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Procès de migrants à Ouled Ziane, Seuls face aux juges

Une nouvelle audience du procès des six migrants arrêtés lors d’accrochages avec les forces de l’ordre le 16 janvier à Ouled Ziane s’est tenue aujourd’hui. Le verdict sera prononcé le 8 février prochain.

Salle n°4 du Tribunal de Première instance (TPI) de Casablanca, ce lundi 6 février 2023. Soixante-quatre dossiers sont programmés à l’ordre du jour de la chambre correctionnelle de cette instance. Parmi les ces dossiers, l’affaire n°2105/652, elle concerne les six migrants arrêtés à la suite des accrochages entre force de l’ordre et personnes en migration à l’Ouled Ziane le 16 janvier. Ce jour-là, la police procède à l’arrestation de six migrants qui seront présentés devant le parquet. Le procès est à sa deuxième audience. La précédente audience tenue le lundi 30 janvier a été écourtée à la suite de la demande des accusés d’avoir un procès en présentiel. La Cour répondra favorablement à leur demande. Cette séance s’annonce décisive.

Les six migrants sont poursuivis pour « insulte et agression à l’encontre de fonctionnaires lors de l’exercice de leurs fonctions, destruction de biens publics et migration irrégulière » et ils risquent des peines lourdes de prison.

Procès expéditif

Il est 13h35, les six jeunes migrants font leur entrée à la salle d’audience. Le Juge-président et ses deux juges assistants affichent un large sourire à la vue du groupe de migrants. L’interprétariat n’est pas prévu. Le Juge-président demande à un des avocats présents d’assurer la traduction aux accusés. La séance démarre. Ali, malien de 19 ans, est le premier à prendre la parole pour se présenter. Le juge le gronde : « Parle plus fort ». Les six migrants n’arrivent pas à prendre la parole, ils se présentent succinctement, leurs propos sont inaudibles. On identifie des Maliens et des Camerounais, âgés entre 19 et 21 ans. 

Le Juge leur demande : « Que dites-vous par rapport aux faits qui vous sont reprochés ? ». Ali prend la parole : « Nous n’avons rien fait ». Le juge réplique : « Mais les caméras et les vidéos montrent qu’il y des violences de votre côté ». Ali n’aura pas le temps d’apporter plus de précisions à sa défense. Hassan du Cameroun affirme « qu’il dormait au moment des faits ». Réponse qui suscite les rires du juge et un commentaire : « Comment se fait-il que vous dormiez alors qu’il y avait des affrontements autour de vous ? ». Une question restée sans réponse. Les autres prévenus n’auront pas le temps de présenter leur propre défense. Devant le juge, les migrants semblent intimider, sans avocats ni d’assistance judiciaire, ils se voient déjà leur destin plié.

Le Représentant du Parquet se contente d’un seul mot : « Je requiers la condamnation ».Ce dernier ne présente pas les éléments de preuves.

Le Juge donne la parole au représentant du Parquet qui se contente d’un seul mot : « Je requiers la condamnation ». Ce dernier ne présente pas les éléments de preuves et son argumentaire juridique. Le Juge informe la Cour qu’il a reçu les demandes de la partie civile qui est la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Nous ne serons pas encore les détails de ces demandes. Le Juge annonce aux prévenus que le prononcé du verdict aura lieu le mercredi 8 février. L’audience est terminée. Elle a duré 10 minutes.

Le CNDH dévoile les lacunes

A noter que le Conseil national des droits humains (CNDH) vient de publier, il y a quelques jours une étude dévoile sur l’accès des étrangers à la justice au Maroc. Le CNDH appelle « à l’inclusion dans le cadre juridique réglementant le statut des réfugiés et des immigrés au Maroc de manière claire et détaillée, les procédures par lesquelles ils peuvent faire valoir leurs droits, y compris le droit d’obtenir des conseils juridiques spécialisés, dont l’assistance juridique ».

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Dans cette même étude, le CNDH exige « une révision de la loi sur l’assistance judiciaire, ainsi que des programmes de formation des juges, en y incluant la loi régissant le statut des étrangers, tout en favorisant la formation continue des juges en matière d’application des conventions internationales des droits de l’Homme, ainsi que la publication des décisions de justice et le rapprochement de la justice administrative des justiciables ». Le déroulement du procès d’Ouled Ziane montre les marges de progression encore à faire pour assurer un procès équitable aux personnes en migration, quelque soit leur statut juridique au Maroc. 

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