Soudanais, Tchadiens, Érythréens : Réfugiés mais …
La situation politique qui sévit actuellement au Soudan et dans d’autres pays comme le Tchad et l’Érythrée a contraint de nombreux ressortissants à quitter leur terre natale, cherchant refuge dans des contrées plus clémentes. Enquête. Partie 4.

Par Imane Bellamine (Texte) et Anass Laghnadi (vidéo)
Leur périple migratoire débute souvent par un passage périlleux par la Libye, où ils font face à des violences d’une cruauté inouïe, les poussant à envisager d’autres itinéraires.
En juin 2022, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Maroc a enregistré 1 350 demandeurs d’asile et réfugiés soudanais.
À partir de mai 2021, le Maroc émerge comme une voie de passage viable pour les Soudanais et les Tchadiens en quête de sécurité. En juin 2022, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) au Maroc a enregistré 1 350 demandeurs d’asile et réfugiés soudanais, contre 150 seulement un an auparavant.
Pendant notre enquête nous avons rencontré Amar et Mohammed Mostapha, deux jeunes réfugiés, le premier est originaire d’Érythrée et le deuxième est originaire du Soudan. Ils partagent la même expérience migratoire traumatisante. Ils ont survécu à l’enfer de leur pays ensuite celui de la Libye et aux violations systématiques de leurs droits durant tout leur périple migratoire.
«Nous n’avons pas choisi de chercher refuge ailleurs, nous y avons été contraints.»
Amar Mohamed, jeune réfugié au Maroc.
Amar Mohamed a quitté l’Érythrée en 2009 à l’âge de l’âge de 10 ou 11 ans, « en 2009, avec ma famille, nous avons fui vers le Soudan, cherchant asile. Les années qui ont suivi ont été marquées par une vie dans les camps de réfugiés, une réalité difficile à accepter jusqu’en 2021», relate-il.
Les conditions de vie dans le camp étaient éprouvantes. L’incertitude quant à l’approvisionnement en eau était quotidienne ; souvent, il fallait l’acheter à prix d’or. Pour survivre, il commence à travailler dans l’agriculture, ses rêves d’éducation tronqués par la nécessité d’aider ses parents et ses douze frères et sœurs, d’autant plus que son père, désormais impotent, ne pouvait plus contribuer.
«Comment peut-on vivre dans un endroit où les droits élémentaires sont niés depuis tant d’années ?»
Amar Mohamed, jeune réfugié au Maroc.
« Au Soudan, la liberté restait en grande partie inaccessible. Les déplacements étaient limités, nous étions donc contraints de trouver une alternative pour sortir notre famille de cette situation économique difficile», continue-il.
En 2021, ce jeune décide de quitter le Soudan pour rejoindre le Maroc puisque plusieurs amis lui avaient dit qu’il serait plus facile d’arriver en Europe à partir du Maroc.
«J’ai pris la décision de partir vers le Tchad, puis de là, vers Koufra en Libye c’est là-bas que le destin m’a joué un mauvais tour : j’ai été kidnappé et incarcéré pour une période de cinq mois».
Après cette première expérience traumatisante, il prend le chemin vers le Maroc avec ses amis. Amar arrive en Algérie et y passe quelques jours, ensuite Il traverse la frontière algérienne par Maghnia, directement, il rejoint Oujda.. «Nous sommes arrivés au Maroc en septembre 2021 », se rappelle-t-il.
Il part ensuite vers le HCR pour rouvrir son dossier d’asile au Maroc, dans le souhait que sa demande de réinstallation dans un autre pays soit plus facile cette fois-ci mais en vain. Il ne savait pas qu’il lui faudrait passer encore des années d’attente et que la procédure était plus compliquée au niveau du Maroc.
«Mon pays est l’un des plus oppressifs au monde. La vie y est insoutenable. Nous n’avons pas choisi de chercher refuge ailleurs, nous y avons été contraints. Comment peut-on vivre dans un endroit où les droits élémentaires sont niés depuis tant d’années ?», explique-t-il.
Et d’ajouter: «Je désire ardemment retrouver ma famille, mais ici, au Maroc, même en tant que réfugié, la vie ne s’écoule pas comme elle le devrait. Le Maroc est parmi les pays les plus sécurisés que j’ai pu visiter mais difficile de s’y installer pour toujours ».
Dans ce contexte, le représentant du HCR Reybet-Degat souligne que : «le Maroc compte environ 20 000 réfugiés et demandeurs d’asile, dont 9700 réfugiés, avec une diversité de nationalités (Syriens, Centre africain, Yéménite, Soudanais, Sud-Soudanais etc.). Le HCR à la même politique dans tous les pays du monde, nous enregistrons les demandeurs d’asile sans pouvoir leur fournir une assistance. Cependant, une fois reconnus comme réfugiés, nous fournissons une aide aux plus vulnérables».
Pour Mohamed Mustafa ce soudanais avait quitté le pays à cause des conditions instables au soudan, il avait peur pour sa vie vu ses opinions politiques. Ce jeune avait fait des études supérieures et a commencé sa carrière en journalisme, il critiquait le régime, et vu les arrestations et les détentions que connais toute personne critiquant le régime au soudan, il était obligé de quitter le pays afin de se réfugier ailleurs.
« On nous disait que le Maroc pourrait nous réserver un bon accueil»,
Mohamed Mostafa, jeune réfugié au Maroc
Son parcours commence vers le Tchad, ensuite la Libye où il a passé plusieurs mois, ensuite lui aussi a appris que le Maroc était l’une des destinations les plus sûres.
« On nous disait que le Maroc pourrait nous réserver un bon accueil juste pour un temps, avant de pouvoir rejoindre l’Europe qui est notre objectif ultime », affirme-t-il.
L’arrivée de Mohamed Mostafa au Maroc ne correspondait pas à ses attentes. Les conditions étaient encore plus difficiles que ce qu’il avait anticipé, notamment pour sa demande d’asile.
Ce jeune homme a dû patienter des mois pour pouvoir déposer sa requête, puis attendre plusieurs mois de plus pour son premier entretien DSR (détermination de statut de réfugié) devant le HCR de Rabat. Initialement, Mohamed avait soumis son dossier à Oujda, mais il lui a fallu encore plusieurs mois d’attente. De plus, le jour de l’entretien, il a dû se rendre à Rabat pour le passer. Malheureusement, une fois sur place, il a appris que l’examinateur était malade et qu’une nouvelle date lui serait proposée. Cela a été particulièrement décourageant pour lui, d’autant plus qu’il avait parcouru des kilomètres entre Oujda et Rabat pour ce rendez-vous.
Mohamed Mostafa devrait faire face à ce long temps d’attente pour enfin pouvoir passer un premier entretien, sans compter les allers et retours d’Oujda vers Rabat, tout ça dans le manque de moyen et dans la peur d’être arrêté à tout moment par les autorités.
Finalement, un entretien DSR a eu lieu au HCR de Rabat. Quatre mois plus tard, il a obtenu son statut de réfugié et on lui a demandé de démarrer également la procédure auprès du BRA.
«Tant qu’il n’y a pas de cadre juridique cadré et approprié c’est-à-dire on ne peux pas parler d’asile».
Me Lemseguem, avocat au Barreau de Rabat
«J’ai passé un autre entretien devant le BRA, il y avait quatre personnes et j’avais très peur. Heureusement, j’ai pu obtenir ma carte de réfugié, mais même avec cette carte, je ne me sens ni protégé ni assuré de mes droits. C’est presque comme si j’étais encore dans une situation administrative précaire», déplore-t-il.
Me Lemseguem avocat au Barreau de Rabat , explique que la problématique principale dans cette procédure d’asile est l’absence d’un cadre législatif : «Quand il n’y a pas de cadre juridique cadré et approprié c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’asile, au Maroc on continue malheureusement à travailler avec un décret de 1957 qui cite les modalités d’application des modalités de Genève».
À suivre…
** Ce contenu a été réalisé grâce à une bourse journalistique octroyée par le Réseau Marocain des Journalistes des Migrations en partenariat avec Oxfam Maroc dans le cadre du projet « Protection, Résilience, Migrations », avec le soutien financier de l’Union Européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de l’auteur/trice et ne reflète pas nécessairement l’opinion des partenaires programmatiques et financiers.
