À Figuig, ni vérité ni justice
Le 3 mars 1973, la ville de Figuig (extrême Est du Maroc) subissait une répression politique atroce de la part d’Etat. 50 ans après, les habitants, les survivants et les familles des disparus ont organisé une caravane pour la mémoire et la vérité. Reportage.
933 km, une dizaine d’heures de route pour atteindre le point le plus à l’Est du pays, Figuig. Dans ce Maroc saharien et aride, une oasis nous accueille. La Caravane organisée par l’Association marocaine de réhabilitation des victimes de la torture, le Forum Vérité et justice et l’Association Annahda à Figuig démarre le 26 mai. Les habitants nous attendaient avec impatience.
« Jamais sans mon père »
Un demi-siècle après les graves violations des droits humains commises par l’Etat dans cette zone, le souvenir des événements d’avril à mai 1973 sont toujours vifs. Malika Senhaji, fille d’un des disparus témoigne : « Mon père a été torturé jusqu’à la mort ». Sa famille Senhaji se bat pour connaître toute la vérité sur la disparition forcée de son père arrêté et torturé en avril 1973. Une exigence de la vérité inaltérable depuis 50 ans. Un autre fils de disparu martèle le même message : Abderrahim Ouazzane affirme au micro de ENASS : « Nous n’abandonnerons pas l’exigence de la vérité ». Le fils de Belkacem Ouazzane rappelle les revendications des familles de Figuig : L’identification pour les disparus et la clarification de ce qui s’est passé entre avril et mai 1973.
« Mon père a été torturé jusqu’à la mort ».
Cette caravane a connu la participation des défenseurs des droits humains, de nombreuses victimes de violations flagrantes des droits de l’homme, leurs familles et les acteurs de la société civile locale. Tous ont commémoré le cinquantième anniversaire des événements de mars 1973, qui se sont accompagnés de violations flagrantes des droits de l’homme. La population a été gravement touchée par ces tristes événements. Durant des décennies, la région a vécu sous des restrictions, de la marginalisation économique et privation de développement.
Pour Dr. Abdelkarim Manouzi : « Figuig continue de subir la marginalisation et la répression ». Dr. Manouzi, président de l’Association marocaine de réhabilitation des victimes de la torture (AMRVT) rappelle que « les évènements de 1973 sont restés marqués par une pierre blanche l’histoire de la région. Les séquelles de la marginalisation continuent de peser sur cette région connue pour ses faits de résistance et d’héroïsme contre l’occupation française », nous dit-il.
Selon les organisateurs, cette action est venue « rappeler et préserver la mémoire collective et pour qu’elles ne se reproduisent plus à l’avenir, d’autant plus que les participants jeunes et femmes ont écouté plusieurs témoignages en direct sur les violations commises durant cette période », peut-on lire dans la déclaration de Figuig publié le 27 mai 2023.
Revendications de la Caravane
« Accélérer le développement d’une stratégie nationale pour mettre fin à l’impunité ».
Les organisateurs de la Caravane ont publié l’appel de Figuig. Ils déclarent la nécessité de « la libération des personnes arrêtées en lien avec des événements sociaux, des professionnels des médias et des blogueurs… ; […] compléter la vérité sur les dossiers de disparition forcée en suspens ; habiliter les titulaires de droits sur la dépouille, en application des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) contenues dans ses décisions arbitrales ; assister les familles des disparus concernés, dont celles de Belkacem Ouazzane, à Figuig, pour vérifier les résultats des tests génétiques effectués sur leurs proches ; Trouver une solution définitive à la liste en dehors du délai fixé dans le cadre de la délibération qui a eu lieu avec le Conseil national des droits de l’Homme ». Enfin, les participants appellent « le CNDH a travaillé à la publication du rapport « final » sur les travaux du comité de suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’IER ».
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Pour mettre fin à l’impunité, les participants appellent à « accélérer le développement d’une stratégie nationale pour mettre fin à l’impunité ; poursuivre la réforme du système judiciaire et accélérer le changement de la procédure pénale et du droit pénal et les mettre en conformité avec les exigences constitutionnelles relatives à la criminalisation de la disparition forcée et de la détention arbitraire et à la criminalisation des autres crimes contre l’humanité, en établissant la primauté du droit international et incorporant le principe de compétence universelle ». En dernier lieu, les participants exigent « d’activer l’accord conclu par les organisations des droits de l’homme concernant l’instauration d’une journée nationale de la mémoire ». La Caravane a porté aussi des revendications de nature locale que nous traiterons dans un deuxième article.
Pour mettre fin à l’impunité, les participants appellent à « accélérer le développement d’une stratégie nationale pour mettre fin à l’impunité ; poursuivre la réforme du système judiciaire et accélérer le changement de la procédure pénale et du droit pénal et les mettre en conformité avec les exigences constitutionnelles relatives à la criminalisation de la disparition forcée et de la détention arbitraire et à la criminalisation des autres crimes contre l’humanité, en établissant la primauté du droit international et incorporant le principe de compétence universelle ». En dernier lieu, les participants exigent « d’activer l’accord conclu par les organisations des droits de l’homme concernant l’instauration d’une journée nationale de la mémoire ». La Caravane a porté aussi des revendications de nature locale que nous traiterons dans un deuxième article.