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Ouled Ziane : Opération coup de poing contre les migrants 

Le camp de migrants à Ouled Ziane à Casablanca a pris feu une nouvelle fois. Pour les autorités locales, c’est « l’acte final » de ce rassemblement. Reportage. 

« Je te conseille fortement de déplacer tes objets de valeur dans un endroit plus sûr ». C’est le conseil donné par un des responsables de l’autorité locale du quartier Derb El Kabir à Casablanca à un des migrants installés dans le camp d’Ouled Ziane. Nous avons rencontré ce jeune originaire d’un pays de l’Afrique de l’Ouest le 16 février, deux jours avant l’incendie au camp. « Ce responsable nous a prévenu que quelque chose d’imminent se préparait pour le camp. On craint un nouvel incendie », s’inquiétait ce jeune homme. Les appréhensions de ce migrant se sont avérées justifiées. 

« Ce responsable nous a prévenu que quelque chose éminent se préparait pour le camp ».

A 4h du matin, le 18 février, un nouvel incendie détruit le camp de migrants domicilié dans le terrain de foot « Espace Beggar ». Le nouveau camp reconstruit en août 2023 n’aurait duré que cinq mois. Si après le feu d’août 2023, les autorités avaient permis aux migrants de reconstruire à nouveau cet espace précaire, aujourd’hui les autorités ont arrêté et déplacé tous les migrants vivant dans ce camp. Ce feu a facilité cette vaste opération sécuritaire.

Retour sur les faits 

Aux premières heures du matin du 18 février, les environs de la gare d’Ouled Ziane ont été bouclés. Sur des images tournées par des amateurs, on voit des véhicules de police encerclés le camp. Un canon à eau est stationné à la sortie du campement. Il est 4h30 du matin. Selon la version d’un habitant marocain du quartier, « une intervention des forces de l’ordre a démarré vers 5h », nous déclare-t-il. Et d’ajouter : « Certains migrants ont commencé à mettre le feu ». Cette version est démentie par les migrants interrogés sur place ou joints par téléphone par ENASS.ma. « Ce sont les autorités qui ont mis le feu. Nous étions réveillés par l’incendie. Nous ne savions pas ce qui se passait. Les forces de l’ordre nous tiraient et nous mettaient dans des bus ». Si l’origine de ce nouveau feu demeure floue, la certitude est que nous étions face à une opération sécuritaire de grande envergure : environ 4000 membres des forces de l’ordre répartis entre Forces auxiliaires, Compagnie mobile d’intervention (CMI) de la police nationale, protection civile, etc.

Des responsables de l’autorité locale à la préfecture de El Fida sont restés mobilisés jusqu’à 11h du matin, moment de notre visite sur les lieux. Selon Younes Belaq, président de la Fédération des PME du transport routier au Maroc : « La préparation de cette opération a duré plus de six mois. Nous avons mis à disposition des autorités des autocars pour faciliter cette opération. Le Wali, M. Mhidia a répondu positivement à nos doléances et celles des habitants face à la détérioration de la qualité des services autour de la gare routière en raison de ce camp de migrants », déclare cet entrepreneur au média Hespress.

Bilan : 1 mort et 1500 déplacés 

Ce nouveau camp construit n’aurait duré que cinq mois.

Les autorités locales ont affirmé dans un premier temps « qu’aucune victime n’a été enregistrée », avant de publier une information via certains médias révélant « la découverte d’un corps calciné d’une personne dans le camp. Une enquête est ouverte sous la supervision du parquet pour identifier cette personne et clarifier les circonstances de ce décès », a déclaré une source autorisée à des médias.  

Le deuxième camp d’Ouled Ziane est réservé aux Africains de l’est (Soudan, Tchad, Ethiopie, Somalie, Erythrée) a également été démantelé. « Vers 7h du matin, des migrants ouest-africains fuyaient leur camp. Ils voulaient se réfugier chez nous. A 7h30, nous avons reçu l’ordre immédiat de quitter les lieux. Les autorités n’ont même pas donné le temps de ramasser nos affaires. Nous avons tout perdu », nous raconte Omar, un réfugié soudanais au Maroc. Dans le deuxième camp, le feu n’a pas été déclaré. 

Logistique impressionnante 

L’origine de ce nouvel incendie demeure floue. Les autorités accusent les migrants. Ces derniers pointent du doigt les responsables.  

Les tractopelles ont détruit les baraques des migrants et réfugiés de l’est de l’Afrique. « Six bus ont transporté plusieurs centaines de nos frères. On ne sait pas encore où ils ont été transportés », poursuit Omar. Au moment de notre présence en cette matinée du 18 février, les patrouilles de police continuaient leurs tournées dans les alentours de la gare à la recherche de migrants noirs. Ces personnes, souvent jeunes, sont transportées dans des estafettes pour ensuite être transférées dans des autocars réquisitionnés à cet effet par la police nationale. Ensuite, l’autocar est escorté par des policiers en motos pour quitter Casablanca. 

Nous étions face à une opération sécuritaire de grande envergure. 

La logistique également mobilisée est impressionnante. Au minimum, une soixantaine de bus ont été mobilisés pour déplacer les migrants vers d’autres villes marocaines. Le quartier a été quadrillé avec des barrières pour interdire les accès. Quatre tractopelles ont été utilisées aussi avec plusieurs camions remorques pour raser les deux camps. 

« Six bus ont transportés plusieurs centaines de nos frères. On ne sait pas encore où ils ont été transportés ». 

L’efficacité de cette vaste opération de démantèlement de camps et de déplacement forcés reste à prouver. Plusieurs migrants déplacés le matin du 18 février vers Beni Mellal ou Chichaoui étaient déjà de retour à Casablanca.

« Nous n’avons pas où aller, nous n’avons rien à manger, nous n’avons même de quoi se couvrir ».  

« Nous n’avons pas où aller, nous n’avons rien à manger, nous n’avons même de quoi se couvrir. Je reviens à Casablanca », nous dit-il à bord d’un autocar qui le transporte de Chichaoua à Casablanca. L’errance des migrants continuent, elle est causée par l’impasse de la politique migratoire marocaine…

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