À Oued Zem, un militant à faire taire
L’autorité locale à Oued Zem mène une offensive tous azimuts pour réduire au silence Said Amara, militant de l’AMDH et du PSU. Récit d’une opération liberticide.
Said Amara, est le directeur de l’Association de soutien des sans-abris à Oued Zem (170 km de Rabat). En parallèle à son travail, il est militant connu et respecté dans cette ville de la plaine du phosphate. Il est président de la section locale de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) et membre du Parti socialiste unifié (PSU) et de la Confédération démocratique du travail (CDT).
« Au cœur de ce contentieux, la volonté affichée de l’autorité de faire une main basse sur la gestion de différentes ONG financées par l’INDH ».
Son activisme lui vaut les animosités d’une partie de l’autorité locale de cette localité. Il multiplie les plaintes contre le pacha (haut responsable de l’autorité locale) et un caid (président d’arrondissement au sein de l’autorité locale). « Au cœur de ce contentieux, la volonté affichée de l’autorité de faire une main basse sur la gestion de différentes ONG financées par l’Initiative nationale du développement humain (INDH) », accuse Ahmed Serbouti, vice-président de l’AMDH Oued Zem. Said Amara s’oppose à ce plan. « Il a plaidé pour une gestion démocratique de la structure associative où il travaillait et a présidé un bureau syndical », rappelle son camarade Serbouti. C’est à partir de ce moment que « l’opération Amara » est lancée par ses adversaires au sein de l’autorité locale.
Répression contre les actions de solidarité
Nous sommes le 23 août à Khouribga, la Caravane nationale prévue par le Comité national de soutien à Said Amara est interdite. « Cette interdiction est illégale, il ne suffit pas de lire un papier et nous informer que l’action est interdite », proteste Alami Lahrouni, coordinateur de ce comité. Des militants ont fait le déplacement des quatre coins du pays en soutien à Amara. C’est la quatrième action du genre à subir une interdiction manu militari. « Des sit-in à Oued Zem ont été interdits, notre sit-in à Rabat avait subi le même sort et nous voilà encore une fois face à des pratiques de l’absolutisme du Makhzen », dénonce Lahrouni.
L’audience du 23 août en appel du procès d’Amara est reporté au 30 août.
L’audience du 23 août en appel du procès d’Amara est reporté au 30 août. « Notre camarade a exigé un procès en présentiel », insiste Serbouti. Le procès en première instance s’est soldé par une condamnation expéditive à sept de prison, dont trois ferme et une amende à de 6000 DH au caid qui s’est constitué Partie civile. Mais que reproche-t-on à Amara ?
Le « 20 février » mis en cause
Fin juin 2022, le conflit entre Amara et le président du 1er arrondissement à Oued Zem devient explosif. Le militant a senti le danger. Le 1er juillet sa voiture de service, propriété de l’association est saisie, sans motif clair, par le responsable de l’autorité locale. Amara est convoqué pour reprendre ses affaires se trouvant dans ce véhicule. A ce moment, le responsable de l’autorité locale réquisitionne une banderole du Mouvement du 20 février se trouvant dans le véhicule. Amara exige de reprendre ses affaires. Un échange se produit. Le militant est menotté par le caid et un membre des Forces auxiliaires en utilisant un câble électrique avant que la police n’intervienne. Amara est poursuivi pour « insulte à agent d’autorité et blessures ». L’AMDH qualifie cette arrestation de « vengeance planifiée » contre son militant. Le 21 juillet, Amara est condamné en première instance.
Abus de pouvoir
« Ce procès a été l’occasion pour la justice de fournir une protection pénale à des pratiques caractérisées d’abus de pouvoir », observe Me Jeddi, membre de la défense d’Amara. Et ce dernier d’ajouter : « Le cœur de ce dossier, ce sont les plaintes et les écrits d’Amara dénonçant les pratiques du pacha de la ville ».
« Ce procès a fourni une protection pénale à l’abus de pouvoir ».
Pour la saisie d’une banderole du 20 février, l’avocat considère cet acte comme « du conservatisme politique et qui est contraire à la liberté de la pensée et d’opinion des citoyens ». L’avocat poursuit son plaidoyer : « Dans les PV, le caid parle de l’acte toucher (wakaza en arabe) comme un acte de violence qui justifierait un certificat médical de 16 jours. Or toutes ces preuves ne tiennent pas à l’épreuve des faits », Pour ce membre de la défense, « ce dossier fabriqué de toute pièces visent à faire taire un syndicaliste et un militant actif dans sa ville ».
Emprisonné et licencié
L’affaire Amara rassemble désormais l’ensemble des acteurs politiques de la ville. Le Comité local rassemble un large spectre de militants, partant de l’Istiqlal, le PPS et jusqu’à l’USFP, ainsi que les syndicats de la CDT et l’UMT. De l’autre côté, la mobilisation est tous azimuts pour briser Amara. La dernière décision à l’encontre de ce militant c’est son licenciement de son poste de directeur d’association. Cette décision a été prise par le nouveau bureau de l’association constituée juste après l’incarcération d’Amara. « Nous avons demandé aux membres du bureau s’ils étaient informés de cette décision. Ils n’étaient même pas au courant », affirme Serbouti coordinateur du Comité local.
Pour Me Jeddi : « Cette décision de licenciement n’a aucune valeur juridique. Car Amara s’est absenté en raison de son emprisonnement ». Le Comité local compte déposer un recours d’urgence contre cette décision au niveau du Tribunal administratif de Casablanca. « Nous ne céderons pas. Les autorités de la ville veulent non seulement faire taire Amara mais aussi le priver de sa source de revenu. C’est indigne du Maroc de 2022 », conclue Lahrouni.