La Fondation Orient Occident fête ses trente ans
La Fondation Orient-Occident (FOO), a célébré ses trente ans de travail auprès des exilés. Cet événement a permis de faire le bilan des progrès accomplis et des défis persistants qui entravent l’intégration complète des réfugiés et migrants au Maroc. Reportage
Il est 16h, jeudi 23 mai, la Fondation Orient-Occident (FOO) célèbre son anniversaire au siège situé au cœur du quartier Al Massira, à Rabat. Les festivités sont déjà lancées, dès l’entrée de la fondation, la salle principale est conçue en forme de hutte africaine pour partager avec l’équipe de la FOO les réalisations effectuées sur les trois dernières décennies.
« L’Appel », fragments de vie des Exilés
Pour célébrer ses trente ans, la présidente Yasmina Filali a rassemblé toutes les personnes qui ont contribué, aidé ou bénéficié de ces réalisations, et qui ont laissé une empreinte dans le parcours de cette structure.
Avant que la cérémonie ne commence, une projection du court-métrage intitulé « L’Appel » a été proposée pour les invités. Un documentaire qui retrace le parcours pavé d’émotions et de douleur vive des migrants et réfugiés de tous bords. Des femmes qui ont laissé derrière elles des enfants, un récit d’atrocités où des exilés qui réclament leur dignité… Des témoignages de mères marocaines qui sont dans l’attente du sort de leurs enfants disparus en mer.
« Ce documentaire met le point sur les trajectoires migratoires, les parcours d’une population, ses souffrances, son histoire et ses résiliences »,
Yasmina Filali, présidente de la FOO.
Un appel qui présente des témoignages forts en émotion, et qui plonge les spectateurs dans le vécu de ces migrants en mettant à nu leurs souffrances et leurs histoires.« Ce documentaire met le point sur les trajectoires migratoires, les parcours de cette population, ses souffrances, son histoire et ses résiliences », explique Yasmina Filali, présidente de la FOO.
Des progrès réalisés, mais le chemin reste long.
Après la projection, a eu lieu un débat sur les questions migratoires, Yasmina Filali commence son discours en se rappelant les premiers jours où les migrants commencent à se diriger vers la Fondation, tout en remerciant les partenaires et les équipes qui ont veillé à ce que ce travail avec les migrants ait été effectué.
Driss Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) et lors de son intervention, a déclaré que « la fondation est un exemple d’accueil des migrants, tout en soulignant qu’aujourd’hui il est nécessaire de se rappeler, au-delà des discours politiques, que le migrant est avant tout un être humain en quête de dignité ».
De sa part François Reybet-Degat, représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) au Maroc a expliqué que «la fondation est l’exemple des personnes qui portent la souffrance des migrants parce qu’elle s’est impliquée dès le début pour une humanité commune qu’on célèbre aujourd’hui ».
« La fondation Orient Occident est: un engagement, un espace de rencontre formidable et un magnifique connecteur dans les moments difficiles»
François Reybet-Degat
Et d’ajouter:« la fondation Orient Occident est: un engagement, un espace de rencontre formidable et un magnifique connecteur dans les moments difficiles ».
Quand je pense à la fondation, le mot famille me vient en tête, puisque beaucoup de personnes se réunissent sous le toit de la fondation, c’est une famille. Une grande famille »
Laura Palatini, Cheffe de mission de l’OIM Maroc.
Pour Laura Palatini, cheffe de mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le mot qui lui vient à l’esprit en pensant à la fondation est « maison ».
« Quand je pense à la fondation, le mot famille me vient en tête, puisque beaucoup de personnes se réunissent sous le toit de la fondation, c’est une famille. Une grande famille», a-t-elle affirmé.
Cependant, Palatini a regretté que la question migratoire ne soit pas souvent réduite à des chiffres. « La décision de partir n’est jamais facile. Il faut montrer le respect nécessaire pour ces personnes », a-t-elle souligné.
Ainsi, elle a donné quelques chiffres pour étayer son propos : « Actuellement, il y a 280 millions de migrants dans le monde. Un chiffre en hausse, alors que les voies régulières ont été réduites », a-t-elle ajouté, mettant en lumière les drames qu’engendrent les parcours migratoires.
« La Fondation représente un lieu de confiance, d’accueil, de rencontre mais aussi d’hospitalité, un immense honneur pour le Maroc »
Mehdi Alioua
De sa part, Mehdi Alioua, doyen de l’Institut d’études politiques à Rabat, a expliqué que « la fondation représente non seulement un lieu de confiance, d’accueil, et de rencontre mais au même titre un lieu d’hospitalité qui honore au–delà l’équipe de la fondation ainsi que le Maroc », avant de continuer : « Si on a besoin de lieu comme la FOO c’est parce que nous avons des politiques restrictives envers les personnes migrantes ».
Ainsi Alioua a rappelé la domination de force entre les pays, en donnant l’exemple : qu’un Marocain ne peut librement se rendre à Paris pour voir la tour Eiffel, « en revanche, un Français peut volontiers acquérir un billet d’avion pour visiter la Koutoubia », a-t-il lâché sous les applaudissements de la salle.
Alioua a également mis le doigt sur l’inquiétante dimension raciale de la migration, celle qui dépasse le prisme des nationalités pour s’attaquer à la couleur de peau.
Il a certes relevé des améliorations au niveau des politiques publiques, mais il estime que ce narratif africain n’est pas partagé par l’ensemble de la société marocaine, tout en mettant l’accent sur certaines contradictions comme la loi 02-03 le stipule en criminalisant la migration irrégulière.
« Aujourd’hui il est nécessaire d’installer un nouveau narratif et dire que nous autres marocains, et en général nous les Africains, avons toujours bougé selon l’histoire du continent, donc avons la légitimité et le droit à la mobilité », conclut Alioua.
Pour rappel, la Fondation Orient-Occident (FOO), établie en 1994, est une association marocaine à but non lucratif reconnue d’utilité publique. Son objectif est d’apporter son soutien aux migrants, réfugiés et jeunes en difficulté, en favorisant leur employabilité par la mise en place de centres de formation socio-éducatifs et professionnels.