Normalisation Maroc-Israël : Complicités de crimes
Un groupe « d’amitié Maroc-Israël au sein de la Chambre des représentants » vient d’être révélé. Un nouvel acte de normalisation avec l’entité criminelle. Point de vue.

Par Salaheddine Lemaizi
La honteuse opération de normalisation publique des relations entre le Maroc et l’Etat criminel d’Israël fait partie de ces rares moments de clarification. Comme l’écrit Fréderic Lordon : « Comme toujours quand sonne l’événement, la situation va se clarifier avec une cruelle netteté. On va savoir qui est où, et on va le savoir sans erreur possible ». Cette opération est aujourd’hui un moment de dévoilement des positions, des uns et des autres. Au Maroc, elle a fait émerger deux types d’acteurs, au moins. La première catégorie compte « des normalisateurs affirmés ». Le deuxième groupe compte « des normalisateurs opportunistes ».
« Les normalisateurs affirmés » : l’ennemi principal
Le premier groupe se compose d’une kyrielle d’acteurs politiques, sécuritaires et médiatiques. Après avoir été actifs dans une normalisation en douce durant au moins trois décennies, ils sont les acteurs de premier plan de la normalisation publique. Les accords de la honte, dits accords d’Abraham, sont aujourd’hui l’occasion pour eux de brandir le drapeau d’Israël dans leurs bureaux, leurs livres et leurs médias, sans honte.
Depuis ces accords, ils s’agitent de toutes parts, signant des conventions dans tous les domaines. Ils bradent les terres, les semences, l’eau et la sécurité des Marocains, pour les beaux yeux des sionistes. Ils agissent par une classique « stratégie de choc ». Les Marocains subissent une spirale de normalisation économique et politique et culturelle. Les promoteurs du sionisme au Maroc agissent pour façonner les esprits et imposer de facto un État criminel au sein de l’espace public au Maroc.
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Un mouvement anti-normalisation, animé par l’état d’esprit de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanction (BDS) se doit d’apporter des réponses étayées à ces normalisateurs
Dans ce groupe, on compte les hauts responsables sécuritaires, une partie de la diplomatie marocaine, des médias notamment Ahdath Al Maghribia, les sionistes militants au sein du judaïsme marocain. Ces acteurs n’ont jamais cessé leur compromission avec l’entité sioniste et leurs voyages en Israël. Pour eux, les citoyens marocains pro-palestinien constituent un réel danger. Pour nous, qui sommes opposés à la normalisation avec une entité colonisatrice et criminelle, ce groupe est notre ennemi principal. Un mouvement anti-normalisation, animé par l’état d’esprit de la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanction (BDS) se doit d’apporter des réponses étayées à ces normalisateurs tout en menant une lutte de terrain.
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« Les normalisateurs opportunistes »
Le deuxième groupe est celui « des normalisateurs opportunistes ». C’est un groupe hétéroclite. Ils courent après « l’hamza ». Or, l’opportunité du moment c’est de normaliser, c’est se dire normalisateurs, c’est serrer la main d’un criminel de guerre, c’est se rendre en Israël comme si c’était un Etat « normal ». Non, visiter Israël n’est pas faire du tourisme ! C’est doper l’économie sanguinaire d’Israël ! Non, pactiser avec une entité économique au sein d’Israël n’est pas un acte anodin ! Non, participer à une manifestation artistique n’est pas un acte de paix ! C’est un acte de guerre contre les Palestiniens.
Ces « voix de la paix » se taisent, regardent ailleurs, passent à une autre opportunité.
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Aujourd’hui, des Marocains de plus en plus nombreux se rendent en Israël pour un festival, une rencontre économique ou scientifique. Certains gênés nous préviennent : « nous le faisons pour le paix » (sic). Entre naïveté ou hypocrisie, ces personnes sont animées par un opportunisme sans borne. Nous avons aujourd’hui toute une génération de jeunes artistes, de journalistes et d’activistes qui seraient prêts à se rendre en Israël juste en échange d’un petit voyage avec chambre d’hôtel, bière et perdiem en Shekels. Le degré d’opportunisme de ces personnes, qui se disent « en faveur de la paix » se mesure alors que des crimes continuent à être commis contre les Palestiniens. Ces « voix de la paix » se taisent, regardent ailleurs, passent à une autre opportunité…
Un artiste, le fondateur du Cabaret de Cheikat, a rétorqué ainsi aux critiques qui lui ont été adressées quand il s’est rendu en Israël récemment : « Je suis loin de votre pathos, moi je suis dans le concret et je travaille avec les deux communautés et dans les Kibboutz depuis des années ». Lutter, résister, ce n’est pas du pathos ! Rappeler que l’unique voix pour la paix dans cette région est la fin de l’apartheid israélien, n’est pas du pathos ! En revanche, passer du bon temps dans un Kibboutz sur une terre colonisée, ça a un nom : c’est une complicité de crime de guerre.
Les différents groupes de « normalisateurs » veulent nous convaincre, avec beaucoup de mal d’ailleurs, que la résistance palestinienne est vaine. Face à ce raisonnement défaitiste, on peut se demander comment ces personnes auraient agi face à l’occupation française du Maroc ? Au temps des crimes français dans le pays, ces personnes auraient-ils agi « pour le rapprochement des peuples », au lieu de privilégier la voie de la résistance ?
Dans ce conflit, il n’y a pas de neutralité possible comme on ne peut pas être neutre face à l’injustice.
Entre la Palestine et Israël, il y a un colonisateur et un pays colonisé ; il y a des habitants spoliés de leurs terres, de leur eau, de leurs droits de citoyens, etc., et un Etat criminel, nommé Israël. Le soutien intellectuel, artistique, politique, économique ou dans tout autre domaine apporté à une deux parties est un soutien apporté à l’une cette partie. Dans ce conflit, il n’y a pas de neutralité possible comme on ne peut pas être neutre face à l’injustice.