À Tit Mellil : Silence, on tue les ouvriers
Le 16 mars 2023, une explosion secoue la zone industrielle de Tit-Melil près de Casablanca. La détonation provient d’un entrepôt de raffinage d’huile pour voitures. Deux travailleurs ont perdu la vie. Un bout de papier déchiré a mené ENASS sur les files d’une zone industrielle meurtrière pour les ouvriers. Enquête- Partie 1
Nous roulons sur la route P3024 entre Médiouna et la commune de Sidi Hajjaj Oued Hassar à la recherche de l’unité industrielle exploitée par l’entreprise LUBO. Le jour de l’accident industriel les autorités préfectorales de Mediouna publient un communiqué où elles annoncent qu’une « enquête a été ouverte par la gendarmerie royale, supervisée par le Parquet, afin de découvrir toutes les circonstances et les faits de cet incident ». Cependant, souvent ces enquêtes restent sans suite. Nous sommes partis sur le terrain pour récolter des informations sur ce drame.
L’omerta autour d’une usine
À proximité de cette unité informelle, nos interlocuteurs se montrent prudents. Ils refusent de nous indiquer le chemin vers cette unité fermée depuis deux semaines. Nous retrouvons finalement le dépôt, il s’agit d’un terrain de 4500 mètres bordé par un mur et une grande porte métallique. Les autorités n’ont pas procédé à la fermeture de ce lieu. Un gardien de jour est toujours présent.
A notre vue, il dissimule sa présence et refuse de nous parler. L’omerta qui règne indique la situation délicate de ces unités qui émergent sur ces terrains agricoles transformés de manière informelle en zone industrielle. Le hasard nous permettra de tirer les ficelles de cette affaire.
De manière accidentelle, nous retrouvons des restes de papier déchiré. Après avoir réorganisé la feuille déchirée, il est apparu qu’il s’agissait d’un procès-verbal de l’inspection réalisée par les autorités locales scellé « concernant un entrepôt non autorisé, où une explosion a tué deux travailleurs (30 et 67 ans) et en a transporté un troisième à l’hôpital dans un état critique ». ENASS a vérifié les informations contenues dans le procès-verbal présumé. Il s’agit bien de l’explosion qui a secoué la zone le jeudi 16 mars 2023.
Zone interdite pour les activités industrielles
Le dépôt est situé sur le territoire du village Ouled Sidi Massoud à la commune de Sidi Hajjaj Oued Hassar, relevant de la province de Mediouna. Le procès-verbal présumé indique qu’il appartient à une entreprise appelée (LUBO S.A.R.L) et son représentant légal (N.K). Selon le procès-verbal d’inspection des autorités locales, l’entrepôt non autorisé, établi sur une superficie d’environ 4500 mètres carrés de terre agricole, utilisé par la société pour stocker les huiles usagées pour les moteurs de voiture.
Le procès-verbal indique que des conteneurs en plastique de différentes capacités remplis d’huiles de moteur ont été trouvés à l’intérieur de l’entrepôt, ainsi que trois grands conteneurs-citernes d’environ six mètres de hauteur, dont l’un a été impliqué dans l’explosion du 16 mars. Le procès-verbal a également enregistré la présence de deux camions-citernes, un camion-remorque et une pelle, ainsi que des débris métalliques et des pièces automobiles.
Le PV officiel dit que cette unité « se trouve dans une zone agricole où toute activité industrielle est interdite, et ne dispose d’aucune licence des autorités compétentes ».
Après l’inspection du comité sur le site de l’accident, il a été constaté « la dangerosité de l’entrepôt pour ses travailleurs et son environnement, et selon le procès-verbal d’inspection, il a été recommandé de « suspendre immédiatement l’activité de l’entrepôt en question, car il se trouve dans une zone agricole où toute activité industrielle est interdite, et ne dispose d’aucune licence des autorités compétentes pour exercer une activité industrielle », peut-on lire dans ce document. Il est à noter que le comité préfectoral qui a émis cette décision est formé par le chef régional de la protection civile, le commandant du centre judiciaire de la gendarmerie royale à Ain Sebaa, un représentant du département des affaires économiques et de la coordination de la préfecture, un représentant du département des Affaires intérieures de la préfecture, un représentant du département de l’Aménagement et de l’environnement de la préfecture, un ingénieur d’État représentant le secteur de la transition énergétique, un représentant de la commune de Sidi Hajjaj Oued Hassar, un représentant des forces auxiliaires sous le commandement de Tit-Mellil, et un représentant de la direction régionale de l’industrie et du commerce de Casablanca.
Une zone hors-la-loi
D’autre part, une source locale a confirmé à ENASS que « la société en question importait des huiles de moteur usagées d’une entreprise automobile mondiale, et que l’accident était causé par une opération de maintenance d’un des conteneurs-citernes vides, où le conteneur a explosé sur le visage d’un travailleur qui était en train de souder une partie de celui-ci, créant ainsi une pression qui a provoqué l’explosion ».
« Les propriétaires de ces unités agissent en toute impunité. C’est une zone hors la loi et hors du temps » Nourreddine Riyadi, AMDH et Réseau Jonctions.
Nourreddine Riyadi, membre de l’Association marocaine des droits de l’homme de la région Casa-Settat et membre du Réseau Jonction pour la défense des droits des travailleurs rappelle aussi que « cette zone industrielle est marquée depuis plusieurs années par de multiples accidents industriels. Les propriétaires de ces unités agissent en toute impunité. C’est une zone hors la loi et hors du temps »
La décision de cette commission préfectorale de fermer cette unité de Tit Mellil n’est pas suivie de poursuites judiciaires civiles ou pénales. On ne sait pas encore si les familles des ouvriers décédés bénéficieront d’une indemnité « accident de travail » ou si cette entreprise était assurée face à ces risques notamment dans un secteur dangereux. Et est-ce que les « recommandations » du comité d’inspection mentionnées dans le procès-verbal présumé seront réellement prises en compte ? Ou bien le dépôt reprendra-t-il son activité normale après un certain temps ?
Cet incident rappelle la tragédie de l’usage de la mort à Tanger, où plus de 20 travailleurs ont perdu la vie en raison des mauvaises conditions de travail et de l’illégalité du laboratoire. Cela soulève la question de savoir comment cette entreprise a pu créer un entrepôt de 4500 mètres carrés dans une zone agricole avec toutes les infrastructures nécessaires, et y stocker des matériaux hautement inflammables et explosifs sans la connaissance des autorités locales et administratives ? Des questions qui restent en suspens.
فعلا هذا الحي الصناعي خارج مدونة الشغل على علاتها
في هذه المدونةhttps://www.riadinoureddine.com/
في باب الجمعية المغربية لحقوق الانسان بالبرنوصي يمكن الاطلاع على العديد من الحالات المشابهة