Les Manouzi : 60 ans de lutte pour la vérité et la justice
La famille El Manouzi a payé un lourd tribut pour la démocratisation du Maroc. Plusieurs membres de cette famille de résistants nationalistes sont toujours portés disparus depuis les Années de plomb. Récit.
C’est à l’Espace-Café Nelson Mandela près du boulevard Moulay Youssef à Casablanca que la famille El Manouzi a donné rendez-vous aux médias, aux amis, aux camarades de cette famille. Une rencontre commémorative a lieu début mars pour rappeler le dossier historique de cette famille meurtrie par la répression de la police politique et ce durant les Années de plomb (1956-1999).
Contre l’oubli, et pour la vérité
Des versets du Coran sont récités en début de la rencontre, s’en est suivi plusieurs prises de paroles de membres de la famille El Manouzi. Cette rencontre est une réponse à l’appel du Hajj Ali ElManouzi, père de la grande famille El Manouzi, disparu il y a dix ans.
« Rendez-nous nos proches ! Vous nous privez du droit au deuil ».
Ce père meurtri avait lancé avant son décès : « Rendez-nous nos proches ! Vous nous privez du droit au deuil ».
Lors de cette rencontre familiale et politique, comme souvent chez Manouzi où le politique et le familiale se confondent. « Une occasion de rappeler une lutte qui continue depuis plusieurs décennies pour l’indépendance du pays et pour poser les bases de l’État national démocratique », explique Me Mustapha El Manouzi, membre de la famille et acteur associatif politique, et neveu d’Ibrahim El Manouzi
Pour sa part, Dr Abdelkarim El Manouzi, membre de la famille et président de l’Association médicale de la réhabilitation des victimes de la torture, considère que « la justice transitionnelle comme l’une des composantes fondamentales pour tourner définitivement la page des violations des droits humains », insiste-t-il.
Hajj Ali El Manouzi a consacré toute sa vie pour éradiquer le phénomène des disparitions politiques forcées.
Hajj Ali El Manouzi a consacré toute sa vie à œuvrer afin d’éradiquer le phénomène des disparitions forcées, dont il a été l’une des victimes les plus marquantes, il également intercédé en faveur des droits à la vie de toutes les personnes enlevées.Dans ce contexte, feu Hajj Ali El Manouzi avait précédemment lancé un appel invitant l’État marocain à restituer les corps des victimes de la famille. Il s’agit de :
- Ibrahim El-Manouzi, commandant dans l’armée marocaine,exécuté sans procès et hors du cadre de la loi, 13 juillet 1971
- Belkacem Moudjahid El-Manouzi, mort sous la torture au centre de Derb Moulay Cherif
- Le fils de Hussein Al-Manouzi, enlevé en Tunisie
Dix ans après la mort de Hajj Ali El-Manouzi, l’appel de la famille « n’a pas trouvé d’écho sérieux, donnant tout son sens à la réconciliation pour permettre aux générations de la famille El-Manouzi d’avoir le droit au deuil et enfin tourner la page du drame des violations des droits de l’homme », écrit la famille. Cette rencontre a permis de préserver la mémoire contre l’institutionnalisation de l’oubli voulu par certaines institutions.