Cartes de séjour : Un plaidoyer pour la régularisation
L’association pour le suivi et l’intégration des Guinéens au Maroc (ASIGMA) a présenté les résultats d’une mission de terrain sur la situation de l’accès aux personnes en migration aux cartes de séjour à Casablanca et Rabat. Voici les principales conclusions.

« Le service des étrangers au niveau de la préfecture de police d’une ville marocaine a exigé que je dispose sur mon compte bancaire d’un montant de 40 000 DH pour pouvoir étudier ma demande de renouvellement de la carte de séjour », témoigne un migrant auto-entrepreneur dans une vidéo diffusée lors de cette rencontre tenue le 21 novembre à Rabat. Et de s’expliquer : « Les autorités veulent disposer des preuves que j’exerce comme professionnel indépendant et que je dispose aussi d’assez de ressources financières, or cette demande certes légitime est exorbitante par rapport à mes revenus ». Finalement, ce commerçant a abandonné sa demande et se trouve obliger à devenir « clandestin », malgré lui. Ils sont nombreux à se retrouver dans cette configuration. Après la fin des deux opérations de régularisation exceptionnelle de 2014 et 2017 et le retour du régime commun prévu dans la loi 02-03 sur l’entrée, le séjour des personnes étrangères au Maroc, « l’accès aux cartes de séjour ressemble à un chemin de croix », constate Mohamed Keita, président de l’ASIGMA, association co-organisatrice de cette rencontre.
Des passeports non renouvelés, des migrants sans papiers
La première et principale recommandation est « la refonte de la loi 02-03 ».
Ce séminaire fait partie du Projet « Protection, Résilience, Migrations », financé par l’Union Européenne (UE) au Maroc et mis en œuvre par un consortium auquel Oxfam au Maroc y contribue. Cette rencontre a permis de partager les expériences et les actions d’influences sur le thème du jour : « Faciliter les conditions de renouvellement des titres de séjours au profit des personnes Migrantesvulnérables ». Parmi les moments forts de cette rencontre, la présentation de plusieurs témoignages vidéo de personnes buttant sur une procédure complexe d’obtention de la carte de séjour. L’ASIGMA, membre de la Plateforme des Associations et Communautés Subsahariennes au Maroc (ASCOMS), a présenté les principales conclusions de la mission sont au nombre de cinq.
La première et principale recommandation est « la refonte de la loi 02-03 ». Ce texte de loi date de 2003. Il est décrit « aujourd’hui caduque et inopérant », insiste Franck Lyanga, président de l’Association pour la promotion et l’intégration des migrants au Maroc (APIMA).
La deuxième recommandation exige « une plus grande implication des représentations diplomatiques des ressortissants des pays de l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Spécialement pour renouveler les passeports dans des délais raisonnables », explique ASIGMA. L’absence d’un document de voyage à jour complique le dépôt de demande de carte de séjour ou la sortie du territoire en cas de besoin.
Revoir la liste des documents exigés

« Il faut lever l’équivoque sur la nécessité de la sortie du territoire pour les personnes dont la carte de séjour à expirer ».
La troisième recommandation s’adresse aux autorités marocaines. « Il faut lever l’équivoque sur la nécessité de la sortie du territoire pour les personnes dont la carte de séjour à expirer, afin de pouvoir administrer une nouvelle demande de régularisation. « Quand votre carte est expirée, les servicesde police vous demandent de revenir à votre pays et demander un visa d’entrée pour le Maroc. Ceci implique des coûts importants que la grande majorité des migrants ne dispose pas. Ils se retrouvent bloquer au Maroc, sans titre de séjour », rappelle Keita, qui est président de la Plateforme ASCOMS.
Troisième recommandation s’adresse aussi aux autorités marocaines : « Il est nécessaire, et selon les données recueillis sur le terrain de réviser la liste des documents demandés pour déposer une demande de carte de séjour ».Aujourd’hui cette liste devient de plus en plus exigeante. « Avant, avec une carte consulaireet une preuve de résidence au Maroc, on pouvait déposer une demande. Aujourd’hui, chaque demandeur même en situation économique vulnérable se doit de constituer un dossier exigeant comportant un contrat de bail, une facture de branchement à l’eau et l’électricité, un contrat de travail, un relevé bancaire. Or dans les faits, les migrants sont souvent dans l’informel ou travaille comme des indépendants dans le commerce, il devient ainsi impossible de rassembler tout ce dossier. Cette situation doit changer », exige l’ASIGMA dans son plaidoyer.
Sollicitation du Cabinet royal
« On demande des montants de 10 à 100 000 DH sur le compte bancaire pour des personnes vulnérables ».
Quatrième recommandation, revoir ou supprimer l’exigence financière demandée par les autorités. « Ce critère est insurmontable. On demande des montants allant de 10 à 100 000 DH sur le compte bancaire pour des personnes vulnérables. C’est synonyme d’impossibilité de déposer un dossier », rappelle ASIGMA.
Cinquième recommandation concerne, l’arrêt des arrestations arbitraires dans les quartiers populaires à Rabat où vivent les personnes migrantes. « Faute de disposer d’une carte de séjour en règle, les migrants font l’objet d’arrestations quotidiennes. Ces pratiques doivent aussi cesser car elles troublent la stabilité sociale et psychologique des migrants », rappellent les organisateurs.
« Notre objectif est de solliciter l’implication de Sa majesté le Roi Mohammed VI ».
Enfin, la Plateforme ASCOMS comme ASIGMA compte porter ce plaidoyer vers les différents niveaux des autorités marocaines et aussi déposer un mémorandum au Cabinet royal. « Notre objectif est de solliciter l’implication de Sa majesté le Roi Mohammed VI pour qu’il puisse intervenir en faveur de cette population vulnérable et réactiver l’esprit de la Stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA) », souhaitent les organisateurs.
D’autres actions et mesures d’influences sont aussi en discussion pour promouvoir des conditions plus flexibles de renouvellement des titres de séjour favorables aux personnes migrantes.