Editos, Parti pris

Le Maroc de Bensaid Ait Idder

Notre média a consacré cette semaine un dossier spécial, d’un personnage unique dans l’histoire du Maroc : feu Mohamed Bensaid Ait Ider, décédé le 8 février. Les raisons de cet hommage.

Salaheddine Lemaizi : Rédacteur en chef de Enass.ma

Pourquoi un jeune média, animé par des jeunes journalistes, trouve essentiel de consacrer autant de temps et d’espaces à une figure du Maroc du XXème siècle ? Par nostalgie…Peut être. Par une facile étiquette de « militantisme »…Probable. Nos fidèles lectrices et lecteurs s’en rendent compte : ENASS est ancré dans une tradition d’une gauche populaire, critique et éco-féministes. Et Si Mohame Bensaid Ait Idder représente dignement cette famille politique. L’homme de la résistance armée contre l’occupation française et espagnole, n’était pas seulement une idole mais un modèle pour toujours, un homme qui savait donner l’exemple par une simplicité volontaire et une radicalité souriante, bel et bien marocaine. Il était et sera la synthèse d’un Maroc de l’espérance. 

Au slogan de la « sécurité et de l’immobilité », il répond par la « démocratie et la liberté ».

Au slogan de la « sécurité et de l’immobilité », il répondait par la « démocratie et la liberté ». Face aux inégalités sociales et de genre, il répondait par la lutte pour la justice sociale, l’égalité homme/femme et l’équité entre les territoires. Face au règne de la corruption et au népotisme. Dans sa vie publique et sa vie privée il répondait par la « transparence et  la probité ». Aux tenants de la démobilisation « Makaynch M3amen », Bensaid offre pour le présent ainsi que pour le futur un modèle de droiture et de résistance intellectuelle. Certes on peut mener dignement et mourir debout sans baisemain ni courbette. Le récit de ses inspirations doit  être universalisé, puis rapportés par des écrits aux générations montantes. Comme le disait un camarade journaliste en aparté lors de l’hommage à Bensaid : « La plus grande bataille des régimes consiste à effacer la mémoire des luttes et de ceux qui mènent les luttes. Les modèles inspirants doivent disparaitre ».

Bensaid s’oppose aux privatisations et au dogme libéral.

« Démocratie et liberté » : Bensaid ne répétait pas des slogans vides de sens. Il posait des actes. Il a contribué à fermer le bagne de Tazmamart, il a soutenu autant Noubir El Amaoui que les musiciens du Métal en 2003. Il a participé au Mouvement du 20 février et il a défendu ardemment le Hirak au Rif. Dans ses mémoires, il faisait un retour sur son expérience de parlementaire : « Contrairement aux autres parlementaires, qui dans leurs discours épargnaient les autorités suprêmes, mes critiques ciblaient ces mêmes autorités et d’une façon directe ». Le résistant nationaliste raconte autant son obstination à soulever la question de la détention politique : « Hassan II m’envoya le ministre de l’intérieur, Driss Basri, pour me transmettre le message suivant : il ne faut pas soulever la question des détenus politiques ! Je lui ai demandé, pourquoi : « Il me répondit que c’était la volonté du roi». Alors je rétorquais: « puisque vous déclarez que vous êtes démocrates, j’ai le droit de soulever la question dans le cadre du respect de l’opinion divergente, et c’est dans l’intérêt du roi et du pays que nous sommes les premiers à évoquer la question au lieu que cela ne soit fait par des forces venant de l’extérieur… ». C’est ainsi que parlait Bensaid. 

Bensaid ne répétait pas des slogans creux. Il posait des actes.

« Justice sociale, de genre et équité entre les territoires » : Bensaid menait un combat pour la justice sociale et spatiale en soutenant le combat pour l’égalité. Dans les années 80, années de l’austérité et de l’Ajustement structurel, il s’oppose aux privatisations et au dogme libéral. Il soutient les mouvements sociaux, il rappelle ce contexte dans ses écrits : « […] Des grèves pacifiques de grande ampleur revendiquaient l’amélioration des conditions de vie. En face, le régime n’avait que le recours à la répression. Pour lui, on ne peut rien lui arracher par la pression, mais il peut tout s’octroyer de plein gré. Les gens sont pour lui de simples sujets lui devant obéissance ». 

« Ecrire l’Histoire et préserver la mémoire » : Bensaid est un homme qui a écrit l’Histoire avec ses autres camarades. Il a aussi contribué à préserver la mémoire. CERM, ou centre d’études et de recherches qui lui est dédié, a effectué un travail titanesque en faveur de la préservation de la mémoire nationale et maghrébine. Malgré la faiblesse des moyens, de nombreux ouvrages ont été publiés par Bensaid et le CERM autour du parcours du résistant, et aussi la mémoire de la résistance armée, la question du Sahara marocain, les luttes politiques qui ont marqué le XXème siècle. 

C’est d’une certaine manière, le Maroc voulu et défendu par Mohamed Bensaid Ait Idder toute sa vie. Le résistant nous laisse une mémoire foisonnante, à nous de la découvrir, la relire et la poursuivre…Repose en Paix Si Bensaid.

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