Migration : Comment l’UE se barricade
L’universitaire Abdelkrim Belguendouz, spécialiste des questions migratoires, revient pour ENASS sur la question des relations Afrique-UE d’externalisation des frontières, objet de son dernier livre. Les détails.

Belguendouz explique ainsi, que pour mettre un terme à l’afflux massif de demandeurs d’asile, diverses mesures sont prises, notamment à travers des outils juridiques.
Il donne ainsi l’exemple sur le cas d’un demandeur d’asile déposant son dossier dans un pays européen. Bien que physiquement présent en Europe, sur le plan juridique, il est considéré comme étant en dehors du territoire européen. Par conséquent, il se retrouve confiné dans des centres de rétention, quasiment privé de liberté.
« Cette approche vise avant tout à restreindre drastiquement l’octroi de l’asile».
« Cette approche vise avant tout à restreindre drastiquement l’octroi de l’asile, en accélérant les procédures de sélection pour déterminer qui seraient éligibles et qui ne le seraient pas, dans la mesure de faciliter leur renvoi vers leur pays d’origine. Cette politique concerne tous les pays, y compris le Maroc, étant de ce fait un pays de transit », affirme-t-il.
Guerre contre les migrants
Dans son nouveau livre Le Maroc et l’Afrique face au nouveau pacte européen de guerre migratoire aux sudistes (mars 2024), le professeur universitaire à la Faculté Mohamed V de Rabat se positionne clairement contre les politiques migratoires de l’Union européenne (UE), menées au Maroc et en Afrique. En couverture de ce livre, il pose la question de « l’impact du Pacte européen sur les politiques migratoires marocaines ».
A lire aussi : Belguendouz analyse « la guerre migratoire de l’UE
Ensuite, dans le cadre de cette stratégie, l’universitaire souligne que l’Union européenne a élaboré des plans d’action individuels par pays, afin d’intégrer sa politique migratoire dans ses relations avec ces États. Ces plans incluent l’utilisation de divers incitatifs tels que les relations commerciales, financières, l’aide au développement, ainsi que des pressions telles que l’accès aux visas et aux bourses. Un aspect crucial de ces plans, est la signature de l’accord de réadmission par le Maroc. Cet accord ne se limite pas seulement au retour des Marocains entrés irrégulièrement en Europe, mais également à ceux qui ayant transité par le Maroc et devenus irréguliers en Europe.
« Le pacte européen accorde une grande importance à Frontex et cherche à établir un plan de travail avec le Maroc ».
« Malgré le refus constant du Maroc de signer cet accord, l’UE persiste dans ses efforts. Par ailleurs, le pacte européen accorde une grande importance à Frontex, et cherche à établir un plan de travail avec le Maroc pour renforcer la coopération entre toutes les agences concernées, y compris Frontex et Europol », souligne-t-il.
Et d’ajouter : « Sans attendre la conclusion de l’accord global dans le cadre du pacte, cette réforme est déjà en cours d’application. Ainsi, nous nous orientons vers un contrôle plus strict, visant à réduire le nombre de personnes en provenance du Sud et qui tenteraient de rejoindre l’Europe. Là est l’objectif principal de cette initiative ».
A lire aussi : En Mauritanie, Euros contre migrants
« Nous nous orientons vers un contrôle plus strict, visant à réduire le nombre de personnes en provenance du Sud et qui tentent de rejoindre l’Europe. C’est là, l’objectif principal de cette initiative ».
Enfin, Belguendouz souligne que l’UE compte sur le Maroc, en raison de sa position et de son statut en Afrique, et le considère comme étant un pays africain avec lequel elle souhaiterait établir une coopération triangulaire. L’UE ne s’engage pas directement avec les autres pays africains, mais elle utilise le Maroc en raison de ses bonnes relations et des progrès réalisés pour l’incorporer dans le cadre de la politique européenne. Ainsi, le Maroc devient une puissance régionale dans ce contexte, et de surcroit il serait appelé à jouer un rôle spécifique supplémentaire, notamment en matière d’externalisation des politiques européennes, ce qui favorise les intérêts des deux parties.
Le Maroc est appelé à jouer un rôle spécifique et supplémentaire en matière d’externalisation des politiques européennes.
« Cette évolution soulève la nécessité d’un débat approfondi, peut-être lors d’un sommet africain dédié à élaborer des réponses adéquates aux défis à venir en matière de migration, en prolongement des initiatives présentées par le Maroc dans l’agenda africain de la migration », conclut Belguendouz.
Pour rappel, le professeur universitaire, avait publié en mars dernier un nouveau livre sur les relations Afrique-UE intitulé « le Maroc et l’Afrique face au nouveau pacte européen de guerre migratoire aux sudistes», où il analyse les politiques migratoires de l’Union européenne (UE), menées au Maroc et en Afrique.
A lire aussi : Maghreb : L’UE finance la répression des migrants