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Drame de Nador-Melilla : Omerta autour des corps des migrants 

Un membre de la famille d’un des disparus dans le drame du 24 juin souhaite procéder à l’identification des corps, il a reçu une fin de non-recevoir de la part des autorités sanitaires de Nador. Les explications.  

Omar Naji de l’AMDH Nador avec Nadir parent d’un disparu. Crédit photo: AMDH Nador

Nadir est un ressortissant soudanais venu de la Norvège jusqu’à au Maroc à la recherche d’un jeune membre de sa famille du nom de Abdellah Omar Abdellah. Ce jeune est porté disparu depuis la fin juin, selon sa famille. Nadir se déplace à Nador pour tenter d’identifier son corps, avec le soutien de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH). Sa demande et celle de l’AMDH seront acceptées dans un premier temps par le Parquet de Nador avec que l’hôpital de Nador et la morgue ne lui refuse l’accès aux corps. « C’est un dossier et ce sont des corps qui ne sont pas de notre ressort », répondent des responsables locaux de la santé à la demande de ce Soudanais à la recherche de son parent disparu. 

Silence radio 

« C’est une nouvelle information qui renforce les doutes sur la version présentée par les autorités au sujet du drame de 24 juin », c’est la conclusion de la section de Nador de l’AMDH à la suite de plusieurs jours de démarches administratives et judiciaires, en compagnie de Nadir, comme le résume la page Facebook de l’association. La section accompagne les familles des migrants morts ou disparus afin d’identifier leurs corps.

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Nadir démarre ses démarches par une demande au niveau du Parquet de Nador pour qu’il l’autorise à identifier le corps de Abdellah Omar. La procédure n’est pas nouvelle, elle fait partie du travail d’identification. Le Parquet accepte la demande et donne ses instructions dans ce sens pour visiter la morgue de Nador « Malgré ses instructions, la direction de l’hôpital Hassani à Nador a refusé d’exécuter cette décision judiciaire sous prétexte que les corps seraient décomposés et que pour sortir les corps, ceci demandera un grand effort », regrette l’AMDH dans sa communication. Cette même association avait alerté le lendemain du drame sur les conditions de préservation des corps. Il demeure que le prétexte présenté est contestable. « Dans des cas précédents, nous avons pu identifier des corps plus de trois après leur décès. Il n’était pas question de se cacher derrière un prétexte fallacieux de la décomposition des corps », rappelle l’AMDH dans sa note sur cette mission d’identification. 

Le service des décès de l’hôpital Hassani a informé Nadir et l’AMDH que « ce service n’a aucune relation avec les corps des personnes décédées le 24 juin », indique l’AMDH. Et d’ajouter : « A contrario des cas des décès enregistrés au sein de l’hôpital, les migrants n’ont pas été enregistrés dans le registre des décès du service et seraient sous la responsabilité des services sécuritaires ». 

Cette information s’oppose aux constats du rapport du Conseil national des droits humains (CNDH) qui a affirmé avoir consulté le registre des migrants décédés le 24 juin. Dr Adil Shimi, membre de la commission d’information a déclaré, lors du point de presse de présentation de ce rapport le 13 juillet, avoir « consulté le registre des morts lors de la visite de la mission ». Selon le rapport du CNDH, le parquet aurait effectué une autopsie et des analyses ADN sur les personnes décédées le 24 juin « pour garantir les droits des familles ». Pourquoi les autorités n’ont-elles pas présenté ses résultats de l’analyse ADN à Nadir ? 

Que des photos, pas de corps

Avant de s’adresser à l’hôpital Hassani et son service des décès, Nadir a pris contact avec le responsable de la morgue qui l’a renvoyé à son tour vers la Police judiciaire (PJ), en charge de l’enquête. Selon les données de l’AMDH Nador, Nadir n’a pu consulter que les 23 photos des trois victimes qui se trouvent au niveau de la PJ de Nador. « La photo d’Abdellah Omar ne se trouvait pas parmi les photos présentées à Nadir par la police », conclut l’AMDH. Ce ressortissant soudanais est ainsi porté disparu parmi les dizaines de réfugiés et migrants portés disparus à la suite du drame du 24 juin. 

Le quiproquo vécu par Nadir amène l’AMDH Nador a posé des questions sur les raisons poussant les autorités sanitaires à refuser à un membre d’une famille le droit de l’identification : « Pourquoi les autorités refusent à montrer les corps aux familles malgré un accord du Parquet de Nador », s’interroge l’AMDH Nador. La section se pose une deuxième question : « Pourquoi les autorités ont-elles refusé d’appliquer la procédure officielle avec l’enregistrement des personnes migrantes décédées dans le registre des décès ? ». Des questions qui demeurent en suspens et les exilés morts le 24 juin demeurent anonymes…

L’association a expliqué qu’après deux mois de ce vendredi noir le sort de plusieurs migrants reste inconnu, et leur famille n’ont pas toujours eu le droit de consulter les cadavres afin de les identifier.

Dans un tweet sur son compte twitter, l’AMDH Nador a affirmé que «les autorités évitent toute consultation des cadavres par les familles à la morgue, même en présence d’un ordre judiciaire».

Tweet AMDH Nador concernant l’interdiction d’identification des migrants morts lors du drame du 24 juin

«Lors d’un appel avec le service chargé de la morgue, nous avons appris qu’il n’y avait aucune information sur les migrants morts le 24 juin et que ces personnes n’ont pas été enregistrées dans les registres du service», affirme la même source.

Dans le même contexte, l’association s’interroge sur «le manque d’informations et pourquoi les autorités interdisent-elles la consultation des  cadavres ». Et d’ajouter: « Pourquoi ils n’ont pas suivi la même procédure normale qui consiste à enregistrer les personnes décédées dans les registres de l’hôpital Hassani de Nador comme c’était le cas avant ?»

Enfin, l’association  dénonce  cette interdiction et revendique «l’urgence de donner des clarifications et des réponses afin de respecter les droits de ces migrants et de leurs familles». 

Pour rappel, au moins 23 migrants ont perdu la vie lors de ces événements de violences du 24 juin à la frontière Nador-Melilla selon les autorités et plus de 37 selon les ONG.

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