MRE, l’Exécutif et le rôle du Parlement
NOTE DE LA REDACTION : Le 20 juin dernier à Strasbourg, à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à Strasbourg, à l’initiative de la section marocaine et en collaboration avec le Consulat général du royaume du Maroc à Strasbourg, s’est tenu un débat sur le thème : « Défendre les droits de l’homme au-delà des mers », avec la participation de Imane Lamaoui, députée membre de la section parlementaire marocaine auprès de l’APCE et Driss Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME). Pr Abdelkrim Belguendouz apporte un regard critique sur les contenus des présentations marocaines lors de cette rencontre. PARTIE 3

Par ABDELKRIM BELGUENDOUZ, Universitaire à Rabat, chercheur en migration
[…] L’absence jusqu’ici d’une réelle feuille de route gouvernementale à la suite de l’interpellation royale puissante du 20 août 2022, constitue un exemple significatif. Par ailleurs, l’absence de communication gouvernementale à propos du projet de loi 77-19 portant approbation de l’Accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers , signé par le Maroc avec l’Organisation pour la coopération et le développement économique ( OCDE) il y a quatre années exactement, le 25 juin 2019, est également éclairante à plus d’un titre.
Le Parlement est également interpellé
Le Parlement dans ses deux chambres ne devrait pas être en reste dans la prise en charge de la question migratoire dans ses deux volets, Marocains résidant à l’étranger et immigration étrangère au Maroc. L’objectif est de hisser la pratique parlementaire au niveau des attentes et aspirations des citoyens marocains établis à l’étranger d’une part, des étrangers au Maroc et notamment des Africains subsahariens d’autre part. Ces deux vastes domaines étant une question cruciale aussi bien interne que régionale et internationale, la mise en place d’un groupe thématique sur les migrations dans leurs deux volets, dans chacune des deux chambres, nous paraît nécessaire et très utile avec notamment l’ouverture sur les chercheurs universitaires en migration, toutes disciplines confondues. Voici d’autres propositions que l’on souhaiterait voir être prises en considération, d’autant plus que l’on n’a pas un observatoire national des migrations actif, qui concerne aussi les MRE et qui pourrait être utile notamment au Parlement.
Mise en place dans le cadre du travail de coordination entre les deux chambres du Parlement ( Chambre des représentants et Chambre des conseillers), d’une cellule commune sur le dossier migratoire dans ces deux volets, cellule destinée à la préparation de dossiers sur les migrations, à réunir une documentation ciblée sur le dossier migratoire provenant de divers milieux et institutions et assurer la communication entre le Parlement et la société civile MRE ainsi que la société civile migrante : ONGs de citoyens MRE et ONGs d’immigrés au Maroc.
Faire en sorte que les deux chambres du Parlement assument entièrement leur pouvoir de légiférer et ce, en programmant, en commissions spécialisées, les propositions de loi déposées par les parlementaires ( par exemple sur le CCME en application de l’article 163 de la Constitution ), même si le gouvernement n’exprime pas sa bonne volonté de les discuter.
Par ailleurs, un plan législatif devrait être élaboré entre les deux chambres du Parlement et le gouvernement pour mettre à niveau l’arsenal juridique relatif à l’immigration étrangère et l’asile d’un côté, et de l’autre côté, toutes les réformes juridiques nécessaires relatives au secteur des citoyens marocains établis à l’étranger ( CCME, Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, structure spécifique pour la mobilisation des compétences marocaines à l’étranger, refonte des conventions de sécurité sociale ou signature de nouvelles relatives aux MRE ou aux immigrés au Maroc etc ) pour aller efficacement dans le sens des orientations royales du 20 août 2022.
Relever le défi de la représentation des citoyens marocains à l’étranger au sein de la première Chambre. Il y a en effet un contentieux à régler avec la communauté des citoyens marocains à l’étranger, un passif à apurer avec toutes les composantes de la Chambre des représentants, qui n’ont pas réussi au fil du temps, à régler correctement cette question citoyenne, ayant été dominée en quelque sorte par un lobby anti-participationniste qui a réussi chaque fois à imposer sa vision, de connivence avec certaines institutions nationales consultatives censées donner au contraire toute leur place aux citoyens marocains à l’étranger, conforter et élargir leurs droits.
Le CCME dont les actions de tous ses responsables ont été centrées sur la volonté délibérée de déconsidérer et délégitimer la participation et représentation des citoyens MRE.
Outre le CCME dont les actions de tous ses responsables ont été centrées sur la volonté délibérée de déconsidérer et délégitimer la participation et représentation des citoyens MRE par rapport au Maroc, le dernier exemple est celui du Conseil économique social et environnemental ( CESE) qui a émis fin 2022, un avis anti-citoyens MRE.
Entreprendre une évaluation objective et tirer les enseignements concrets de l’expérience 1984-1992 de représentation parlementaire des MRE.
Pour contrer cette démarche, entreprendre uneévaluation objective et tirer les enseignements concrets de l’expérience 1984-1992 de représentation parlementaire des MRE pour faire évoluer les pratiques et parvenir maintenant à l’intégration politique et démocratique au Parlement à Rabat des citoyens marocains établis à l’étranger, conformément au discours royal fondateur du 6 novembre 2005 et de la Constitution marocaine.
L’opérationnalisation de l’article 30 de la Constitution 2011, permettant la participation des étrangers au vote local.
L’opérationnalisation de l’article 30 de la Constitution 2011, permettant la participation des étrangers au vote local, est également une nécessité absolue, alors que ce point a été aussi occulté dans l’intervention à Strasbourg dans le cadre des travaux de l’APCE.
La composition du prochain CCME, dans sa composante MRE, devrait se faire non pas à travers des nominations, mais de manière élective, démocratique.
Conformément au discours royal du 6 novembre 2007, la composition du prochain CCME, dans sa composante MRE, devrait se faire non pas à travers des nominations, mais de manière élective, démocratique et représentative à travers par exemple un collège électoral d’ONGs MRE.
Maintenir dans la réforme de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, la représentation MRE dans le comité directeur, qui doit être cette fois-ci, démocratique, représentative et transparente, contrairement à ce qui existe jusqu’àaujourd’hui.
Enfin l’ouverture en particulier des deux commissions parlementaires des Affaires étrangères aux chercheurs en migration ( au niveau des deux volets) pour accompagner l’institution parlementaire dans ses travaux divers et variés liés aux attributions et compétences du Parlement : pouvoir de légiférer, pouvoir de contrôle de l’activité de l’Exécutif, relations internationales ainsi que diplomatie parallèle et de manière plus nette depuis quelques années, pouvoir d’évaluation des politiques publiques. Avec comme méthode, la nécessité de la pratique de la démocratie participative, consistant ici, encore une fois et encore, en une consultation régulière étroite et ouverte notamment des ONGs de l’immigration étrangère au Maroc et du tissu associatif pluriel des MRE. Ceci permettrait une plus-value dans le travail de plus en plus multidimensionnel du Parlement.
À lire aussi : Réadmission: Chantage permanent pour le Maghreb
Parmi ses ouvrages : Belguendouz A (2021), Maroc, réservoir de talent et de compétences…Pour l’UE. Alerte au nouveau pacte européen CONTRE la migration et l’asile…des Africains, Rabat. Parmi ses articles: Expansion et sous-traitance des logiques d’enfermement de l’Union européenne : l’exemple du Maroc(2005).