Migrations climatiques, A la recherche de l’eau…
Le Maroc est concerné par les migrations climatiques à double titre. Le pays connaîtra une migration interne en raison des tensions sur les ressources dans les régions éloignées du littoral. Le royaume devrait aussi recevoir des populations étrangères poussées vers l’exil en raison des changements climatiques.
« Un adolescent marocain qui laisse derrière lui ses montagnes et la ferme où sa famille cultive des olives et des fruits pour travailler dans le bâtiment aux environs de Rabat afin de s’assurer un salaire plus fiable, car les pénuries d’eau rendent les revenus de l’agriculture plus incertains ». Le cas de ce déplacé interne pour des raisons climatiques est cité par la Banque mondiale dans son dernier rapport Groundswell 2021 intitulé « Se préparer aux migrations climatiques internes ». Le Maroc est particulièrement concerné par cet enjeu.
1,2 millions de Marocains seront obligés de quitter leurs lieux de résidence pour se déplacer vers d’autres régions du pays en raison des différentes manifestations des changements climatiques. Le Maroc, comme le reste de l’Afrique Nord, reste particulièrement concerné par les migrations climatiques. Ces migrations contribuent aux déplacements des populations à l’extérieur des frontières nationales. L’Afrique subsaharienne pourrait connaître jusqu’à 86 millions de migrants climatiques internes parmi les 216 millions de migrants internes dans le monde. Pour ces raisons, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM Maroc), en coordination avec les ministères de la Transition énergétique et du développement durable, de la Santé et le Département des Marocains résidants à l’étranger ont tenu un symposium sur le changement climatique, la migration et la santé les 12 et 13 octobre dernier.
Les liens entre climat, santé et migration
« Le changement climatique a des conséquences réelles sur la santé et impacte violemment les communautés vulnérables puisqu’elles n’ont pas toujours accès aux soins, d’où vient cette importance de travailler en étroite collaboration afin de les protéger », affirme Laura Palatini, cheffe de mission de l’OIM au Maroc, lors de l’inauguration de la première journée du symposium.
Organisé à Marrakech, les 12 et 13 octobre 2022, ce symposium intervient dans le cadre du projet régional « Favoriser la santé et la protection des migrant(e)s en situation de vulnérabilité au Maroc, Tunisie, Libye, Égypte, Soudan et Yémen», financé par le ministère des Affaires étrangères de la Finlande.
Dans leurs mots d’ouverture, les organisateurs ont expliqué que les phénomènes naturels extrêmes liés aux changements climatiques, tels que la désertification, la raréfaction des ressources en eau, la salinisation des terres agricoles, les inondations, les ouragans entre autres, dont le nombre a triplé au cours des trente dernières années, ont engendré des conséquences souvent désastreuses sur les communautés vulnérables, obligées de choisir la migration comme voie de survie.
L’existence d’autres facteurs déterminants économiques, démographiques, sociaux et politiques rendent plus complexes l’analyse du phénomène migratoire mondial actuel et l’établissement de la relation de cause à effet entre changement climatique et migration. « Travailler sur cette interconnectivité de ces trois dimensions et échanger les bonnes pratiques entre le pays du MENA nous permettra de mettre en place une bonne gouvernance et protégera la population migrante », explique François Reybet-Degat, représentant du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) au Maroc.
Ce symposium, qui s’inscrit dans la lignée de l’objectif 13 de l’Agenda 2030 pour le développement durable et l’objectif 2 du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières permettrait d’explorer les liens entre le changement climatique, la migration et la santé dans la région MENA, avec un accent particulier sur la santé des femmes. Les recommandations issues de ce symposium permettront de nourrir les contributions de la Conférence des Parties (COP 27) qui se tiendra en Égypte en novembre 2022. D’autant plus que la région MENA est particulièrement concernée par ces enjeux.
Migrer pour chercher de l’eau
Selon le rapport Groundswell, en Afrique du Nord, « les perturbations de la disponibilité de l’eau seront probablement le principal moteur des migrations climatiques internes. Elles chasseront les populations des régions côtières et intérieures où les pénuries d’eau s’aggravent, ralentissant la croissance démographique dans les foyers d’émigration le long de la côte nord-est de la Tunisie, de la côte nord-ouest de l’Algérie, dans l’ouest et le sud du Maroc ainsi que sur les contreforts de l’Atlas central qui subissent déjà le stress hydrique », peut-on lire dans ce document.
Parallèlement, plusieurs autres lieux où l’eau est plus abondante devraient devenir des foyers d’immigration climatique, notamment des centres urbains importants comme Le Caire, Alger, Tunis, Tripoli, le corridor Casablanca-Rabat et Tanger. La Banque mondiale recommande au Maroc pour les villes côtières en expansion de « mettre en œuvre une planification urbaine résiliente et inclusive, qui tienne compte des risques climatiques et de leurs impacts sur les secteurs économiques clés et les infrastructures urbaines ».
Toujours pour le Maroc, l’institution financière internationale recommande « la gestion et le développement intégrés des ressources en eau seront essentiels, tout comme les efforts visant à assurer une croissance économique à faible émission de carbone et résiliente ». Ces recommandations demeurent en contradiction avec plusieurs programmes financés par la même institution notamment les projets d’agriculture intensive fortement consommatrice d’eau et poussant vers la migration climatique dans les régions du sud-est comme dans la province de Zagora…