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Les médias et les valeurs humaines à l’ère numérique en débat

Dans le cadre des activités marquant son 45ème anniversaire, l’Association marocaine des droits de l’homme(AMDH) a organisé samedi dernier une conférence sur le thème « Médias et valeurs humaines à l’ère des développements technologiques » en présence de journalistes et experts des médias. Focus.

Cette conférence vise à faire le focus sur les changements qu’ont connus la presse et les valeurs humaines à l’ère de l’évolution technologique. 

Une transformation structurelle des médias

Driss Ksikes, écrivain, chercheur et directeur du Centre de l’Économie pour la Recherche en Médias et Culture, a caractérisé le journalisme au Maroc comme relativement nouveau par rapport à d’autres pays tels l’Algérie, l’Égypte et le Liban. 

«Les évolutions dans les médias portent en elles-mêmes, de manière à la fois dominante et contradictoire sur le plan capitaliste».

Driss Ksikes, écrivain et directeur du Centre de l’Économie pour la Recherche en Médias et Culture

Dans le même sens, Ksikes a affirmé que les évolutions dans les médias portent en elles-mêmes, de manière à la fois dominante et contradictoire sur le plan capitaliste. D’une part, les médias n’ont jamais eu un tel dynamisme pour le capitalisme dominant. D’autre part, ils n’ont jamais eu une capacité d’expression aussi vaste, ce qui a directement remis en question plusieurs principes traditionnellement associés aux médias.

« Les médias permettent l’émergence de voix différentes, mais aujourd’hui, ils renforcent la propagande. Ils donnent naissance à de nouvelles formes d’activisme auxquelles on ne s’attendait pas, telles, celles que l’on observe à Gaza».

Driss Ksikes, écrivain et directeur du Centre de l’Économie pour la Recherche en Médias et Culture,

«Les médias permettent l’émergence de voix différentes, mais aujourd’hui, ils renforcent la propagande. Ils donnent naissance à de nouvelles formes d’activisme auxquelles on ne s’attendait pas, à l’image de  celles que l’on observe  à Gaza. Donc, il serait  crucial de comprendre la réalité des événements, plutôt que de rester dans une position de principes trop générale», souligne-t-il.

En ce qui concerne la relation entre les valeurs humaines et les développements technologiques, il met l’accent sur le fait  que le dilemme réside dans la distinction entre la modernisation et la modernité, mettant en relief  un éventuel changement dans l’éducation journalistique qui produirait immédiatement et  par-dessus tout des techniciens plutôt que des acteurs progressistes.

La transformation technologique a engendré la néo prolétarisation des médias.

«La transformation technologique a engendré ce que j’appellerai la néo prolétarisation des médias. Cette évolution est marquée par le poids de l’immédiateté et de l’accélération, marquée également par le besoin croissant de production rapide de contenu. Cependant, cette  productivité en croissance n’a  nullement été accompagnée d’une capacité accrue des entreprises médiatiques  pour assurer un encadrement de qualité ni à maintenir des équipes expérimentées capables de mener des enquêtes  si  onéreuses. Donc, et  en  définitive on a une transformation structurelle des médias due à cette évolution technologique», conclut-il.

Pour sa part, la journaliste Fatima Ifriqi, a fait un focus sur les  médias télévisuels, en expliquant l’impact significatif des mesures d’audience sur les rôles éducatifs, sociaux et moraux de la télévision. Elle a critiqué la domination des mesures d’audience, qui ont déplacé les rôles principaux de la télévision vers le divertissement, les talk-shows, et la programmation de réalité intime, au détriment de la responsabilité éditoriale et du respect des valeurs humaines.

Cette évolution est marquée par le poids de l’immédiateté et d’une accélération, ainsi que par le besoin croissant de production rapide de contenu.

«La révolution numérique a provoqué des transformations culturelles et communicatives rapides, transformant les médias sociaux en espaces critiques pour l’expression, l’échange d’expertise, d’opinions, et pour mobiliser des mouvements de changement», déclare-t-elle.

Ifriqi conclut que les institutions médiatiques et leurs propriétaires ne contrôlent plus les sources d’information, alors que des acteurs non traditionnels brisent les monopoles, façonnant l’histoire à travers des récits visuels plutôt que textuels, répondant à la consommation médiatique, au plaisir et à la joie.

Dans le même sens, elle a affirmé que les réseaux sociaux  font parti des manifestations et des moteurs les plus importants de cette révolution communicationnelle et culturelle. Depuis le début du nouveau millénaire, ils ont constitué l’un des espaces d’expression les plus significatifs, permettant l’échange d’expériences et d’opinions,  ainsi que l’émergence de mouvements de changement. Ils sont devenus des espaces médiatiques horizontaux, où il est possible de créer de nouveaux modèles de journalistes, blogueurs et influenceurs. Ces nouveaux acteurs rivalisent avec les institutions médiatiques traditionnelles dans les fonctions de publication, de production de contenu, de diffusion d’informations, d’éducation et de divertissement, en s’appuyant sur un environnement basé sur la liberté de publication, d’accès et de demande.

«La télévision a perdu une grande partie de son influence et de sa crédibilité avec l’émergence des acteurs numériques et des influenceurs, Fatima Ifriqi, journaliste».

Fatima Ifriqi, journaliste

«La télévision, comme tous les autres médias, a été et continue d’être affectée par ces transformations culturelles numériques et communicationnelles. Elle n’est plus le seul acteur dans le domaine de la diffusion audiovisuelle ni dans la création des valeurs et des élites. La télévision a perdu une grande partie de son influence et de sa crédibilité avec l’émergence des acteurs numériques et des influenceurs», souligne-t-elle.

Enfin, Ifriqi a conclu en expliquant que les institutions médiatiques et leurs propriétaires ne contrôlent plus les sources d’information. Elles sont devenues des acteurs médiatiques parmi tant d’autres, que ceux-ci  soient individuels ou collectifs les barrières du monopole se sont effondrées. Le monde écrit désormais l’histoire en images, loin de l’écriture et des mots, car l’image est devenue le plus grand influenceur, répondant aux aspirations des entreprises médiatiques fondées sur les taux d’audience, la consommation, le plaisir et le divertissement éphémère.

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