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Ouled Ziane, Réalités des squats de migrants

Quelques centaines de migrants sont installés depuis des années autour d’Ouled Ziane. Ils sont désespérés par l’attente, le froid et les opérations d’éloignement par les autorités. Les habitants du quartier veulent que ces exilés quittent les lieux. Reportage dans une zone sensible.

Le chantier de la ligne n°4 du tramway occupé par des migrants et les alentours de la gare routière de Casablanca transformés en squats, c’est le triste décor qu’offre aujourd’hui ce chaudron social, prêt à exploser à tout moment.

Attente et froid

Les jeunes migrants fraichement arrivés au Maroc se sentent contrariés dans leur projet migratoire : « Je veux partir à la barrière de Melilla tenter ma chance pour rejoindre l’Europe », crient-ils. Depuis avril 2022, la présence accrue des migrants à Ouled Zidane est la conséquence directe des ratissages des campements près de Nador, Tanger et Benyounech (près de Tétouan). 

Près de la gare, une personne migrante s’est installée à l’écart des groupes. Un peu perdue, elle repère les lieux. Elle vient d’arriver à la station. Aujourd’hui, la route des Ouled Ziane à Casablanca est le terminus forcé de sans-papiers originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Des exilés de treize nationalités africaines vivent dans les différents squats. Après des milliers de kilomètres dans le désert, la route migratoire est bloquée au centre du Maroc. Cela provoque un sentiment d’être pris dans un piège qui suscite frustrations et tensions dans une zone urbaine paupérisée. Pour sa part, la population marocaine ne cache pas son exaspération face à cette situation, le tout dans le contexte d’une crise sociale persistance.

Reportage à Ouled Ziane : Réalité des campements des migrants à Casablanca

Dans le quartier, une certaine co-existence

Le muezzin de la mosquée du quartier fait l’appel à la prière d’Al Asr (l’après-midi), de jeunes migrants se précipitent pour prendre place à la mosquée.  Dans la ruelle jouxtant ce lieu de prière, d’autres jeunes participent aussi à la vie du quartier, on les retrouve dans les commerces pour acheter quelques provisions pour le soir.  Dans les nombreux cafés, on retrouve de jeunes migrants installés au fond du local, ils consomment, regardent les matchs de foot diffusés sur BeIn et utilisent le Wifi. Loin des clichés médiatiques, dans ce quartier, les migrants et la population locale continuent à co-exister malgré tout. 

Dans un de ces cafés, nous abordons de jeunes marocains qui font partie de l’action menée le 9 janvier dernier. Ce jour-là, des habitants décident de crier leur colère contre les « désagréments crées par la présence des subsahariens dans les ruelles du quartier et devant les maisons »,selon leurs propres termes. Le jour même, les autorités ont délogé les migrants de ces ruelles situées aux alentours de la gare, en les poussant à s’installer en face de la station routière. Mais la situation est loin d’être résolue.

« Où est l’Etat ? »

Dans la ruelle, où a eu lieu des sit-in des habitants, les gens sont peu bavards. La tension a baissé d’un cran. Les habitants ont obtenu gain de cause avec le délogement des migrants du mur de l’école.  Mais la colère est toujours présente. Parmi les leaders de ce mouvement, on se veut discret. De jeunes marocains font chaque soir des rondes dans le quartier pour empêcher la réinstallation des migrants sur les ruelles. « Nous n’avions rien contre ces personnes. Mais nous ne voulons plus qu’ils squattent devant nos maisons. Personne n’acceptera cette situation », déclare un jeune du quartier, ayant requis l’anonymat. 

« L’Etat a choisi d’accueillir ces personnes, nous n’avons rien contre. Les responsables doivent trouver une solution à ces migrants, nous n’avons pas à payer les frais cette situation ».

Signe de la sensibilité de la situation, les autorités locales ont fait le tour des quartiers appelant la population a cesser ses sit-in pour baisser une tension qui monte crescendo. Pour les habitants, une seule question revient avec insistance : « Que fait l’Etat face à cette situation ? », s’interroge un autre habitant. Et un autre de renchérir : « L’Etat a choisi d’accueillir ces personnes, nous n’avons rien contre. Les responsables doivent trouver une solution à ces migrants, nous n’avons pas à payer les frais cette situation ».

En plus du vacarme lié à la présence des migrants chaque soir, les habitants accusent les migrants d’être « une source d’insécurité », avec la présence de trafics en tout genre. Des accusations colportées par des médias mais non vérifiées jusqu’à date. Ce qui est sûr, c’est que la gare d’Ouled Ziane était une zone d’insécurité avant même l’arrivée des migrants. Cet espace est connu depuis des décennies pour concentrer différents trafics (vente de nouveaux nés, prostitution, drogue, alcool, etc.), au su et au vu de tous

Chasse aux migrants

Retour chez les migrants du squat. En face de la gare, de jeunes guinéens sont répartis en petits groupes. L’un d’eux propose à la vente des plats de son pays pour ses amis. Un autre s’est improvisé vendeurs de cigarettes. Les plus âgés sont installés en cercle pour jouer à des paris pour quelques pièces de monnaies. Près du terrain de foot, d’autres jeunes tentent de faire une sieste après plusieurs nuits agitées.

Dans un premier temps, les migrants n’ont pas souhaité nous parler. Le ton est accusateur, signe de la tension qui règne dans ce lieu : « Vous, les Marocains, vous vous faite de l’argent sur le dos des migrants et vous nous maltraiter, nous on veut juste partir en Europe », lance le plus âgé du groupe entouré de jeunes migrants qui ne font qu’acquiescer les paroles de leur camarade. Dans le groupe, on dénonce le « marchandage dont font l’objet les migrants ».

« J’ai tenté de franchir la barrière à cinq reprises. A chaque fois, on me refoule à Casablanca ».

Parmi le groupe des jeunes, mineurs, originaires de Guinée Conakry, l’impatiente gagne les esprits. « Je suis arrivé, il y a six mois au Maroc, j’ai tenté de franchir la barrière à cinq reprises. A chaque fois, on me refoule à Casablanca », nous raconte l’un d’eux . Près de lui, un autre mineur fraichement arrivé au Maroc il y a à peine 48 heures, observe sans dire un mot. Plus loin, des migrants camerounais ont installé un salon de coiffure improvisé dans la rue. « Nous ne sommes pas des dealers de drogue,un média est venu nous filmer de loin sans notre autorisation et ils nous accusé d’être des trafiquants, or c’est complètement faux », martèle ce Camerounais. 

« Les autorités chassent les migrants de d’autres squats du centre-ville ce qui fait qu’Ouled Ziane devient la dernière zone de retranchement des migrants »

président d’une ONG.

Sur la plateforme du tramway, nous retrouvons un groupe de migrants maliens. Installés sur leurs couvertures et leurs abris de fortune, ils acceptent de nous parler. Très peu parmi eux parlent le français. Ils parlent uniquement la langue nationale du Mali, le Bambara. « Nous n’avons pas choisi de vivre sur ce chantier, nous n’avons plus où aller », répète Dialou. Selon le président de Bank de Solidarité à Casablanca , « les autorités chassent les migrants de d’autres squats du centre-ville ce qui fait qu’Ouled Ziane devient la dernière zone de retranchement des migrants ». Au moment de notre présence, une dame marocaine apporte au groupe deux grands plats de couscous. Les jeunes la remercient. Dans ce climat difficile, la co-existence, a-t-elle des chances de l’emporter sur les discours de la haine ?   

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