Melilla-Nador : Aux portes de la frontière de la mort
Plus de 300 organisations espagnoles et internationales ont appelé à une action commune à Melilla le 24 juin 2023. L’objectif : atteindre la frontière de la mort, la porte de Barrio Chino séparant Melilla de Nador. Reportage exclusif.
En face, le port et la plage, l’autre monde, la frontière, l’Afrique.
Plage de Melilla occupée, un jour d’été, des familles passent leur samedi après-midi en bord de plage, des enfants jouent au foot, des adultes bronzent au soleil, sur cette magnifique plage méditerranéenne. En face, le port et la plage, l’autre monde, la frontière, l’Afrique. En cette après-midi du samedi 24 juin 2023, au bout de cette côte, des militants sont venus des quatre coins de l’Espagne pour commémorer le massacre de Melilla-Nador. Ils sont rassemblés dans un parking du centre de Melilla dans le calme et la bonne humeur pour préparer leur action.
Avant le début de la manifestation, un point de presse improvisé est organisé sur le parvis du parking. Une nuée de micro entourent les organisateurs qui se relaient pour donner des déclarations aux médias locaux et nationaux espagnols venue pour couvrir cette manifestation. Sani Ladan, activiste et membre du Comité d’organisation décline les objectifs de la rencontre : « Aujourd’hui, notre exigence est l’ouverture d’une enquête indépendante pour faire toute la lumière sur le drame de Melilla du 24 juin. Le gouvernement espagnol a malgré a ouvert une enquête qui l’a aussitôt clôt. Nous voulons que les familles puissent trouver les corps de leurs enfants à travers l’identification des corps et permettre de lever le voile sur les disparitions forcées de plus de 77 personnes lors du 24 juin 2022. Enfin, notre dernière demande est celle de la réparation en faveur des victimes », explique-t-il à ENASS.ma.
« L’Espagne et le Maroc, la même armée »
Il est 18h30, de jeunes activistes arborant des gilets jaunes se positionnent au début du cortège. Elles appellent les différents groupes à dérouler leurs banderoles pour donner le coup d’envoi de l’action. La manifestation démarre, la police locale encadre de loin cette action du mouvement de défense des droits humains et des migrations. Sur les banderoles, on peut lire : « Tous les droits pour tout le monde », « Des droits pour les migrants, des droits pour vivre » ou encore « Des ponts, pas des murs ». La manifestation longe le boulevard de la corniche de Melilla devant les regards curieux des estivants. Quelques flashs crépitent face aux banderoles où il est inscrit :« La méditerranée, fosse commune de l’UE » ou bien « Annulons la loi sur les étrangers », « personne n’est illégale ».
Au début du cortège, Houssein Mohamed, réfugié soudanais en Espagne, il avait atteint Melilla par la barrière lors de la Boza du 3 mars 2022 : Nous sommes présents ici pour commémorer le drame de Melilla et rappeler notre exigence de justice pour les morts du 24 juin ». Au début de la manifestation, les leaders de ce mouvement et porte-parole de cette large action de solidarité internationale. Une des voix de cette manifestation, crie face aux frontières et à la politique d’impunité en Espagne. A l’arrivée à la porte de Barrio Chino, cette jeune femmes fond en larmes, elle est rejointe par plusieurs organisateurs qui la soutiennent. Devant les grillages et les barbelés, on prend conscience de la violence des frontières. Les manifestants multiplient les slogans : « L’Espagne et le Maroc, la même armée » « l’UE est criminelle, non au génocide migratoire » et « nous sommes tous migrants ».
Manifeste de 300 ONG
« Ce massacre, au même titre que celui de Tarajal et d’autres qui l’ont précédé, démontre le caractère racial et colonial des politiques d’immigration conçues par les l’Union européenne ».
Dans le texte de l’appel à cette manifestation signé par plus de 300 ONG espagnoles et européennes, les auteurs rappelle que : « Le massacre de Melilla est “la violation la plus grave des droits de l’homme au ces derniers temps » sur le sol européen, selon l’Association marocaine pour les droits de l’homme, le mouvement antiraciste et de multiplesorganisations de défense des droits de l’homme en Espagne, des organisations internationales et les rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Malgré cela, l’État espagnol a manqué à son devoir de diligence, refusant d’éclaircir les faits, d’épurerresponsabilités et réparer les dégâts ».
« Ce massacre, au même titre que celui de Tarajal et d’autres qui l’ont précédé, démontre le caractère racial et colonial des politiques d’immigration conçues par les l’Union européenne et exécutées par les États membres, ainsi que par des pays tiers. Le Maroc parmi eux, sous-traité dans le but d’entraver et d’empêcher la mobilité du Sud vers le Nord global et l’exécution du pillage des biens et des ressources dans la direction opposée », analyse le texte.