Profil migratoire du Maroc : 5 chiffres pour comprendre
ENASS et MADAR répondent à toutes les questions sur le nombre de personnes en migration au Maroc. Décryptage des dernières données disponibles.
Statistiquement, le Maroc est en premier lieu un pays d’émigration et devrait le rester pour les prochaines décennies. Le pays compte 3,3 millions de Marocains vivant à l’étranger. Ce qui représente 9% de la population (ONU, 2020). Le Maroc est aussi le carrefour de différentes formes de migrations : travailleurs migrants, étudiants étrangers et migrants de transit. Cette dernière catégorie, la moins importante statistiquement, focalise l’intérêt des décideurs publics marocains et européens et des médias.
1 .Diversité des profils
Le Maroc compte 102 400 personnes étrangères en situation régulière, soit à peine 0,3% de la population (0NU, 2020). Ce chiffre ne prend pas en compte des contingents de travailleurs étrangers qui travaillent via les conventions bilatérales avec le Maroc, et profitent d’une exemption de la préférence nationale (Sénégal et Tunisie). Bien que le nombre de migrants demeure faible, ce volume de personnes étrangères installées au Maroc est en progression de 63,3% sur une décennie (2004-2014, HCP).
Cette migration est composée de 48,5% de femmes. Les principaux pays émetteurs d’immigrants à destination du Maroc sont les partenaires économiques ou historiques du pays : France, Sénégal, Algérie, Espagne (HCP, 2019). Il est à noter que la population des travailleurs migrants a eu tendance à se diversifier grâce au boom économique relatif qu’avait connu le Maroc. Ainsi, le Maroc draine une migration de main-d’œuvre de Chine, des Philippines ou dans une moindre mesure de Turquie. A ces populations, s’ajoute une communauté d’étudiants originaires des pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, estimée à 20 000 étudiants étrangers (EUROMED University, 2022).
2. La migration irrégulière vers l’Europe
Depuis le début des années 2000, le Maroc est un pays de transit pour les candidats à l’immigration irrégulière. La route migratoire marocaine, au nord et au sud du pays, avait déjà été empruntée par les Marocains eux-mêmes dès le début des années 90. Il est difficile d’estimer le nombre de migrants en transit au Maroc. En raison de leur forte mobilité, l’effectif de ces migrants fait l’objet uniquement d’estimations qui varient entre 30 à 50 000 personnes en migration, issus des pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale. Ce chiffre évolue selon la dynamique migratoire sur les frontières marocaines et la situation des autres routes migratoires notamment en Libye.
En raison de leur forte mobilité, l’effectif de ces migrants fait l’objet uniquement d’estimations qui varient entre 30 à 50 000 personnes en migration, issus des pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale.
Au gré de cette évolution de la situation des autres routes migratoires en Méditerranée, l’activité sur la route migratoire marocaine s’intensifie selon les années et suivant le contexte politique. Durant les trois dernières années, cette route, notamment celle des Îles Canaries, a été la plus active. La réouverture de la route migratoire des Îles Canaries avec des départs depuis Laâyoune, Dakhla et Tarfaya fait partie d’enjeux diplomatiques entre le Maroc et l’Espagne, que nous analyserons dans la deuxième partie de cet article.
En 2021, 41 979 migrants ont atteint l’Espagne. Parmi eux, 23 042 sont arrivés aux Îles Canaries
HCR Espagne, 2022.
Les candidats à l’immigration, marocains ou subsahariens, ont emprunté cette route atlantique périlleuse. En 2021, 41 979 migrants ont atteint l’Espagne. Parmi eux, 23 042 sont arrivés aux Îles Canaries (HCR Espagne, 2022). Les cinq principaux pays d’origine sont l’Algérie, le Maroc, le Mali, la Guinée et la Côte d’Ivoire. L’écrasante majorité des arrivées se fait par bateau (98%).
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À cela s’ajoute, 23 000 migrants qui ont été arrêtés par les autorités des deux pays ou lors d’opérations de Frontex (Frontex, 2021) . Les Marocains sont la première nationalité parmi les candidats arrivés en Espagne, ils représentent 56% des arrivées. Selon les chiffres de Frontex, ils sont aussi les premiers parmi les migrants arrêtés sur la route atlantique et méditerranéenne (13 000 migrants), suivis de différentes nationalités d’Afrique subsaharienne (12 600) et des Algériens (11 500).
Le retour en force du Hrig des Marocains rejoint le mouvement que vit aussi la jeunesse algérienne et tunisienne, comme l’ensemble de la jeunesse du continent noir.
Les ressortissants marocains arrivent en deuxième position parmi les nationalités arrêtées sur les frontières européennes, juste devant les Syriens, précédant les Afghans ! De facto, différents pays européens tentent de refouler plus de 25 000 migrants marocains arrêtés dans différentes villes européennes. Ce sujet fait l’objet de marchandage entre les autorités européennes et marocaines, et plus particulièrement françaises qui ont décidé de réduire de 50% les visas octroyés aux ressortissants marocains tant que le Maroc ne collabore pas activement dans le rapatriement de ses ressortissants. Une décision française motivée par le contexte électoral français et la montée de l’extrême droite (Ferrié, 2021). Le retour en force du Hrig des Marocains rejoint le mouvement que vit aussi la jeunesse algérienne et tunisienne, comme l’ensemble de la jeunesse du continent noir.
Cette vague de migration a eu de lourdes conséquences humaines. La route migratoire atlantique a été la plus meurtrière au monde pour les personnes en migration en 2021. 4400 victimes migrantes ont été recensées sur les routes d’accès à l’Espagne depuis le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et la Gambie (Caminando Fronteras, 2022). Ce chiffre est en hausse de 103% en une année ! 95% des corps des victimes ne sont jamais retrouvés. 83 des embarcations ont disparu avec toutes les personnes à bord. 628 femmes font partie des victimes en mer ainsi que 205 enfants. Les victimes sont originaires de 21 pays d’Afrique et d’Asie. Les principaux pays dont sont issus les victimes sont le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée Conakry. Faute de secours en mer et de sauvetage efficient et rapide, nous sommes bien face à « des nécropolitiques migratoires », comme le décrit l’association espagnole Caminando Fronteras.
3. Les migrants installés au Maroc
Au Maroc, le parcours migratoire des candidats à la migration originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale démarre par une installation temporaire dans les villes d’escale comme Nador, Fès, Rabat ou Agadir. Parmi les différents profils de migrants, certains travaillent dans le commerce informel ou dans les secteurs de la restauration, le BTP, l’agriculture, etc. Ces migrants travaillent souvent sans papiers et dans des conditions difficiles et précaires (ECONOMIA, OXFAM et Handicap International, 2021).
Face aux risques récurrents d’arrestation, et faute de perspectives de régularisation de leur situation administrative au Maroc, ces travailleurs migrants sans papiers se trouvent poussés à poursuivre leur route migratoire. Cette situation contraste avec l’espoir suscité par les opérations de régularisation de 2014 et 2017 inscrites dans le cadre global de la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA). La première opération de régularisation a permis de régulariser 23.096 migrants sur 27.649 provenant de la Syrie, Sénégal, la République Démocratique du Congo (RDC) et de la Côte d’Ivoire.
La deuxième campagne a connu le dépôt de 28.400 demandes de régularisation et plus de 20.000 demandes ont été acceptées jusqu’au fin octobre 2018 (CNDH, 2018). Les chiffres définitifs de cette deuxième opération n’ont jamais été publiés officiellement par le ministère de l’Intérieur.
Le profil des migrants est composé en majorité de jeunes hommes, avec une féminisation croissante de cette population. Ces migrants comptent aussi parmi eux des mineurs non-accompagnés (MNA). Cette population vulnérable voyageant seule n’accède pas toujours à une protection spécifique. A ces catégories, s’ajoute une population de réfugiés et de demandeurs d’asile assez faible (20 000 personnes) mais en forte progression (+100% en deux ans) (HCR Maroc, 2022).
4 .Féminisation de la migration
Selon les résultats de l’Enquête nationale sur la migration forcée de 2021 , presque trois migrants sur cinq sont des hommes (59,3%). Le taux de féminisation des migrants est de 40,7%. Les femmes subissent une peine multiple. Celle d’être femme, sans papiers, noire et pauvre. Elles subissent des discriminations telles que le racisme et la violence (Maleno, 2019). Il est utile de rappeler que les femmes représentent 44% des personnes régularisées en 2014, soit 13 000 femmes migrantes régularisées (MCMREAM, 2020). Les femmes travailleuses migrantes sont présentes dans le secteur du travail domestique. Elles sont originaires d’Afrique de l’Ouest et Centrale ou des Philippines. Elles peuvent subir des atteintes à leurs droits (confiscation du passeport, non-respect des jours de congé, violences physiques, etc.).
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5 .L’enjeu des mineurs non-accompagnés
Une autre catégorie de migrants en transit, en grande vulnérabilité, ce sont les MNA. Le Maroc est concerné par l’enjeu des MNA à double titre, en tant que pays émetteur de mineurs marocains isolés et sans-abri vivant en Europe. L’Espagne compterait entre 6 000 à 8 000 MNA marocains. La France compte plusieurs centaines d’enfants, notamment à Paris. La Suède, 55 enfants. D’autres pays européens reçoivent ces MNA.
Le Maroc compte une population croissante de MNA étrangers, essentiellement de Guinée Conakry et du Mali. Caritas Maroc reçoit dans son centre de Rabat 400 mineurs par an, essentiellement de Guinée Conakry (Caritas, 2016).
Le Maroc reçoit aussi des MNA issus de pays de l’Afrique subsaharienne. 10 % des migrants en situation de migration irrégulière au Maroc sont âgés de moins de 18 ans (UNICEF Maroc, 2021). Le Maroc compte une population croissante de MNA étrangers, essentiellement de Guinée Conakry et du Mali. Caritas Maroc reçoit dans son centre de Rabat 400 mineurs par an, essentiellement de Guinée Conakry (Caritas, 2016).
Enfin, le Maroc est aussi un pays de destination pour des réfugiés et des demandeurs d’asile. Une population en progression depuis 2007. Ainsi, le nombre de réfugiés au Maroc est passé de quelques centaines, en 2007, à 19 620 réfugiés et demandeurs d’asile, en 2022. En mars 2022, elle est répartie comme suit : 9 522 réfugiés et 10 098 demandeurs d’asile. Cette population de réfugiés est issue de 48 pays. En majorité, on retrouve les Syriens (5150 réfugiés), les Guinéens (2958), les Ivoiriens (1470), les Camerounais (1293), les Yéménites (1173) et les Soudanais (1361). Les femmes représentent 39% des réfugiés et demandeurs d’asile.
Le Maroc ne dispose pas encore d’un cadre légal sur l’asile. Les personnes demandeurs d’asile et tous ceux demandant une protection internationale peuvent faire l’objet d’arrestations, en raison du manque de sensibilisation des pouvoirs publics au sujet de cette question. La multiplication des arrestations et des déplacements forcés à Rabat et dans les grands centres urbains met en danger cette population de déplacés vulnérables.
L’étude complet à retrouver ici : « La politique migratoire au Maroc : Entre pressions européennes et chantage marocain »
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