Marocain.e.s au Liban : Ils racontent leur calvaire
Les Marocains au Liban attendent impatiemment leur rapatriement. Sous les bombardements israéliens, ils lancent des appels réclamant une intervention urgente du ministère des Affaires étrangères pour organiser leur évacuation. ENASS.ma a recueilli leurs témoignages.

Ces derniers jours, et suite à l’intensification des attaques israéliennes dans la banlieue sud de Beyrouth, au Liban à Dahiyeh, les appels à l’aide de la communauté marocaine se sont multipliés. La vidéo d’une Marocaine capturant à l’aide de son appareil les bombardements israéliens, a largement circulé sur les réseaux sociaux, illustrant l’angoisse grandissante sur place.
« Nous voulons juste rentrer »
« Ce que vous voyez à la télévision et sur les infos n’est rien en comparaison avec ce que nous vivons ici»
Salma , Marocaine résidente au Liban
Salma, jeune mère d’une petite fille de cinq ans née d’un père libanais, exprime son amour pour le pays des cèdres et pour ses habitants. Pourtant, aujourd’hui, elle témoigne de l’aggravation de la situation :« Ce que vous voyez à la télévision et sur les infos n’est cependant rien comparé à ce que nous vivons ici. Moi, j’ai peut-être la chance d’être encore dans ma maison, mais d’autres Marocains sont déjà dans la rue, sans nulle part où aller. »
Elle poursuit, la voix chargée d’émotion : « J’aime tellement le Liban. Si nous partons, nous laisserons derrière nous tout ce que nous avons construit au fil des ans qu’à cela ne tienne. Tout ce que nous voulons aujourd’hui, c’est rentrer chez nous, être en paix dans notre propre pays. »
Salma explique que la situation est devenue si dangereuse qu’ils craignent même de sortir de chez eux. Elle pense que, même si la nouvelle du rapatriement arrivait, «le trajet jusqu’à l’aéroport serait trop risqué sous les bombardements incessants, pourtant, ils n’hésitent pas à le tenter. ».
1.500 citoyen.n.e.s marocain.e.s, majoritairement des femmes et des enfants, se sont déjà enregistrés auprès de l’ambassade du Maroc à Beyrouth, afin de demander leur rapatriement au Maroc ou vers des pays voisins sûrs.
« Des amis ont pris le risque de passer par la Syrie, malgré les dangers évidents. D’autres ont traversé la Jordanie avec leur famille. Ils racontent que les Jordaniens sont très accueillants, » avant d’ajouter : « Mais moi, je n’ai pas voulu mettre ma famille en danger. J’attends des nouvelles du consulat marocain»
Au début de la semaine dernière, et après l’intensification des frappes aériennes israéliennes sur les villes et villages du sud et de l’est du Liban, 1.500 citoyen.n.e.s marocain.e.s, majoritairement des femmes et des enfants, se sont déjà enregistrés auprès de l’ambassade du Maroc à Beyrouth, afin de demander leur rapatriement au Maroc ou vers des pays voisins sûrs.
« Ici, c’est bien pire que ce que l’on montre»
Najat, une autre Marocaine vivant à Beyrouth, témoigne de la terreur qu’elle et ses enfants vivent au quotidien en attendant des nouvelles sur leur rapatriement.
« On vit un cauchemar. Ma santé mentale se détériore. Aujourd’hui, les sionistes attaquent tout le monde, qu’il s’agisse de musulmans, de chiites ou de chrétiens. Les bombardements se rapprochent de plus en plus, et je suis terrifiée. » Elle continue : « Je ne me sens plus en sécurité. J’ai envisagé de quitter la maison à cause des bombardements, mais je sais qu’il n’y a aucun endroit qui soit sûr. En tant que Marocain.e.s, nous souffrons, et tout ce que nous demandons, c’est la solution pour rentrer chez nous. Beaucoup de Marocain.e.s ont perdu leur maison et vivent maintenant dans la rue. »
Najat décrit également ses échanges avec le consulat : « Ils nous demandent de leur fournir nos noms, ceux de nos enfants et de nos maris, ainsi que nos numéros de passeport. Ils disent qu’ils nous contacteront quand il y aura du nouveau, mais pour l’instant, rien. »
« Ils m’ont demandé d’envoyer une photo de mon passeport. Quand j’ai voulu savoir s’il y avait des solutions ou même des nouveautés, on m’a simplement répondu qu’ils me rappelleraient en cas de changement. »
Najat ,Marocaine résidente au Liban
Aujourd’hui, Najat a enfin obtenu une réponse à son appel au consulat marocain : « Ils m’ont demandé d’envoyer une photo de mon passeport. Quand j’ai demandé s’il y avait des solutions ou des nouveautés, on m’a simplement répondu qu’ils me rappelleraient en cas de changement. »
Lors du point de presse hebdomadaire tenu à l’issue du Conseil de gouvernement, Mustapha Baïtas, porte-parole du gouvernement, a souligné que «le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et des Marocains résidant à l’étranger, ainsi que l’ambassade du Maroc au Liban, sont pleinement mobilisés pour suivre de près la situation dans ce pays».
Il a précisé que «le ministère aurait activé une cellule de crise pour surveiller en temps réel la situation des Marocains résidant au Liban et ajuster ses actions en fonction de l’évolution sur le terrain».
Il a ensuite souligné que: «l’ambassade du Maroc au Liban et sous la supervision directe du ministère des affaires étrangères, a mis en place sa propre cellule de crise afin de maintenir un contact permanent avec la communauté marocaine, en l’occurrence recevoir leurs appels, s’assurer de leur sécurité, et fournir les conseils nécessaires pour assurer leur protection».
« Un discours…Une réalité »
« Ce que le porte-parole du gouvernement dit est déconnecté de la réalité sur le terrain».
Ahmed marocain résident au Liban.
Dans les témoignages recueillis par ENASS, Ahmed, un Marocain résidant au Liban, réagit aux déclarations du gouvernement : « Ce que dit le porte-parole du gouvernement est loin d’être la réalité. Parmi les 1.500 Marocains, majoritairement des femmes et des enfants, beaucoup vivent dans la rue et dans la précarité, des étudiants et d’autres personnes sont sans abri depuis le début des bombardements. Sommes-nous moins Marocains que nos compatriotes au Maroc? Pourquoi cette attente interminable ? »
«Sommes-nous moins Marocains ? Pourquoi faut-il attendre ?»
Ahmed, marocain résident au Liban
Et d’ajouter : « Le consulat ne peut rien faire sans l’accord du ministère. Nous demandons une intervention urgente de l’État marocain pour rapatrier ses citoyens».
Nour, une Marocaine ayant vécu les bombardements, se réfugie aujourd’hui dans une école avec de nombreuses compatriotes, attendant désespérément une solution pour mettre fin à la terreur qu’elles subissent depuis des jours.
« Je n’ai plus de mots. Ce que vous voyez à la télévision n’est rien, comparé à notre réalité. Allons-nous survivre à cette guerre meurtrière? Et pourrions rentrer chez nous bientôt? Nous demandons une intervention urgente, car la situation est grave», conclut-t-elle.
Pour rappel, depuis les attaques survenues le 23 septembre 2024 au Liban, environ 90 000 personnes ont été déplacées en quelques jours, selon les Nations Unies. La situation humanitaire est alarmante, avec des milliers de personnes cherchant refuge dans des centres d’hébergement gérés par le gouvernement, et les Nations unies.