La SAMIR : Les ouvriers face au lobby pétrolier
Les 500 salariés de La Samir mènent une lutte importante pour la classe ouvrière au Maroc. Dans ce reportage, retour sur ces sept ans de combat pour maintenir les droits sociaux des salariés et les défis à venir pour relancer la raffinerie marocaine.


Feu Zakaria Toubi, est une des nombreuses victimes de La Samir. Le 21 mars 2016, jour de l’annonce de la liquidation judiciaire de la raffinerie de Mohammedia par le Tribunal de commerce de Casablanca, ce salarié est suspendu au téléphone comme l’ensemble des 900 autres salariés de l’entreprise pour obtenir des nouvelles sur la décision de justice. L’homme de 47 ans avait travaillé au sein de La Samir durant une dizaine d’années. À l’annonce de la décision de la liquidation judiciaire, Zakaria fait une crise cardiaque et succombe dans un hôpital de Mohammedia le jour même. Le scandale économique, financier et politique de la SAMIR est aussi un drame social, où les salariés paient le prix fort. Quelques 500 salariés continuent de mener un combat sans relâche pour préserver leurs acquis sociaux et faire redémarrer l’entreprise.
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Une vie pour La Samir

Parmi eux, Najib Rami. Ce cinquantenaire est salarié et syndicaliste au sein de l’entreprise. La raffinerie fait partie de sa vie. « J’ai 29 ans d’expériences au sein de La Samir. J’ai connu les différents processus de modernisation de ses installations. Nous étions fiers de travailler avec des technologies de pointe au service de l’économie nationale. L’arrêt de La Samir est une grosse perte pour le Maroc et pour les 400 salariés qui ont quitté leurs emplois depuis la décision d’aout 2014 », témoigne le secrétaire général du syndicat national des salariés de La Samir (SNS), affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT).
Depuis, la terrasse du club des salariés, Rami et son collègue Houcine El Yamani, nous montrent les différentes installations de la raffinerie. « C’est un géant industriel », répète, avec fierté, Rami. Les deux cadres de la raffinerie ont passé une partie de leur vie au sein de cette entreprise. Ils refusent de voir disparaitre ce qu’ils appellent « un monument industriel national ».
Au club, quelques salariés continuent de fréquenter les lieux. Ce week-end, les terrains de tennis sont vides, le terrain de foot au gazon naturel sert toujours comme un lieu privilégié d’entrainement pour les grands clubs de Casablanca (le WAC et le RAJA), le tout gratuitement. « La Samir était un poumon économique de Mohammedia et du Maroc et aussi un catalyseur social dans toute la région, la tuer c’est réduire au chômage des milliers de personnes qualifiées et réduire à néant des vocations dans le domaine de pointe comme celui de la pétrochimie », prévient El Yamani qui dirige le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie de pétrole (FNSRP). La SAMIR était aussi un symbole de Mohammedia, ville ouvrière et industrielle.
Un projet national pour la classe populaire
20 000 emplois indirects ont été perdus depuis l’arrêt La Samir et 900 salariés ont cessé leurs activités.
Cap sur le siège de la CDT dans le quartier populaire d’Al Alia. Rami nous montre les différentes affiches qui ornent ce lieu. « La Samir est liée à l’histoire politique du pays. C’est grâce à l’unique gouvernement national de l’histoire du Maroc que cette industrie a pu voir le jour », lance-t-il. A cette époque, le projet était clairement affirmé : mettre fin à la dépendance industrielle de la colonisation. L’entreprise connaitra ses heures de gloire, puis sa privatisation en 1997 au profit du milliardaire saoudien Al Amoudi. « Ce dernier et son groupe utiliseront comme une vache à lait. Ils ont saigné l’entreprise à blanc, avant de s’en débarrasser », s’indigne El Yamani. La CDT avait dénoncé la privatisation, ainsi que de rares voix indépendantes. « Aujourd’hui, ce sont 20 000 emplois perdus parmi les sous-traitants de La Samir et 900 salariés de l’entreprise ont perdu les leurs », précise, avec amertume, Rami.
« La raffinerie était un excellent lieu pour la formation des compétences marocaines dans les différents métiers industriels ».
Selon les chiffres de la CDT, un habitant de Mohammedia sur 10 a perdu son emploi directement ou indirectement depuis l’arrêt de la Samir. « Sans oublier que l’entreprise recevait annuellement, 1200 stagiaires dans les différentes unités. La raffinerie était un excellent lieu pour la formation des compétences marocaines dans les différents métiers industriels. La Samir, c’étaient plusieurs unités industrielles à la fois (électricité, pétrochimie, analyse de laboratoire, mécanique). Aujourd’hui, tout cela est perdu », regrette Rami.
la Samir ont accepté une réduction de 40% de leurs salaires
Au fil des ans, et pour préserver leurs maigres acquis, les salariés de la Samir ont accepté une réduction de 40% de leurs salaires, en accord avec le syndic de la liquidation judiciaire. « Nous accepté cette décision dans l’intérêt général du pays. Nous militons par procuration en faveur des autres citoyens marocains », répète El Yamani qui est aussi membre du bureau du syndic, représentant les salariés. Les concessions des salariés ont touché aussi les pensions retraites. « Nos retraités ont perdu jusqu’à 3000 DH de leur pension retraite, il s’agit de quelques 400 retraités. Il s’agit d’un personnel qui a contribué à la construction d’une immense industrie dans le pays, l’industrie du raffinage de pétrole et à l’aune de leur vie, ils sont réduits à certains d’entre eux à une pension de misère », poursuit Rami.
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Mohammedia, ville précarisée

Les conséquences de la crise de la Samir sur le marché de l’emploi à Mohammedia et la région du Grand Casablanca ont été durement supportées. Il s’agit de 20 000 emplois perdus dans une zone urbaine précaire. Une crise silencieuse de l’économie locale, tristement endurée par les habitants. L’arrêt de l’activité des sous-traitants de la Samir a fortement impacté l’économie locale, principalement Buzzichelli Maroc.
Le taux de chômage dans la province de Mohammedia est de 18,3% et 14,2% dans l’espace urbain, soit quatre points de plus qu’à Casablanca et c’est le taux le plus élevé dans tout le Grand Casablanca. Suite à la crise de la Samir, cette situation a empiré. « En 2015, L’entreprise a mis fin aux contrats avec plusieurs sous-traitants, de facto, 3000 emplois ont été perdu à Mohammedia », rappelle El Yamani du Front syndical de La Samir. El Yamani et son camarade Rami s’accordent à dire que l’hécatombe économique et sociale peut s’arrêter, mais « il manque une volonté politique pour raviver la flame de La Samir. Certains acteurs bien connectés n’ont aucun intérêt pour que cette entreprise redémarre ».
لاسامير المعلمة الوطنية التي بقيت معلقة بين في الغيوم ، لا هي من الأموات حتى تقام لها صلاة الجنازة ، ولا هي من الأحياء حتى يقام لها حفل عقيقة .. بقيت في قاعة الانتظار كالعانس تنتظر من يتقدم لخطبتها ولو بمهر زهيد . فتبا لمن تنكر لوطنية
وتاريخ لاسامير وتركها عرضة للإتلاف والإفلاس والضياع …