MIGRATIONS, Récits, UNE

À Rabat, Récit d’arrestations arbitraires des migrants

À Rabat, les arrestations et les déplacements forcés des personnes migrantes se poursuivent quotidiennement. ENASS a recueilli les témoignages de migrants arrêtés à Rabat publiés dans la note de plaidoyer du Collectif des communautés subsahariennes au Maroc (CCSM). Récit.

Il a 24 ans, et habite à Hay Takaddoum à Rabat. Ce jeune Guinéen était accompagné de l’assistante sociale du CCSM puisqu’il souffre de troubles mentaux, il a été arrêté alors qu’il était en route à l’OIM pour s’inscrire au retour volontaire.

« Après une longue journée de procédures à l’OIM, nous attendions le bus à Hay Takaddoum pour partir à la maison. Je l’ai laissé assis et je suis partie demander le numéro de notre bus, et quand j’ai tourné la tête pour l’appeler, j’ai vu trois policiers en civil le taper et le menotter, pour l’amener au district urbain Youssoufia de la 14ème annexe administrative-Takaddoum. J’ai couru pour leur expliquer qu’il était avec moi mais sans succès. Je leur ai montré tous les documents nécessaires, mais ils ont assuré que le jeune a commis une infraction lorsqu’il a résisté et que sa carte consulaire ne représente pas un document d’identification reconnu par le Maroc.», extrait de témoignage de la note de plaidoyer publiée par  le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc.

Les tentatives d’explication de l’assistance sociale que le migrant est mentalement malade ne vont pas aboutir et il sera ensuite placé en détention au district urbain Youssoufia de la 14ème/annexe administrative-Takaddoum, où « il a été agressé brutalement par cinq policiers », le coordinateur du CCMS et le consul de la Guinée vont aussi intervenir mais ce n’était pas assez facile, le jeune a été mis dans un camion pour qu’il soit refoulé et après une longue journée d’interventions et d’appels il sera finalement libéré selon la même source.

« Nous ne vivons pas paisiblement ici à Hay Nahda 1, nous souffrons, les policiers nous fatiguent je travaille à Hay Takaddoum dans un atelier de couture, les arrestations se font de manière régulière, surtout à partir de midi, les policiers en civil ou en kaki se promènent dans le quartier des migrants subsahariens, même ceux qui ont le statut de UNHCR ; on nous harcèle, humilie, menace, arrête, et parfois les policiers nous demandent de l’argent (150-200 dirhams) pour que nous puissions être libérés». Et d’ajouter « quant à mon travail, je ne suis pas à l’aise, et pour rentrer chez moi, je dois prendre un petit taxi pour éviter les arrestations. »

«Nous les Subsahariens ici, nous travaillons et payons le loyer ; personnellement, je ne fais rien contre la loi mais je souffre toujours de discrimination et de mauvais traitements de la part de la police. »

Toujours au quartier Takadoum, ce jeune Guinéen, âgé de 29 ans, est arrivé au Maroc en 2017  avec sa femme et un enfant de 1 an, ces arrestations ont un effet néfaste sur son travail puisqu’il a souvent besoin de se rendre à Casablanca pour acheter du matériel mais ne peut le faire par peur d’être arrêté. Depuis son arrivée au Maroc, il a toujours été harcelé, et arrêté par la police.

« Un jour je me baladais avec ma femme et mon enfant, des policiers en kaki m’ont arrêté et humilié devant ma femme et mon enfant. Cet incident m’a fait reconsidérer le fait de retourner dans mon pays  d’origine parce que je me suis posé la question plusieurs fois : Pourquoi la police nous dérange alors que les  Marocains chez moi sont bien traités ? Et d’ajouter: «Nous les Subsahariens ici, nous travaillons et payons le loyer ; personnellement, je ne fais rien contre la loi mais je souffre toujours de discrimination et de mauvais traitements de la part de la police. »

Ces arrestations arbitraires et ces violences mènent ces migrants à changer le quartier, la ville ou même penser à retourner vers leur pays d’origine comme le cas de ce Guineen d’ailleurs qui aujourd’hui pense à un retour volontaire parce qu’il ne peut pas rester dans un pays ou il est difficile de se déplacer.

Il est 16 heures, un jeune Guinéen en pleine procédure de retour volontaire avec l’OIM, quitte la maison pour rendre visite à des amis dans le quartier Takkadoum. Bien qu’il soit parti en prenant un taxi, il a décidé de rentrer à pied car il n’avait plus d’argent. Sur le chemin du retour, il a été arrêté à Takkadoum vers 19 heures, par la police qui lui a demandé son passeport ou toute autre pièce d’identité. Sans la carte consulaire qui est sa seule pièce d’identité, il a été envoyé avec d’autres migrants arrêtés au poste de police, sans aucun enregistrement ni PV. Ils ont tous été mis dans un bus en attente d’être expulsés vers 21 heures. 

Vers 3 heures du matin le bus s’arrête dans une ville dont ce jeune ne se souvient pas du nom, selon son témoignage, «un Subsaharien avec sa propre voiture a fini par l’aider, avec d’autres migrants, en les conduisant à Casablanca où il a pu finalement emprunter de l’argent à un de ses amis de la ville pour payer le billet de bus (30 dhs) pour revenir à Rabat.»  

Ces témoignages de ces migrants expliquent bel et bien que les arrestations et les déplacements forcés ne se limitent pas aux villes frontalières du Maroc. La ville de Rabat est notamment connue pour les arrestations fréquentes et ces actes sont souvent accompagnés de mauvais traitements et de violations flagrantes des droits humains. Pourtant, certains migrants sont en possession de leur carte ou d’une preuve de leur résidence légale (document du HCR) au moment de leur arrestation.

Dans sa note de plaidoyer, le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc a mis l’accent sur ces opérations de déplacements et d’arrestations qui illustrent de vraies  infractions de loi et des politiques migratoires commis par le Maroc tout en revendiquant  l’urgence de “la mise en place d’un système de contrôle approprié des activités des fonctionnaires d’Etat et des agents de sécurité en ce qui concerne les arrestations, détentions, refoulement et traitement des migrants”. Ensuite, le même document appelle à mettre fin à ces opérations et à l’adoption d’une nouvelle loi sur la migration et l’asile au Maroc.

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