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Migrations climatiques : Les termes du débat

Migrants climatiques ? Réfugiés climatiques ? Quels sont les facteurs de cette nouvelle mobilité forcée ? Quel cadre juridique pour répondre à cette migration ? Eléments de réponses avec un panel d’experts.

7 -ème édition du carrefour de la migration organisé par HBS-Rabat. Crédit photo: ENASS

Voici un thème proche et lointain ; complexe à saisir mais nécessaire à comprendre, il s’agit des migrations climatiques. La 7ème édition du Carrefour de la Migration organisé par la Fondation Heinrich Böll (HBS) Rabat s’est donné pour défi d’aborder ce thème en profondeur à travers différents formats : panels d’experts et performances artistiques. Le premier jour, le 10 novembre à Rabat, des experts onusiens et universitaires ont porté un regard approfondi sur les implications complexes de la migration climatique. 

Cette édition est placée sous le signe de l’exploration des conséquences des changements climatiques et leurs liens avec les dynamiques de mobilités humaines. Un premier panel a débattu des perspectives institutionnelles sur ce phénomène mondial en constante évolution.

Migrations climatiques : regards institutionnels

7 -ème édition du carrefour de la migration organisé par HBS-Rabat. Crédit photo: ENASS

Anja Hoffman, directrice de HBS Rabat a rappelé son mot d’ouverture que « le pari de cette édition est de rassembler la société civile, les acteurs et actrices institutionnels et culturels, les artistes, les médias, les universitaires, les expert.es, et le grand public pour travailler en réseau et débattre des défis liés au changement climatique, ainsi que pour développer des actions et des mesures d’adaptation pour les migrant.es climatiques », explique-t-elle dans son mot allocution. 

Pour sa part, Yousses Benakki, secrétaire général du Conseil économique social et environnemental (CESE)a fait une keynote pour rappeler l’éventail des conséquences des migrations climatiques sur les différents aspects de la vie social, culturel et économique des régions touchées. « Je regrette que ce thème ne soit pas toujours abordé avec le sérieux et l’implication à la hauteur de cet enjeu », constate-il. Pour palier à ce déficit de mobilisation, les Unions des Conseils économique et social en Afrique ont lancé depuis quelques années un projet pour mobiliser les différents acteurs autour du climat et ses nombreuses conséquences notamment sur les mobilités humains.  

Par la suite un premier panel composé par des acteurs institutionnels clés qui façonnent les politiques et les stratégies pour aborder cette problématique grandissante a été organisé. Au cours de cet échange des représentants de la Coopération technique allemande, la GIZ, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Conseil national des droits l’humains (CNDH) ont partagé leurs perspectives sur les aspects variés des migrations climatiques. 

« 70% des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays sont originaires de pays les plus vulnérables ». 

Muriel Juramie, Représentante adjointe du HCR au Maroc.

Muriel Juramie, représentante UNHCR au Maroc tient à rappeler quelques données essentielles : «70% des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays sont originaires de pays les plus vulnérables face au changement climatique. Des millions d’autres personnes sont contraintes de quitter leur foyer chaque année en raison de catastrophes climatiques ». 

La responsable onusienne indique en qu’Afrique du Nord, de nombreux pays font face à des impacts importants liés aux changements climatiques, touchant de près les populations et les contraignant à se déplacer afin de trouver des conditions de vie plus sûres et meilleures. « Les populations déplacées, résidant dans des régions exposées aux changements climatiques, font face à des risques pour leur vie et leurs moyens de subsistance. En l’absence d’un soutien adéquat pour faciliter leur adaptation, les cycles de crises et de déplacements risquent de persister et de s’intensifier », complète-t-elle.

A lire aussi : Carrefour de la migration: Climat et migration en débat 

Laura Palatini, cheffe mission de l’OIM au Maroc, souligne que « son organisation avec ses principales parties prenantes, œuvre afin de renforcer les politiques et les programmes sur la migration et le changement climatique », affirme-t-elle. Elle explique ainsi que « le Maroc offre un exemple frappant de l’interconnexion entre migration, agriculture, et sécheresse. Une grande majorité, soit 80%, de la population marocaine réside dans des milieux ruraux, où l’agriculture joue un rôle prédominant dans les moyens de subsistance. Cependant, le changement climatique, manifesté par des périodes de sécheresse prolongée, perturbe profondément ces communautés agricoles, les forçant à considérer des options de déplacement », analyse-t-elle. 

« La migration climatique défie les frontières nationales »

Laura Palatini, cheffe mission de l’OIM Maroc

La responsable de l’OIM au Maroc prévient contre le caractère transfrontalier de ce sujet : « Le caractère transfrontalier du changement climatique est particulièrement saillant. Ces changements climatiques ne respectent pas les frontières nationales, entraînant des mouvements de population à l’échelle internationale. Les impacts environnementaux se font sentir au-delà des limites territoriales, forçant des populations entières à envisager la migration comme une stratégie d’adaptation à des conditions de vie de plus en plus difficiles », souligne -t-elle.

« La migration climatique ne se manifeste pas de manière uniforme. Elle crée un paysage complexe de mobilité humaine »,

Laura Palatini, cheffe mission de l’OIM Maroc

Face à cette réalité, elle affirme que la coopérationinternationale est cruciale pour développer des solutions efficaces, partager des meilleures pratiques, et mettre en place des mesures d’adaptation. « La migration climatique ne se manifeste pas de manière uniforme ; elle prend diverses formes, allant des déplacements internes aux migrations internationales, créant un paysage complexe de mobilité humaine », affirme Laura Palatini

Et d’ajouter : « Il est essentiel de reconnaître que ces mouvements affectent de manière disproportionnée certaines catégories de la population. Les femmes et les jeunes, en particulier, sont souvent plus vulnérables aux effets du changement climatique et aux conséquences de la migration associée ». En conclusion de son intervention, Palatini déclare : « Les politiques et les programmes doivent donc être conçus de manière à tenir compte de ces disparités et à garantir une protection adéquate à ces groupes vulnérables »,

Quelle protection des migrants/réfugiés climatiques

Malgré la préoccupation croissante depuis des années,aucune convention ou texte juridique n’a proposé de définition juridique précise du terme “réfugié climatique”. Cette lacune soulève des questions fondamentales quant à la protection légale de ces populations vulnérables. Ainsi, l’usage de l’expression “réfugié climatique” reste juste une nomination puisque le terme “réfugié” est jusqu’à présent, réservé aux personnes menacées de persécutions, conformément à la Convention de Genève de 1951, qui garantit une protection juridique.

Aurélie Eragne du CNDH plaide pour l’implication de tous les acteurs dans la question des changements climatiques. Elle a ainsi insisté sur l’adaptation des stratégies pour protéger les droits de l’homme, en mettant l’accent sur les populations vulnérables en mobilité à cause de ces changements climatiques.

« La complexité réside dans le fait que le terme “réfugié” implique généralement le déplacement hors du pays d’origine. Or, la réalité des migrations climatiques contemporaines se manifeste principalement par des déplacements internes. Cette nuance souligne la nécessité de repenser les catégories juridiques existantes pour mieux comprendre et répondre aux défis spécifiques des déplacements liés au changement climatique”, affirme-t-elle.

Par ailleurs, elle a abordé une réflexion sur le fait que le changement climatique n’est pas nécessairement le moteur direct des migrations, mais plutôt un facteur aggravant des conditions de vie déjà difficiles tout en soulignant que cette perspective complexe souligne la nécessité d’une approche holistique pour comprendre les dynamiques de migration climatique

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