La double peine : Séropositif et sans protection sociale
C’est le récit d’une personne porteuse du VIH, qui a vu son parcours de soin devenir difficile suite aux réformes du système de protection sociale. Le récit d’une lutte contre le VIH et pour l’accès à l’AMO
Par Imane Bellamine et Anass Laghnadi

Marouane * est un homme 50 ans, ce père de famille de trois enfants a vu sa vie basculer il y a huit ans. En 2016, il apprend qu’il est porteur du VIH. C’est le choc. La cause de son infection au virus, seraient lesusages non protégés de drogues dures. « Pendant plus de 18 ans, j’ai consommé diverses drogues, principalement de la cocaïne et d’autres substances, sans jamais recourir aux injections », se rappelle-t-il, la voix sereine mais émue, dans un entretien téléphonique.
Du Mono au VIH
Cependant, lors de sa 19e année d’addiction, il a commencé à utiliser l’héroïne, malgré une réticence de longue date à l’égard de cette substance. « Je portais un jugement sur ceux qui utilisent l’héroïne,mais après 18 ans de dépendance, plus rien ne permettait d’assouvir mono [manque dans le jargon des usages]», confie-t-il. C’est ainsi qu’il a commencé à s’injecter de l’héroïne, et un an plus tard, il a contracté le VIH et l’hépatite C. Depuis, il est l’un des bénéficiaires de l’association Réduction des Risques (RdR) à Nador.
Grâce à l’aide de RdR, Marouane a pu suivre un traitement contre l’hépatite C et toutefois en guérir en trois mois, devenant ainsi l’un des premiers bénéficiaires de cette thérapie. L’association l’a également aidé à débuter son traitement contre le VIH. Durant les premières années, le Régime d’assistance aux économiquement démunis (RAMED) permettait à Marouane et toutes les personnes atteintes du VIH et de le l’Hépatite C de cette région, d’accéder aux soins gratuitement. Or aujourd’hui, et avec le basculement des RAMEDistesvers les nouveaux et différents régimes de l’Assurance Maladie obligatoire (AMO), Marouanecomme plusieurs autres personnes trouvent des barrières d’accès aux soins. Des difficultés qui compliquent la vie à ces personnes à la santé fragile.
Rejeté par l’AMO !
Son traitement VIH était initialement pris en charge grâce au RAMED, il a pu compter sur le soutien de l’assistant social de l’association RdR pour déposer les documents nécessaires afin de pouvoir bénéficier de l’AMO Tadamoun.Sauf que depuis la fin de la couverture RAMED, c’est l’association elle-même qui finance son traitement, aussi bien pour le VIH que pour la méthadone. « Même si parfois je veux arrêter ou éviter de venir, ils insistent, ils m’appellent à chaque fois pour s’assurer que je reçois les soins nécessaires. », explique-t-il.
Après la fin du RAMED, Marouane a déposé une demande pour bénéficier de l’AMO Tadamoun, sauf que son dossier a été rejeté et sans explication.
En matière de protection sociale, la situation est plus compliquée. Après la fin du RAMED, Marouane a déposé une demande pour bénéficier de l’AMOTadamoun, mais son dossier a été rejeté sans explication. Bien qu’il soit prêt à contribuer financièrement si nécessaire, il rencontre des obstacles administratifs : « On m’a dit de redéposermon dossier, mais vu mes contraintes personnelles, je n’ai pas pu y retourner. »
Marouane ne serait pas un cas isolé. De nombreuses personnes comme lui, y compris certaines qui ne sont pas séropositives mais appartiennent aux populations clés, souffrent de marginalisation.
Marouane n’est pas un cas isolé. De nombreuses personnes comme lui, y compris certaines qui ne sont pas séropositives mais appartiennent aux populations clés, souffrent de marginalisation. « Certains ne savent même pas où aller ou n’ont jamais entendu parler de l’association, » explique-t-il. « Au moins, nous avons accès à des soins grâce à elle, mais d’autres vivent une double précarité, sans aide ni protection », constate Marouane avec amertume.
*Le nom de cette personne a été changé.