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Migration : Le Maroc tacle Meloni

Le Maroc a pris part à la Conférence internationale sur le développement et la migration, présidée par la Première ministre italienne, Giorgia Meloni le 23 juillet. Faits saillants des positions marocaines exprimées par le chef de la diplomatie, Nasser Bourita.

L’Italie, version extrême droite, comptait sur cette conférence pour se positionner sur l’agenda migratoire en Méditerranée. Pour plusieurs pays méditerranéens dont le Maroc, des craintes ont été exprimées de multiplier les initiatives et les processus et les agendas autour des migrations uniquement d’un point de vue sécuritaire, avec une obsession sur la lutte contre l’immigration irrégulière.

« La migration n’est pas un fardeau »

L’argumentaire de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, pour tacler à domicile Giorgia Meloni s’est appuyé sur 4 points. Le premier point est l’expertise marocaine dans le domaine des migrations. « SM le Roi Mohammed VI est Leader de l’UA sur la question de la migration. La Vision du Souverain sur la migration est contenue dans l’Agenda Africain pour la Migration et incarnée par la création de l’Observatoire Africain des Migrations », souligne le diplomate marocain. Avant d’ajouter : « Dépositaire moral du Pacte Mondial sur les migrations sûres, ordonnées et régulières (Pacte de Marrakech), le Maroc place l’être humain au centre de l’équation migratoire. La vision du Royaume considère qu’une approche humaine n’est pas incompatible avec une gouvernance rationnelle ».

Le deuxième point est la déconstruction des perceptions infondées sur la migration africaine. « La vision du Maroc consiste à refuser le décalage entre la perception de la migration et son poids. La migration africaine a lieu d’abord en Afrique. Nous appelons à regarder la migration pour ce qu’elle est. La migration n’est ni un fardeau insupportable ni une richesse absolue, mais peut être un catalyseur du développement », souligne-t-il. Le chef de la diplomatie marocaine se veut le défenseur de l’Afrique dans cette rencontre internationale : « Il faut se départir de la tentation de faire peser de manière disproportionnée la responsabilité sur l’Afrique alors que 80% des flux migratoires s’opèrent en Afrique elle-même ».

Mise en garde de l’externalisation des frontières

Bourita rappelle qu’il ne faut « pas céder aux passions et aux tentations des discours simplistes, stéréotypés ».

Autour d’une table où se trouvait Kaiss Said, président tunisien, où propos clairement xénophobes et Matteo Salvini, figure de l’extrême droite italienne et européenne, Bouritarappelle qu’il ne faut « pas céder aux passions et aux tentations des discours simplistes, stéréotypés et sommaires ». Le ministre marocain estimé que le lien entre les migrations internationales et le développement mérite d’être repensé « selon une approche basée sur le potentiel et non le risque, faisant part d’un message de solidarité, de responsabilité partagée et d’humanité ».

« Aucun pays ne peut jouer seul sa propre partition ».

Dans une critique à peine voilée de la démarche italienne qui souhaite lancer sa propre dynamique autour de la gestion des migrations, Bourita prévient : « Aucun pays ne peut jouer seul sa propre partition », a-t-il souligné, mettant en garde contre « la sous-traitance de la gestion des migrations et l’externalisation des frontières ». 

Poursuivant ses critiques au ton diplomatique de la crise actuelle des migrations, le ministre affirme :  « Le Maroc considère que le tout-sécuritaire est une erreur de jugement. La migration ne peut pas être régulée sans un accompagnement pour assurer des voies légales pour la mobilité humaine et une lutte résolue contre les réseaux de trafic d’êtres humains et de migrants, sans confondre les criminels avec les victimes ».

Un énième processus ?

Le Maroc par la voie de son ministre aux Affaires étrangères a exprimé « la disposition du Maroc à contribuer au processus de Rome » que l’actuelle présidente du Conseil italien souhaite lancer. Une disposition du Maroc qui se veut critique. Bourita « appelle à s’interroger sur les raisons de l’inefficacité des partenariats existants avant de se lancer dans une nouvelle initiative ».

Et d’apporter un début de réponse : « La véritable faiblesse des partenariats du passé, c’est qu’ils n’ont pas été suffisamment appliqués, a-t-il estimé, notant qu’il conviendrait de ”s’entendre de manière claire sur la place de nos engagements multilatéraux, particulièrement nos engagements par rapport au Pacte de Marrakech, adopté dans le cadre des Nations Unies ». Le Maroc est engagé dans le Processus de Rabat, où il assure la présidence de ce mandat. 

Les ingrédients d’un partenariat réussi en matière des migrations sont les suivants selon le ministre : « Les pays de transit ne doivent pas être injustement singularisés. Faire peser ce poids sur ces pays serait aux antipodes de la responsabilité partagée », a-t-il pointé, notant que « la responsabilité partagée consiste aussi en des partenariats équilibrés, qui privilégient le traitement d’égal à égal, car l’Afrique n’est pas à la poursuite d’aides, elle est à la recherche de partenaires ». Le Maroc a d’ailleurs rappelé la pertinence du Pacte de Marrakech que le gouvernement actuel en Italie avait longuement critiqué.

« Le monde s’empresse de trouver des solutions à la migration irrégulière, mais que personne ne songe à renforcer la migration régulière ». 

Enfin de son allocution, le ministre marocain a regretté que « que tout le monde s’empresse de trouver des solutions à la migration irrégulière, mais que personne ne songe à renforcer la migration régulière », a-t-il indiqué, relevant qu’il y a des « concepts dont le sens et les modalités pratiques de mise en œuvre nous semblent inadéquats et contreproductifs par rapport à la nature coopérative que ce processus a l’ambition de construire ».

Une rencontre critiquée par la société civile

Cet évènement, organisé à l’initiative du gouvernement italien, sous la thématique ‘’engagements et solutions partagées pour la Méditerranée et l’Afrique”, a réuni des dirigeants des États de la rive sud de la Méditerranée élargie, du Moyen-Orient et du Golfe, ainsi que les États membres de l’Union européenne de première arrivée et un certain nombre de pays du Sahel et de la Corne de l’Afrique, ainsi que les chefs des institutions européennes et des institutions financières internationales.

Selon le Conseil des ministres italien, cette conférence tend notamment à lancer « une feuille de route internationale pour la mise en œuvre de mesures concrètes pour la croissance et le développement dans l’ensemble de la Méditerranée et de l’Afrique, s’attaquer aux causes profondes des flux migratoires irréguliers pour vaincre les activités criminelles des trafiquants d’êtres humains et de trouver des solutions pour protéger l’environnement et relever les défis de la diversification énergétique et du changement climatique ». 

En plus du président tunisien Kaïs Saïed, les présidents des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed, et de la Mauritanie, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, ainsi que les dirigeants européens Charles Michel et Ursula von der Leyen. Représentés par leurs chefs de gouvernement Malte, l’Égypte, la Libye, l’Éthiopie, la Jordanie, l’Algérie, le Niger, le Liban, étaient eux aussi présents tandis que d’autres, comme la Grèce, la Turquie, le Koweït ou l’Arabie saoudite, le Maroc ont envoyé des ministres. La France et l’Espagne ont préféré ne pas prendre part à cette conférence. La tenue de cette rencontre a été vivement critiquée par la société civile en Tunisie et en Europe. Le Forum Tunisien des droits sociaux et économiques (FTDSE) a publié la Déclaration de Tunisien, deux jours avant ce sommet.

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