Editos

Zagora, le GIEC et nous

À Enass.ma, nous sommes heureux de vous présenter ce nouveau-né : un format e-book rassemblant nos investigations autour d’une thématique, un fil rouge pour rendre visible un enjeu essentiel. Pour ce premier numéro, nous évoquerons Zagora, symbole des dérèglements climatiques au Maroc. 


SALAHEDDINE LEMAIZI

« Les Documents de ENASS » ont pour objectif de mieux se retrouver dans le flot d’informations. Nous espérons que chaque document permettra à nos lectrices et à nos lecteurs de lire ou relire, de manière délinéarisée, loin des calculs algorithmiques des GAFAM, sur des questions qui  détermineront l’avenir des Marocain-e-s, du Maroc et du monde. À l’info-obésité, nous plaidons pour un slow-journalism. À travers ce nouveau format, notre message serait simple : Mettre en haut de la conversation les sujets qui comptent ; l’environnement, le travail et la dignité humaine.

Pour ce premier Document de ENASS.ma, nous proposons une édition consacrée aux dérèglements climatiques vécus et subis par « NASS », les gens. Notre méthode est celle du journalisme de terrain, ce qui nous amène à décrire des situations concrètes. L’équipe d’ENASS est partie d’un terrain concret, celui de la province de Zagora au sud-est du pays. Cette semaine, et après des mois de travail, nous publions le dossier sur la situation climatique et environnementale  concernant cette province.

Mettre en haut de la conversation les sujets qui comptent ; l’environnement, le travail et la dignité humaine.

Notre équipe a réalisé une immersion de plusieurs jours dans le triste vécu des habitants des Oasis autour de Zagora jusqu’à Mhamid El Ghizlane, en passant par Tagounit. Le constat est sans appel (sans surprise, hélas) : la pastèque a asséché l’eau, les palmiers se meurent, un territoire en désertification accélérée et une migration interne. Avec une double peine pour les femmes subissant de plein fouet les effets de ces dérèglements. Nous vous proposons quatre reportages à Zagora et sa région (voir les reportages-récits de Imane Bellamine et Anass Laghnadi). De longs formats, accompagnés par des récits de vie d’une population luttant seule face à un climat en mutation accélérée.

Zone d’extractivisme minier depuis le colonialisme français, Zagora a été dépouillée et asséchée, sans connaitre de développement socio-économique promis.

Ce travail de terrain a tenté, modestement, de donner la voix à une région sans voix. Cette zone géographique est un « désert médiatique », vu du centre du territoire. Pourtant, les enjeux que posent Zagora sont brulants pour le Maroc dans l’immédiat. Zone d’extractivisme minier depuis le colonialisme français, Zagora a été dépouillée et sa nappe phréatique asséchée, sans jamais connaitre le développement socio-économique promis. 

Les oasis de Zagora connaissent des feux de forêts durant la saison sèche, un manque d’eau en milieu urbain durant l’été, une salinisation des sols, et épisodiquement des épidémies de leishmaniose touchant les enfants, des aléas fortement subis provoquent une migration interne le long de l’année. Le cas de Zagora est loin d’être isolé. Plusieurs territoires vulnérables au Maroc sont dans la même situation. Plus au sud, Tata connait une détérioration de son espace oasien. À l’extrême est, Figuig git sous le poids d’une nouvelle activité agricole intensive.

Ces territoires vulnérables ont d’ailleurs attiré l’attention du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Dans son rapport de 2022 sur le thème ; « Vulnérabilité et effets du changement climatique, 2ème volet ». Les experts internationaux rappelaient quelques constats que rejoignent les situations dramatiques vécues par les habitants de Zagora : « Les régions sujettes aux problèmes sanitaires, de pauvreté, de migration, de conflits, d’inégalités de genre, d’éducation, de la dette, d’institutions fragiles et de manque d’infrastructures, un concept de vulnérabilité touche plusieurs domaines vitaux est particulièrement généré par une mauvaise gouvernance. Une vulnérabilité souvent héritée du colonialisme », notaient les experts du GIEC, à partir d’une large littérature scientifique, dont des travaux sur le Maroc (voir l’article dans dossier : « Zagora vue par le GIEC »).

Ce premier Document de ENASS.ma fait, donc, le choix de mettre en avant la situation de vulnérabilité et de fragilité multidimensionnelles (voir l’article dans ce dossier « Zagora en chiffres et en larmes ») sur cette ville et sa province. Aux décideurs qui préfèrent regarder ailleurs, et qui font du Don’t look up, en référence au film de Adam McKay, Zagora est le symbolique d’injustice climatique et sociale. Le compte à rebours pour la sauver est déjà enclenché.

A lire aussi : À Zagora, l’injustice climatique se conjugue au féminin

Enfin, ENASS adresse un immense MERCI aux habitants de Zagora qui nous ont accueillis pour la réalisation de ce travail. Nos remerciements aux membres de l’Association Les Amis de l’environnement pour leur soutien sur le terrain.

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