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Migration : Le statut de Sebta-Melila est « ingouvernable »

Le Réseau marocain des journalistes des migrations (RMJM) a organisé une rencontre nationale le 1er novembre à 2024 autour du thème : Conférence-Débat : « Hrig du 15/09 : Quel avenir pour les politiques migratoires entre le Maroc et l’Espagne ? ».

Khalid Mouna, socio-anthropologue, Khadija Ainani, vice-présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), Mohamed Bensaissa, président de l’Observatoire du nord les droits humains (ONDH), Abdelkarim Belguendouz, chercheur en politiques migratoires ont décortiqué longuement la situation des deux villes occupées et les conséquences sur la mobilité vers les deux enclaves.  

Questionnements sur le statut et les politiques

Cette rencontre du RMJM a permis de faire un état des lieux de la situation dans le nord après le 15/09 (la frontière, les arrestations et les procès). Dans un deuxième temps et deux mois après, les intervenants ont analysé le 15/09 du point de vue des sciences sociales et du monde associatif. Ils ont posé la question de savoir si c’est un tournant ? Les participants présents ont posé la question de l’avenir des politiques migratoires entre le Maroc et l’Espagne et la gestion de la frontière terrestre à Melilla et Sebta et s’il faut-il complètement changer la gestion de cette frontière ? Est-ce politiquement possible ? Le tout dans un contexte où l’Espagne, la France et l’ensemble de l’UE font pression sur le Maroc pour gérer leurs frontières. Ces questionnements sont légitimes surtout à après les évènements du 15/09.   

Coup d’œil dans la rétro

Depuis la mi-août 2024, la ville de Fnideq et la frontière avec l’enclave occupée de Sebta sont le théâtre de mouvements migratoires menés par des jeunes en majorité marocains mais aussi de d’autres nationalités africaines (Ouest-africains, Algériens et Tunisiens). Cette vague migratoire a connu son paroxysme entre la nuit du 14 au 15 septembre dernier. Des centaines de jeunes Marocains se sont déplacés vers la frontière, et ce malgré un important dispositif de sécurité mis en place par les autorités marocaines. Durant cette séquence, des tentatives de migrations collectives ont eu lieu sur cette frontière coloniale. Les images de ces traversées à la nage ou par les grillages barbelés ont fait le tour des médias. Le rôle d’incitation joué par les réseaux sociaux a été révélé au grand jour avec le « 15/09 ». Les clichés de mauvais traitements présumés contre les jeunes Haraga ont choqué l’opinion publique au Maroc. Une enquête judiciaire est en cours sur ces photos fuitées, sous la supervision du Procureur général près la Cour d’appel de Casablanca.   

Criminalisation des migrations

Ce qu’on appelle médiatiquement les évènements du « 15/09 » ont donné lieu à une vaste opération sécuritaire. 4455 personnes ont été interpellé durant ces jours sur la route vers les villes du nord du Maroc ou près des frontières. Parmi ces personnes, 3795 Marocains adultes, 141 mineurs non accompagnés marocains et 519 personnes étrangères. Les pouvoirs publics au Maroc ont décidé de maintenir en garde à vue 153 personnes « pour incitation à l’émigration clandestine » ou « organisation de tentative d’immigration clandestine ». La réponse judiciaire a été aussi très rapide. Le Tribunal de première instance de Tétouan a prononcé le 30 septembre des peines fermes allant de 1 à 9 mois de prison à l’encontre de 53 personnes parmi les arrêtés le 14-15 septembre. Des arrestations et une judiciarisation de l’émigration irrégulière qui auraient permis de faire baisser la pression sur Sebta comme l’a montré l’échec de la nouvelle tentative annoncée le 30 septembre. 

Ces évènements, qui rappellent ceux de mai 2021, interrogent sur l’état des politiques migratoires et leur gestion entre le Maroc et l’Espagne. Les décisions prises en 2019-2020 par l’Espagne avec une politique des visas pour les habitants du nord du Maroc, la militarisation des frontières nord par le Maroc, l’organisation de tentatives individuelles depuis Fnideq (5000 environ en 2024), puis collectives depuis aout questionne la pertinence, l’efficacité, le respect des droits humains élémentaires de ce système frontalier hérité d’une période coloniale. Loin des discours rassurants des officiels des deux pays, le système frontalier entre les deux pays est en crise car il organise l’immobilité, ce à quoi le 15/09 et même avant, a répondu par des actes que nous pouvons qualifier de désobéissance civile. Des actes désespérés mais au cout humain démesuré (50 personnes mortes ou disparus en 2024 sur la frontière de Sebta). 

Pour rappel, le Réseau marocain des journalistes des migrations (RMJM) a été constitué en 2018. Parmi les objectifs de cette association des professionnels des médias est de créer un espace d’échange et de réflexion et de collaboration, d’entraide et de mutualisation entre professionnels des médias sur leurs thématiques de travail. 


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