’origine et la peine d’être discriminée dans son pays d’adoption et d’installation.
Ils sont aussi les sans voix du Maroc… Souvent issus de classes populaires, ces migrants marocains sont hors des schémas institutionnels.
En lieu et place, d’un « Twahchnakoum » (vous nous avez manqué) et quelques réductions sur les billets de trains, les pouvoirs publics devraient penser – sérieusement – à remplacer ces slogans par des actes politiques. C’est le vrai moyen pour pérenniser les transferts des Marocains du monde et reconnaitre les droits de ces citoyens marocains dans leur pays.
Salaheddine Lemaizi, à Tanger.
PS : Ce texte écrit le 19 aout, la veille du discours royal qui a consacré de larges passages aux politiques publiques dédiées aux MRE et leur échec. L’appel royal et les questionnements qu’elles comportent rejoignent les propos soulignés ci-haut.
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