Migrations : Un regard croisé sur la recherche universitaire
L’Université d’automne du LADSIS- l’UMR CNRS Espaces et Sociétés a été une occasion rare pour mesurer l’évolution des recherches marocaines en cours sur le tandem immigration/émigration sur le terrain marocain. Focus.
Au moins 16 recherches portant sur les migrations et les mobilités au Maroc ont été présentées par des doctorants.
L’Université d’automne, dédiée à la recherche en migrations organisée par les laboratoires de recherche LADSIS et l’UMR CNRS Espaces et Sociétés, s’est tenue du 19 au 21 octobre dernier à la Faculté des lettres et des sciences humaines d’Ain Chock à Casablanca. Au moins 16 recherches doctorales portant sur les migrations et les mobilités au Maroc ont été présentées par des doctorants. Des travaux en cours foisonnent à l’instar d’un terrain marocain, terre d’émigration et d’immigration, aujourd’hui territoire de circulation entre deux rives.
Une recherche féminine
Les recherches présentées ont été portées en majorité par des jeunes chercheuses femmes. Treize (13) des seize (16) projets ont été présentés par des chercheuses. Les thématiques de recherche ont porté en majorité sur l’immigration étrangère au Maroc (8 projets de thèse). Ils concernent les sujets des étudiants étrangers au Maroc, la coopération internationale et les migrations au Maroc, les mineurs non-accompagnés étrangers, les femmes migrantes issues de l’Afrique de l’Ouest, etc. La deuxième thématique qui intéresse les chercheurs en herbe, c’est l’exploration de la situation des Marocains du monde (4 projets). Un intérêt naturel au vu du poids démographique, social et économique de ces Marocains. Une troisième famille de sujets couvre la migration de retour (4 projets) comme signe de la circulation migratoire mais aussi les blocages grandissants qu’affrontent les candidats à l’émigration depuis le Maroc.
De ces sujets, il ressort des thématiques transversales. Parmi elles, la migration féminine (6 projets), les mineurs non-accompagnés marocains ou étrangers (2 projets) et la représentation des migrants dans les médias ou la littérature (2 projets). Lors de cette université, nous avons pu écouter une diversité d’objets de recherches, avec des chercheurs issus d’universités marocaines mais aussi de la diaspora marocaine. C’était l’occasion d’avoir un coup de projecteur sur une recherche universitaire en cours qui gagne beaucoup à travers ces espaces de rencontres de solidifier sa démarche théorique et empirique. C’est l’objectif fixé par les organisateurs.
Sortir des sujets classiques…
Mustapha Azaitraoui est géographe à la Faculté polydisciplinaire de Khouribga, de l’Université Sultan Moulay Slimane. Il est membre du Comité scientifique de cette université d’automne, il rappelle les objectifs de cette université : « L’idée de ces trois jours était d’aborder les questions migratoires avec des angles d’attaque différents. On a eu la chance d’écouter des travaux issus de la sociologie, la géographie, la science politique ou l’anthropologie. C’était une occasion d’échanger entre doctorants et professeurs universitaires confirmés. C’est une manière de croiser les regards autour des concepts mobilisés dans le domaine des recherches migratoires et les paradigmes utilisés ».
« La migration est un fait social très important au Maroc. Nous avons assisté à une diversité des objets de recherche ».
Mustapha Azaitraoui
Pour le chercheur spécialisé dans ces questions, la recherche universitaire au Maroc dans le domaine des migrations a connu un grand bond en avant depuis les années 2000. « La migration est un fait social très important au Maroc. Nous avons assisté à une diversité d’objets de recherche. L’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs », rappelle ce géographe. Le contexte migratoire a poussé à travailler sur de nouveaux objets.
« Le Maroc a connu une transformation des formes migratoires, le royaume n’étant plus une terre de départ uniquement ».
Mustapha Azitraoui
« Le Maroc a connu une transformation des formes migratoires, le royaume n’étant plus une terre de départ uniquement mais aussi une terre d’accueil. A cela s’ajoute, l’émergence d’une migration féminine ou une migration circulaire », observe-t-il.
Pour Azaitraoui, les recherches en cours sont « difficiles à quantifier ». Seul constat pour le moment, « la recherche actuelle est marquée par le sceau des méthodes quantitatives que qualitatives », estime le spécialiste. Et d’ajouter : « Ce qui a permis d’aider aussi ce domaine, c’est la mise en place de Masters spécialisés sur les migrations dans de nombreuses universités (Oujda, Agadir, Beni-Mellal, etc.) »
« L’occasion de renouveler les thématiques de recherche, loin des sujets classiques »,
Mohamed Charef
Pour sa part, Mohamed Charef, un des pionniers de la recherche sur les migrations au Maroc, considère que l’Université d’automne est une manière de « passer le témoin à une nouvelle génération de chercheurs ». L’université est aussi « l’occasion de renouveler les thématiques de recherche, loin des sujets classiques de ce domaine ». Enfin, Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), appelle à « avoir un agenda national de la recherche sur les migrations avec un financement et des priorités nationales dans ce domaine ». A bon entendeur…
Pour rappel, cette école doctorale, qui s’est tenue du 19 au 21 octobre 2023 à la FLSH2-Casablanca, a été organisée en partenariat avec le Conseil pour la communauté marocaine à l’étranger (CCME), la Fondation Hassan II pour les MRE, la Fondation Heinrich Böll, la ville de Casablanca, l’Ambassade de France au Maroc, l’Institut français de Casablanca et le Centre américain, l’Université Hassan II de Casablanca, la Faculté des Lettres et des sciences humaines de Aïn Chock, et la Licence professionnelle journalisme et médias de Casablanca.