Ksikes et la grammaire de l’indiscipline
Driss Ksikes, écrivain, dramaturge, journaliste et chercheur en sciences sociales a présenté, le 3 mars dernier, son dernier essai Les sentiers de l’indiscipline à la Faculté des lettres et des sciences humaines d’Ain Chock. Compte rendu.
C’est un retour aux sources pour le directeur d’ECONOMIA. Driss Ksikes a obtenu sa licence en littérature anglaise au sein de cette faculté. « Je reviens à ma faculté avec beaucoup de bonheur et d’émotions », se confie-t-il au début de cette rencontre de discussions et de présentation de son dernier essai paru en 2021. Durant deux heures de temps, l’essayiste, accompagné par la sociologue Fadma Ait Mouss, ont disséqué la notion « d’indiscipline » en présence d’un public estudiantin attentif aux horizons de pensées du co-fondateur de l’expérience de Dabatear et à ses multiples influences intellectuelles. Un maître mot a plané sur l’amphithéâtre Driss Chraibi cette après-midi, l’indiscipline nécessite une forme de discipline pour pouvoir maîtriser soi, sa pensée et récuser les différentes injonctions dans l’air du temps.
Cette rencontre s’inscrit dans l’initiative du Carrefour des étudiants en Sciences humaines et sociales (SHS) de la Faculté des lettres et des sciences humaines d’Ain Chock à Casablanca du Laboratoire de recherches Le LADSIS du Département de sociologie au sein de la même faculté.
Ethique du décentrement
« L’indiscipline, c’est avant tout une quête de liberté et de justesse »
Driss Ksikes.
Ksikes démarre son introduction par un rappel des différents auteurs, penseurs et agitateurs d’idées qui ont mené une conduite indisciplinée. Un fil conducteur revient au sein de ces parcours : « L’indiscipline, c’est avant tout une quête de liberté et de justesse », insiste l’auteur du roman La texture du chaos.
Extrait :
« J’ai réalisé que si la discipline cherche à préserver l’espèce, l’indiscipline permet de régénérer l’humain, que celui-ci est d’abord une énergie vivante, une force en puissance et sans la possibilité de s’émerveiller, se dépasser, s’interroger, il ne serait pas constamment en devenir »
« L’indiscipline est aussi une éthique du décentrement, qui consiste à sortir des chemins balisés, à assumer son autonomie vis-à-vis des pouvoirs et des institutions en place, à oser des pas de côté par rapport aux cadres de savoirs étriqués, à refuser dogmes, identités et traditions figées… Elle est pensée agissante, vécue et transmise par des artistes, artisans, écrivains, scientifiques, travailleurs sociaux et culturels, philosophes, soucieux de l’humain et d’un monde déhiérarchisé », rappelle l’éditeur En Toutes Lettres dans la présentation de cet ouvrage.
Extrait :
« Si la discipline est la chanson de l’heure qui tourne dans le gramophone, l’indiscipline est l’écho de musiques intimes qui donnent du sens à nos élans de vie».
Pour mieux décrire et saisir ce pas de côté, l’auteur emprunte la métaphore du cheval qui passe du galop au pas de côté. « C’est la danse du cheval, et le pas de côté est beau », décrit-il. Pour ce pas de côté, il faut maîtriser en premier son art, comme le sont les jazzmen qui doivent d’abord pouvoir passer d’un savoir musical académique à une virtuosité libre et finement indisciplinée.
Face aux nombreuses questions du public composé d’étudiants en sociologie, Ksikes a rappelé son propre cheminement pour tenter de définir l’indiscipline, tout en précisant que ce livre est « un voyage sans frontières à travers ce concept aux ramifications infinies ». A travers cette présentation, il s’agit d’une invitation à poursuivre le voyage…
Les sentiers de l’indiscipline | Driss Ksikes | novembre 2021 | 314 pages | 90 DH / 20 €