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Vous souvenez-vous du Haouz?

À l’heure où le séisme du 8 septembre dernier a ravagé les régions de Chichaoua, Taroudant et du Haouz, le regard de Paul Pascon nous rappelle qu’il y a déjà cinquante ans, se posait la question de la fragilité du Maroc rural.

Des hommes, des femmes, des enfants au travail. Montant dans un camion pour aller au champ ou marchant le long d’une piste. Courbés pour glaner les épis. Assis au mouqef. Vannant la paille avec des fourches. Cet album, rassemblé parmi les archives photographiques de Paul Pascon (1932-1985) par l’anthropologue Abdelmajid Arrif et le politologue Mohamed Tozy, est une mémoire de cette région du Haouz de Marrakech. Une mémoire vivante : ici, pas de paysages qui ne portent la trace de l’humain. Les hommes et les femmes sont au cœur de l’attention du photographe, et s’ils n’y apparaissent pas, on y voit leur œuvre : des canaux, des plantations bien ordonnées, des constructions.

Nuances et responsabilité

« L’histoire est-elle pour les groupes autre chose qu’un legs de formes hétéroclites, déposées dans la mémoire collective et qui peuvent être à l’occasion exhibées pour servir à d’autres batailles très actuelles ? » Ainsi s’interrogeait le sociologue né à Fès, dans la célèbre thèse qu’il a consacrée, en 1977, au Haouz, publiée aux Éditions marocaines et internationales. C’est cette préoccupation des paramètres multiples de compréhension qui transparaît dans ce fonds photographique constitué de façon pionnière, rappelle Mohamed Tozy, à une époque où seul l’écrit était considéré comme scientifique. Paul Pascon avait du reste collaboré en 1970 avec le réalisateur Idriss Karim à l’adaptation de son enquête en documentaire, Les Enfants du Haouz, massacré par la censure et aujourd’hui introuvable.

Cette publication, près de cinquante années après la prise de ces photos, vers 1962-1965, a moins un objectif mémoriel que méthodologique, explique Abdelmajid Arrif. Elles témoignent d’une réflexion en cours sur des questions aux fortes implications politiques : le travail, le sous-emploi… « Noir et blanc, couleur d’une période et de ses rêves de modernisation et de conquête de l’avenir à coup de réforme agricole, de mise en valeur et de mécanisation qui, ici, se fait rare. Juste quelques photographies de moissonneuses batteuses dans l’immensité des champs. » On est loin de l’approche folklorisante du monde rural, saisi « pour en souligner l’éternité, la primitivité, l’exotique ». Les photos de Paul Pascon montrent des citoyens au travail, construisant un futur moins précaire, plus digne. Et qui ont leur mot à dire.

Dans son article « La photographie documentaire, auxiliaire de connaissance », Paul Pascon s’interrogeait sur sa place en tant que photographe, sa relation aux personnes, et donc sa responsabilité. À tous les niveaux de son travail : cadrage, classification, examen critique… Le livre reprend un de ses articles sur « la main-d’œuvre et l’emploi dans le secteur traditionnel », où il questionnait justement les concepts de modernitéet detradition, mais aussi la notion d’emploi, de développement, de production, de chômage, de prolétarisation. Il alertait sur les conséquences de choix politiques qui bouleverseraient les structures de la société rurale – en l’occurrence celle du plein emploi.

Aujourd’hui, cette approche tout en nuances et empreinte d’un profond sens des responsabilités est exemplaire.

Et vous, vous lisez quoi?

Kenza Sefrioui

Paul Pascon, un été dans le Haouz de Marrakech
Ss. dir. de Abdelmajid Arrif et Mohamed Tozy
EGE Rabat / La Croisée des Chemins, 2017, 252 p., 75 DH

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