Viol et violences sexuelles: l’AMDH alerte
Les violences sexuelles contre les femmes et les enfants prennent de l’ampleur au Maroc. Des chiffres de plus en plus élevés. L’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) alerte. Les détails.

L’Association marocaine des droits de l’Homme a organisé, jeudi 25 mai 2023 dans son siège à Rabat, une conférence de presse sous le thème «Crimes de viol et violences sexuelles contre les femmes et les mineurs : violation des droits de l’homme», ce point de presse est pour d’alerter sur l’urgence d’une protection des femmes, des enfants et de l’urgence d’une réforme du Code pénal au Maroc.
Viol et violences sexuelles: des chiffres qui font peur!
« 96272 cas de violences sexuelles ont été enregistrés par le parquet. Ces chiffres ne reflètent pas la vérité parce qu’on sait que la peur de dénoncer les agresseurs pour des raisons culturelles subsiste»
Me Souad Brahma
« 6153 cas de violences sexuelles ont été traités par les tribunaux marocains, dont 3153 cas de viol sur des mineurs et des femmes, et il faut rappeler que le nombre de plaintes a augmenté de 50% par rapport à l’année 2020 », affirme Me Souad Brahma.
Et d’ajouter : « 96272 cas de violences sexuelles ont été enregistrés par le parquet. Ces chiffres ne reflètent pas la vérité parce qu’on sait que la peur de dénoncer les agresseurs pour des raisons culturelles subsiste, ainsi que le manque de moyens pour suivre la procédure judiciaire qui empêche la grande majorité des victimes de porter plainte et dénoncer ce qu’elles subissent».
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«Ces chiffres demandent aujourd’hui à l’Etat marocain de donner des réponses et de réformer les textes de loi afin de garantir une meilleure protection des victimes et pour que ces crimes cessent, il est temps de mettre fin à ces violences et à protéger les femmes et les enfants», souligne l’avocate.
«Ce constat nous mène à appeler à une urgente réforme du Code pénal pour prévenir les abus sexuels, protéger les enfants et les femmes mais aussi pour dissuader les probables agresseurs ».
Fouzia Yassine, Association démocratique des femmes au Maroc (ADFM)
Pour sa part, Fouzia Yassine de l’Association démocratique des femmes au Maroc(ADFM) a affirmé que «si ces chiffres créent la crainte, il faut noter que seulement 3% des victimes de violences sexuelles portent plainte. Ce constat nous mène à appeler à une urgente réforme du Code pénal pour prévenir les abus sexuels, protéger les enfants et les femmes mais aussi pour dissuader les probables agresseurs ».
Les intervenant ont mis le doigt sur la légèreté des peines données et ont rappelé les peines dont ont écopé les agresseurs dans plusieurs cas de viol notamment dans l’affaire de la fillette de Tiflet qui a été agressée par trois hommes et a créé une grande polémique dans le pays.
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Cette affaire a bien illustré les lacunes du système judiciaire et les failles dans l’application des textes de loi qui permettent aux violeurs d’échapper à la grosse punition.
«On ne peut pas accepter ni tolérer des peines légères dans le cas de viol de mineurs, il nous faut une loi qui protège les victimes».
Amina Khalid, secrétaire générale de l’association Insaf.
«Si la mobilisation a permis de revoir les peines données dans le cas de la petite Sanae, il faut savoir qu’il y a beaucoup d’autres victimes comme elles et qui n’ont pas pu en parler et qui souffrent toujours», ajoute la militante.
«On ne peut pas accepter ni tolérer des peines légères dans le cas de viol de mineurs, il nous faut une loi qui protège les victimes», affirme Amina Khalid, secrétaire générale de l’association Insaf.
Et d’ajouter : « aujourd’hui on a encore un cas d’une autre fillette victime de viol dans la région de Settat, selon les premières informations elle a été violée par son père, on est toujours en train d’enquêter pour avoir tous les éléments. Il est temps de protéger l’enfance et de mettre fin aux abus sexuels; c’est une nécessité et une urgence».
Une mère d’un enfant victime de viol a été présente lors de ce point de presse afin de témoigner son expérience. Il s’agit d’un enfant de trois ans qui a subi des violences sexuelles répétitives dans la crèche selon la mère.
«Mon enfant était victime de viol mais aussi de traite humaine, il a été violé au sein de la crèche et ensuite une fois qu’ils ont été assuré que l’enfant ne va pas avouer ils l’ont transporté dans des hôtels et des malls où il a été violé à plusieurs reprises», affirme la mère.
«J’ai mis plusieurs plaintes en demandant de me permettre d’avoir les enregistrements des caméras de ces malls mais en vain, personne ne veut m’aider ni me croire», ajoute-t-elle.
Réforme du Code pénal: Une urgence
Alors qu’une réforme du Code pénal depuis longtemps annoncée mais successivement bloquée, retirée, reportée est « en phase de finalisation » selon le ministère de la Justice, l’AMDH et plusieurs ONG de défense des droits humains et de défense des femmes et des filles, militent pour une « réforme radicale et globale du Code pénal et du Code de la procédure pénale selon une vision intégrée qui garantit les droits et libertés et protège des violations des droits ».
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Parce que les tabous autour des violences sexuelles -souvent étouffées par peur du scandale, de la hchouma « la honte »- tendent à s’effacer, il est aujourd’hui urgent de légiférer. Et parce que l’indignation suscitée au Maroc par l’histoire de Sanaa est révélatrice d’un rejet de la normalisation des violences sexuelles et de viol.
Pour rappel, en mars dernier l’affaire de la fillette Sanae de Tiflet a créé une grande polémique au Maroc. En première instance, les trois accusés, poursuivis pour « détournement de mineur » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence », avaient écopé de deux ans de prison, avec six mois de sursis pour deux d’entre eux. Le troisième, identifié par des tests ADN comme étant le père biologique de l’enfant Rayane, né du viol présumé de la jeune fille, a écopé quant à lui de deux ans de prison ferme. Ce jugement a été rectifié en appel ou les peines ont été alourdies à 20 ans pour l’accusé principal et 10 ans pour les deux autres.