Enquêtes

Bureau de réfugiés et apatrides (BRA) : L’énigme d’asile

Dans les méandres de la quête de refuge au Maroc, s’écrit une histoire complexe et souvent méconnue. Pour de nombreuses personnes, le droit d’asile apparaît comme un éclat d’espoir fugace dans un pays où les défis demeurent nombreux, où les chemins vers la sécurité sont pavés d’obstacles. Enquête. Partie 6.

Il est important de préciser qu’au Maroc, il y a théoriquement deux structures chargées de la reconnaissance du statut de réfugié. Il s’agit du HCR qui reçoit et traite les demandes d’asile et du BRA qui est chargé de la protection juridique et administrative des personnes reconnues comme réfugiés.

Selon le  décret 1957 qui a créé un Bureau des Réfugiés et Apatrides (BRA) dépendant du ministère des Affaires étrangères, qui :

  • «Reconnaît la qualité de réfugié à toute personne qui relève du mandat du HCR, ou qui répond aux définitions de l’article premier de la Convention de Genève » (art.2 alinéa 2)
  • Assure la protection juridique et administrative des réfugiés (art.1)
  • Délivré aux réfugiés « les pièces nécessaires pour leur permettre d’accomplir soit les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection » (art.2 alinéa).

Le décret prévoit également que les décisions du BRA peuvent être contestées devant une commission des recours composée de représentants du ministère de la Justice et des Affaires étrangères ainsi que du HCR, sauf que cette commission n’a jamais existé puisque nous n’avons pas de cadre juridique bien défini ,c’est à dire une loi d’asile.

«Le cadre juridique est la première et dernière question dans cette quête d’Asile au Maroc, on a pas de texte juridique, on a pas de bureau de réfugiés ni d’apatrides qui travaille continuellement comme un service public et donc la grande majorité n’est pas reconnu par cet instance  dite chargée de ce dossier».

Me Lemesegum, avocat au Barreau de Rabat.

Dans la pratique, on constate certains dysfonctionnements en l’occurrence dans le fonctionnement du BRA liés à sa fermeture par moment et/ou à son inaccessibilité, ce qui pose d’énormes difficultés pour assurer la protection des personnes reconnues par le HCR comme bénéficiant du statut de l’asile.

«Le cadre juridique est la première et dernière question dans cette quête d’Asile au Maroc, on a pas de texte juridique, on a pas de bureau de réfugiés ni d’apatrides qui travaille continuellement comme un service public et donc la grande majorité n’est pas reconnu par cet instance  dite chargée de ce dossier», affirme Me Lemseguem.

Et d’ajouter :«En général, une personne retenue est appréhendée le matin ou vers 15 heures, puis en soirée est placée dans un bus pour être refoulée ou déplacée de force loin des villes frontalières».

«En général, une personne retenue est appréhendée le matin ou vers 15 heures, puis en soirée est placée dans un bus pour être refoulée ou déplacée de force loin des villes frontalières»

Me Lemesegum, avocat au Barreau de Rabat.

Dans les mêmes charges du BRA, un dispositif de recours des décisions rendues par le HCR a été mis en place pour favoriser le respect des procédures en matière de décisions administratives. Ce dispositif consiste à mettre en place une commission de recours composée d’un représentant du ministère de la justice, d’un représentant du ministère des affaires étrangères et d’un représentant du HCR. Malheureusement, ces bonnes intentions ne se sont pas traduites en actes car seul le HCR continue à statuer des recours intentés par les demandeurs d’asile à ce jour.

Loi d’Asile au Maroc : une urgence 

Le projet de loi 66-17 relative à l’asile et aux conditions de son octroi est prêt depuis 2017. Le ministère chargé des Affaires de la migration l’avait soumis au secrétariat général du gouvernement qui l’a présenté en septembre 2018 au Conseil du gouvernement. Jusqu’à aujourd’hui il reste toujours en stand by.

« Je ne comprends pas  la raison concrète de ce retard et on recommande au gouvernement d’accélérer l’adoption de ladite loi. Souvent, les États pensent qu’en adoptant une loi sur l’asile, il y aura une invasion des demandeurs d’asile. C’est une pensée inhérente aux politiques migratoires partout dans le monde. Il s’agit d’un mythe, car la définition de réfugié, incluse dans le projet de loi, contient des critères qui limitent le risque d’invasion. On oublie donc souvent qu’une loi sur l’asile aidera, au contraire, le Maroc à contrôler l’entrée et le séjour sur son territoire», explique Younous Arbaoui de la CJH.

«Actuellement, nous évoluons dans un vide juridique en matière d’asile, ce qui crée une situation chaotique».

Me Lemseguem, Avocat au Barreau de Rabat.

Et d’ajouter: « en attendant, il est impératif de remédier à ces lacunes. À cet égard, la CJH recommande au HCR et au BRA d’établir davantage de bureaux pour le dépôt et le traitement des demandes d’asile. Les bureaux des étrangers situés dans les wilayas pourraient être mis à contribution, en fournissant aux demandeurs d’asile la décision complète du HCR en première et deuxième instances pour leur permettre de se défendre. ».

«Actuellement, nous évoluons dans un vide juridique en matière d’asile, ce qui crée une situation chaotique. Le manque de textes clairs et de cadre détaillé nous oblige parfois à improviser des solutions. De plus, l’absence de droits clairement définis pour les réfugiés et les demandeurs d’asile les place dans une situation juridiquement précaire. Une loi sur l’asile est donc la seule réponse viable à cette problématique au Maroc», conclut Me Lemseguem.

Une loi sur l’asile au Maroc, bien au-delà d’une simple nécessité administrative, incarne un acte d’humanité, une démonstration de solidarité et de compassion envers ceux qui ont tout perdu, hormis l’espoir d’un avenir meilleur. Elle constitue un pilier essentiel pour édifier un avenir où la dignité humaine est préservée et où chacun peut trouver sa place. Alors que nous sommes confrontés à ces réalités dures, une question demeure inévitable : combien de vies resteront encore suspendues dans l’incertitude, combien d’âmes chercheront refuge sans trouver un point garanti ? La quête d’asile au Maroc demeure, malheureusement, une chimère pour de nombreuses personnes en situation de vulnérabilité.

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