Carnet d’été : La Jaliya, de Marhba au calvaire (1)
Chronique d’un été migratoire bien chargé. Premier épisode : Les MRE font le bonheur de l’économie marocaine. Mais que réserve le gouvernement à ces Marocains du monde en termes de politiques publiques et d’accès aux droits constitutionnels ? Visiblement pas grand-chose…

Les Marocains résidents à l’étranger (MRE) ont été nombreux à revenir au pays cet été, 540 000 jusqu’au 14 juillet 2024. En 2023, ils étaient 4,8 millions de MRE à avoir transité par les différents ports et aéroports du royaume du Maroc. Pour cette année encore, nous nous acheminons vers une année record. Un afflux sous le signe d’une dynamique économique dans les villes d’origine de ces émigrants ainsi que dans les cités touristiques du pays.
Un apport économique non négligeable qui s’ajoute à la contribution déterminante aux équilibres macro-économiques du pays. Les transferts des MRE devraient atteindre en 2024, le chiffre de 117 milliards de DH (+1,9%). Un autre record ! Il ne fait pas de doute : Les MRE font le bonheur de l’économie marocaine. Mais que réserve le gouvernement à ces Marocains du monde en termes de politiques publiques et d’accès aux droits constitutionnels ? Visiblement pas grand-chose…
Premier signe du manque d’engagement gouvernemental sur le dossier des Marocains du monde, la non organisation de la Commission ministérielle chargée des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration. Cette instance n’a pas tenu jusqu’à la date de réunion annuelle. Habituellement, la commission se réunit sous la présidence du Chef du gouvernement ou du ministre des Affaires étrangères en juillet ou début août de chaque année. En 2022 et 2023, et suite au discours royal du 20 août 2022, critiquant clairement le bilan gouvernemental en la matière, cette commission a été remobilisée. Deux ans après, cet élan n’est plus à l’ordre du jour. Le gouvernement a pris ses quartiers d’été fin juillet « oubliant » de faire le bilan sur son action destinée aux Marocains du monde.
Deuxième signe du manque d’intérêt des pouvoirs publics pour « la question MRE » : Les activités officielles à l’occasion du 10 août, Journée nationale du migrant. Elles se sont limitées à des réceptions organisées par les gouverneurs dans quelques villes. ÀGuelmin, la réception a été organisée et présidée par un caïd dans un pachalik (bachaouia). Cette réception lowcost a suscité l’ire des MRE présents, s’estimant « déconsidérés par le gouverneur de cette province ».Sur le fond, cette année le département des MRE au sein du ministère des Affaires étrangères, a repris le même marronnier celui de : « Investissement des marocains résidant à l’étranger : opportunités et perspectives ». En somme, rien de nouveau sous le soleil. Exit les droits civiles et politiques et la mise en œuvre des droits de la diaspora marocaine (articles 16-17-18-30 de la Constitution). Pour évoquer la léthargie que connait ce chantier, Pr Abdelkrim Belguendouz, spécialiste de ce dossier, rappelle que « les dysfonctionnements relevés depuis 2018 aussi bien au niveau du CCME qu’au sein de la Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, restent toujours valables en été 2024, voir même se sont aggravés ».

La seule action officielle et visible est l’Opération Marhaba, pilotée par la Fondation Mohammed V qui tient une réunion de lancement au début de l’été. Malgré les discours officiels rassurants sur son déroulement, cette opération d’envergure n’est pas exempte de critiques. La 24ème édition de l’opération Marhaba d’accueil des MRE, qui se tient jusqu’au 15 septembre n’a pas permis, encore une fois, de réduire les goulots d’étranglement à Sebta et Melilla par exemple. La Fondation annonçait « mettre en service un dispositif global d’accueil, activé simultanément au Maroc, en France, en Espagne et en Italie ».Ces difficultés sont la responsabilité des différents départements (DGSN, Douane, etc.) en charge de ce transit. Si l’on prend un cas récent enregistré le 26 aout 2024. Des MRE ont subi un calvaire pour quitter le territoire national depuis le poste frontière de l’enclave occupée de Melilla. Des images reçues par ENASS.ma, montrent d’interminables files d’attente de voitures à l’entrée du port de Beni Nsar à Nador. L’attente a duré des heures. Pour la Jalia (la Diaspora), c’est Marhaba à l’entrée et calvaire à la sortie !