Migration climatique : Partir ou rester ?
Les changements climatiques peuvent être un facteur de migration. Au Maroc, près de 2 millions d’habitants sont menacés de migration climatique. Reportage dans un village en péril. Partie 2.
Reportage de Anas Laghnadi et Bouchra Ouaddou
«Comment migrer sans rien, ni vêtements ni moyens matériels ? »
« La migration n’était pas une possibilité pour les habitants car ils n’avaient nulle part où aller. Comment migrer sans rien, ni vêtements ni moyens matériels ? », s’interroge Mohamed.« Nous étions obligés de rester sur place », explique Mohamed. A contrario du mythe de la vague migratoire qui atteindrait les espaces urbains, les habitants de ce village ont préféré en grande majorité reconstruire leurs maisons. « Dans un deuxième temps, nous avons reçu des aides qui ont permis de stabiliser la population », affirme Adil.
Ce village fait partie d’une commune précaire. Elle compte 12 000 habitants (recensement de 2014), avec un taux d’inactivité de 52% et un taux de chômage, officiellement, de 6,5% plus une dépendance aux activités agricoles. L’arrêt de ces activités met en péril le mode de vie de ces habitants.
Le taux de pauvreté est bas, statistiquement (2,34%) mais le taux de vulnérabilité est élevé (10%).
Le taux de pauvreté est bas, statistiquement (2,34%) mais le taux de vulnérabilité est élevé (10%). La commune fait partie de plusieurs autres communes au sein de la population et qui connaissent une baisse de leur population en raison de la migration interne. Entre 2004 et 2014, la population a baissé de 0,85%. Plusieurs cercles au sein de la province connaissent la même dynamique négative démographiquement (Loukkous et Moulay Abd Salam). Les feux de 2022 ont accéléré une dynamique silencieuse.
Chez les proches et les villes limitrophes
Après les feux, certains habitants ont migré vers d’autres villes comme El Jadida, Kénitra ou ailleurs. « Ces personnes avaient une famille dans ces villes, ce qui leur permettait de s’installer temporairement. Mais ces cas demeurent rares », nuance Mohamed. D’autres habitants se sont déplacés vers des villages limitrophes.
Les jeunes du village sont majoritairement diplômés. Ils travaillent à Tanger dans les usines de câblage.A Ksar El Kébir, les jeunes de nos villages travaillent comme commerçants ambulants
Durant l’année, la migration devient un fait socialinstallé dans la région. Il s’agit d’une migration du rural vers l’urbain, une migration de travail saisonnière. La migration se faisait à Ksar El Kebir et à Tanger. Tanger offre depuis des années des emploisaux jeunes habitants de la région, notamment dans les Zones franches industrielles. La migration la plus importante est celle qui a été vers Ksar El Kébir et Tanger. « Les jeunes du village sont majoritairement diplômés. Ils travaillent à Tanger dans les usines de câblage.A Ksar El Kébir, les jeunes de nos villages travaillent comme commerçants ambulants », détaille Mohamed.
Des étés secs à venir
Après la fin de la crise climatique, les habitants qui sont restés, s’attèlent à reconstruire leur village.« Depuis un an, les habitants redoublent d’efforts pour reconstruire le village et planter de nouveaux arbres fruitiers », souligne-t-il. Cette reconstruction se fait dans l’incertitude.
C’est une vie à court terme. Nous craignons le retour des feux, le manque d’eau dans les années à venir
Les jeunes de la région déplorent le manque de soutien des autorités publiques. « Beaucoup de pratiques issues d’une mauvaise gouvernance touchent notre région », regrette Adil. Mohamed de poursuivre : « Notre avenir est incertain. Nous ne pensons plus au futur, mais uniquement au lendemain. C’est une vie à court terme. Nous craignons le retour des feux, le manque d’eau dans les années à venir », conclut-il
Dans la monographie dédiée à la commune, on pouvait lire le constat suivant : « La plupart des ressources en eau de Bou Jedyane ne sont pas utilisées pour l’irrigation en raison des faibles précipitations et d’un été sec, où il faut mentionner une baisse significative des précipitations durant les 10 dernières années ».Dans le même document, on prévient : « La forêt de Bou Jedyane représente 52% de la densité totale, ce qui augmente les ressources de la ville, malheureusement menacées par les catastrophes naturelles (incendies, érosion des sols, etc.) ». Des constats valables également dans d’autres régions du Maroc…
Ce contenu a été produit par ENASS.ma dans le cadre du Global Migration and media academy(GMMA) de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’OIM.