Asmatou :prisonnière de l’attente, le recours élusif
Dans les méandres de la quête de refuge au Maroc, s’écrit une histoire complexe et souvent méconnue. Pour de nombreuses personnes, le droit d’asile apparaît comme un éclat d’espoir fugace dans un pays où les défis demeurent nombreux, où les chemins vers la sécurité sont pavés d’obstacles. Enquête. Partie 2.
Par Imane Bellamine ( Texte ) et Anass Laghnadi (vidéo)
Dans le même quartier de Rabat, nous rencontrons Asmatou*, une jeune femme éthiopienne. Sa quête de refuge s’est révélée plus compliquée qu’Inaya. Asmatou* a vécu une vie marquée par les défis et les épreuves.
À l’âge de 14 ans, elle a été contrainte à un mariage qu’elle n’avait ni choisi ni désiré. Sa famille avait décidé de la marier à un homme fortuné et plus âgé. Elle ne comprenait même pas ce qu’était le mariage à cet âge-là. Elle nous raconte qu’elle ne supportait pas cet homme, elle voulait simplement jouer et non avoir la responsabilité d’un foyer. Sa famille était très pauvre et l’époux était très connu et puissant, personne n’osait s’opposer à lui. Elle a passé deux ans avec lui, période durant laquelle elle a tenté à plusieurs reprises de s’échapper, mais il finit toujours par la retrouver et la torturer.
«Il me torturait. J’étais très jeune, je ne voulais pas de cette vie, je ne l’avais pas choisie. J’ai décidé de fuir et je suis partie à Abu Dhabi pour un contrat de travail que ma cousine m’avait trouvé », se rappelle-t-elle.
Le cauchemar d’Asmatou* a continué des mois plus tard à Abu Dhabi, où elle est devenue victime de traite et d’abus. Son employeur l’exploite avec des réseaux de prostitution, elle finit par être a arrêtée un jour et refoulée vers son pays d’origine.
«Depuis mes 14 ans, je vis un enfer. Quand on m’a renvoyée, mon époux m’a encore retrouvée et a obligé ma famille à me rendre à lui ou à payer toute la dot ainsi que l’argent qu’il avait donné, il a menacé de tuer toute ma famille. Nous avions déjà perdu mon frère, alors ils ont décidé que je devais retourner avec lui», dit-t-elle.
« Il ne s’agit pas d’un retard mais plutôt d’un délai d’attente».
Haut Commissariat pour les réfugiés Rabat.
Quelques mois plus tard, cette jeune femme a de nouveau fui, cette fois-ci vers le Maroc en demandant l’asile. Elle a commencé par l’enregistrement, suivi d’un entretien, après une année d’attente qui a duré quatre heures selon elle, ce fut le rejet de son dossier.
D’ailleurs, dans le sens du délai de traitement des dossiers le HCR nous explique que: « Il ne s’agit pas d’un retard mais plutôt d’un délai d’attente. Dans un mois, le HCR reçoit plus de 400 demandes et puisque les ressources sont limitées, nous sommes obligés d’opter pour un traitement selon le degré de vulnérabilité des personnes, ceux qui sont le plus vulnérables sont traités en urgence », et d’ajouter : « Ce n’est jamais volontaire, on fait de notre mieux pour que les demandes soient traitées dans les plus brefs délais ».
« Mais la peur pour ma vie n’est-elle pas suffisante?»
Asmatou, jeune demandeuse d’asile au Maroc
«Ils ont remis en question de nombreux détails de mon récit. Je ne comprenais pas très bien l’anglais et il n’y avait pas d’interprète pour mon dialecte, donc il y avait beaucoup d’éléments que je ne pouvais expliquer. Mais la peur pour ma vie n’est-elle pas suffisante?” se demande-t-elle avant de poursuivre :« J’ai rédigé un recours avec l’aide de la clinique juridique Hijra. Nous avons expliqué tous les éléments remis en cause et j’ai déposé mon recours en février 2022, mais depuis, aucune nouvelle. Ma vie est en suspens», dit-elle d’un ton triste.
« J’ai rédigé un recours avec l’aide de la clinique juridique Hijra».
Asmatou, jeune demandeuse d’asile au Maroc.
Asmatou a déposé son recours mais toujours dans l’attente d’une réponse elle garde toujours espoir. Elle a même écrit une demande pour connaître l’état d’avancement de son dossier, mais n’a reçu aucune réponse.
«J’ai déposé mon recours en février 2022, mais depuis, aucune nouvelle. Ma vie est en suspens»
Asmatou, jeune demandeuse d’asile au Maroc.
Malgré le silence pesant qui enveloppe sa requête, Asmatou garde un espoir. Elle persévère, persuadée qu’un jour, sa requête portera ses fruits, ouvrant ainsi la voie à des jours meilleurs que ceux qu’elle a connus jusqu’à présent.
«Je vais attendre, je n’ai pas d’autre option. On m’a dit qu’il était possible qu’on me contacte pour un nouvel entretien et que ma demande serait acceptée. Je garde espoir, peut-être que l’avenir me réserve de belles surprises, qui sait?», conclut-elle avec un sourire.
À suivre…