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Le sage jardinier

Dans un premier roman au style plein de sensibilité, Abderrazzak Benchaâbane raconte l’étonnante trajectoire de Sidi Ghrib, jardinier de l’Alhambra et de Marrakech.

Dans un premier roman au style plein de sensibilité, Abderrazzak Benchaâbane raconte l’étonnante trajectoire de Sidi Ghrib, jardinier de l’Alhambra et de Marrakech.

Par une nuit de pleine lune, un jeune agronome se joint à une caravane qui quitte Marrakech pour le Nord. Il fuit un rêve prémonitoire qui tourmente sa mère, Lalla Semlalia, confirmée par les prédictions de Aïcha, son ancienne nourrice, lues dans la trame de son tapis. En route, il chemine un temps avec un jeune herboriste en cours d’initiation, rencontre des savants versés dans les sciences de la nature, des personnages en quête de spiritualité, comme ce bûcheron devenu planteur de forêts. Ensemble, ils apprennent les usages des plantes et les rites de chaque endroit, rive ou montagne, oasis ou désert, admirent la maturation des olives, savourent attay rmade, le thé fait sur un feu de bois, etc. C’est en Andalousie que le jeune homme gagnera son nom, Sidi Ghrib, l’étranger, et perfectionnera son art, autant dans les merveilleux jardins que dans les bibliothèques les plus riches de son temps, Séville, Cordoue, à l’Alhambra de Grenade, ainsi qu’auprès de maîtres à l’érudition immense, avant de revenir à sa ville natale pour y transmettre à son tour son savoir.

Apprendre à admirer

Abderrazzak Benchaâbane

Dans ce roman initiatique, Abderrazzak Benchaâbane nous invite à une promenade amoureuse tant de la nature que du savoir. L’agronome a gardé au creux de la main une tâche verte, celle du henné apposé la veille de sa circoncision : Aïcha, contrairement à la coutume, ne l’avait pas emmené faire le tour des sept saints de Marrakech mais l’avait dédié à Ghzouani Moul Laksour, le patron des jardiniers, et lui a fait manger « sept raisins secs à l’aide d’une plume taillée dans un roseau », car « la légende raconte que les enfants qui suivent ce rituel goûtent ainsi au miel de la connaissance et poussent leurs études toujours plus loin » – et le jeune homme explique : « en grandissant, j’ai compris que ce qui intéressait Aïcha n’était pas que je sois désormais considéré comme viril, mais que je fasse de bonnes études et que j’assouvisse ma passion de jardinier. » Il se souviendra de la recommandation de Aïcha : ne pas se contenter des sources écrites mais voyager à la recherche des savoirs recueillis par des gens humbles, nourris par l’école de la vie. Il faudra faire face à la violence, au crime, à la peste, aux sauterelles, à la famine… Mais, dans ce cheminement, la spiritualité est omniprésente.

Abderrazzak Benchaâbane, qui est lui-même ethnobotaniste de formation, a ressuscité ici un mystérieux saint étranger enterré sous les remparts de Marrakech, auquel seules deux lignes sont consacrées dans l’hagiographie des saints de la ville. Il nous invite, à la suite de son héros, à l’art d’admirer et reconnaître la beauté de la nature, de ses plantes, de ses fleurs et de ses fruits, et surtout d’en prendre soin…

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Sidi Ghrib
Abderrazzak Benchaâbane
Al Manar, 176 p., 150 DH

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