Immigration dans le Souss-Massa : 4 défis d’avenir
Le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM) poursuit son plaidoyer pour l’accès aux droits des personnes en migration au Maroc. Zoom sur le diagnostic et recommandations pour la région de Souss-Massa.
Le hasard du calendrier et l’enchainement des évènements dans la région de Souss-Massa a rendu un séminaire tenu le 21 novembre à Agadir, objet de toutes les attentions. Une semaine auparavant des heurts avait opposé quelques résidents de la commune de Leqliâ (à 23 km d’Agadir) à des migrants originaires de l’Afrique de l’Ouest, résidants en ces lieux, suite à l’agression physique d’un des leurs. Depuis, la commune et l’ensemble de la province connaissent une ambiance fébrile.
Premier signe de cette tension : La veille du séminaire, les autorités n’ont pas donné leur « feu vert » pour la tenue de la dite rencontre obligeant les organisateurs, le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM), a déplacer in extremis l’évènement d’un hôtel vers le siège de la Commission régionale des droits humains (CRDH) à Agadir.
Le CCSM n’était pas le seul dans cette situation inconfortable. Une organisation nationale et une instance internationale qui devaient tenir une rencontre de formation autour des migrations dans un hôtel de la ville d’Agadir, ont subi les mêmes mésaventures. Décidément, les autorités d’Agadir étaient sur leurs nerfs et ne voulaient surtout pas entendre parler de « migrations » pour quelques semaines.
Améliorer l’inclusion et l’intégration
Des travaux du projet, il en ressort un constat : beaucoup reste à faire pour améliorer l’accès aux droits pour les migrants.
Malgré cette ambiance, le CCSM était décidé à tenir cette rencontre intitulée : « Présentation de Résultats du projet : Accès aux droits des Minorités Migrantes dans la Région Souss-Massa ». L’équipe du CCSM a présenté une note synthétique sur ce projet qui a duré un an. Des travaux du projet (ateliers et focus group), il en ressort un constat : beaucoup reste à faire pour améliorer l’accès aux droits pour les migrants. Malgré que la région de Souss-Massa soit souvent décrite à juste titre comme une zone modèle en matière d’implication institutionnelle, les réalités sur le terrain et notamment dans les communes d’installation des personnes en migration (Ait Amira, Leqlia, Belfaâ, etc.) sont marquées par des difficultés propres à l’installation d’une nouvelle population étrangère. La note du CCSM a le mérite de pointer du doigt les faiblesses vers qui le décideur public doit orienter son action dans les prochains mois et prochaines années.
Les réalités sur le terrain, notamment dans les communes d’installation des personnes en migration (Ait Amira, Leqlia, Belfaâ, etc.) sont marquées par des difficultés.
Mamadou Bhoye Diallo,Coordinateur général du CCSM, a rappelé en introduction de ce séminaire les objectifs du projet : « Ce projet a pour objectif principal de favoriser l’inclusion sociale et la protection des droits des minorités migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile dans la région de Souss-Massa en créant un environnement propice à leur intégration, et en renforçant leur accès équitable aux services publics ».Le projet a concentré ses efforts à faire un état des lieux sur l’état de l’accès équitable aux services publics, notamment la justice, la santé, l’éducation, l’emploi et l’état civil.
Le projet a concentré ses efforts pour faire un état des lieux sur l’état de l’accès équitable aux services publics, notamment la justice, la santé, l’éducation, l’emploi et l’état civil.
1 -Le Souss : Une nouvelle réalité migratoire
La note rappelle en premier que le Souss-Massa connait une « hausse de la présence de personnes migrantes, principalement d’origine subsaharienne ».
Cette présence (voir le tableau n°1) est le résultat de plusieurs facteurs. « Les personnes migrantes sont arrivées dans des conditions variées :certaines ont été refoulées par les forces de l’ordre depuis les régions du Nord et du Sud du pays,d’autres ont été attirées par des opportunités d’emploi », souligne le CCSM.
2 – Agriculture : Zone d’emploi et de discriminations
Les immigrants répondent à une demande d’offres d’emplois dans lesecteur agricole. « Cependant, ces populations se heurtent encore à des obstacles qui entravent leur accès aux droits fondamentaux et aux services publics, notamment ceux en situation irrégulière. Il s’agit de discriminations fondées sur la nationalité, l’origine ethnique, raciale et religieuse », constate le collectif.
3 – Emploi : « Bienvenue dans l’enfer de l’informel »
Cette installation de personnes en migration dans la région impose des limites législatives. Le collectif dans sa note regrette le « non accès à la carte de séjour pour les travailleurs migrants ». Ce manque d’accès à l’emploi formel malgré la demande de main d’œuvre dans le secteur agricole. Pour cette raison, le collectif recommande de « faciliter les procédures d’accès à la carte de séjour pour les migrants employés, afin d’améliorer leurs conditions de travail et protéger leurs droits. Cela pourrait être facilité par l’établissement de procédures de régularisation ordinaire pour ceux qui ont un précontrat de travail ». Le collectif recommande de « renforcer le travail de la Délégation de l’inspection du travail pour garantir le respect des droits des travailleurs migrants et veiller à ce que les conditions soient conformes aux dispositions du code du travail sans tenir compte de la situation administrative de personnes qui travaillent ». Le tout dans un contexte d’un secteur agricole connu dans la région par son exploitation des ouvrières agricoles.
4 – Droits : « Méconnaissance par les personnes migrantes »
« Souvent, les personnes migrantes restent insuffisamment informées sur leurs droits, ce qui les empêche de les revendiquer ou de le sdéfendre face aux obstacles rencontrés dans leur application », regrette le CCSM. Le collectif constate le manque de maîtrise de l’arabe, l’absence de services de traduction au niveau des services publics comme la justice. A cela s’ajoute, « la méconnaissance des pratiques culturelles locales par les migrants, ainsi que la faible connaissance des cultures migrantes par les prestataires de services ».
Une démarche collégiale et participative
Ces conclusions sont le produit de deux ateliers réunissant 52 participants dont des personnes migrantes et qui font partie du Comité Migration Souss-Massa et organisations des personnes migrantes et leaders communautaires. 20 participant.e.s, ainsi que les représentants de la Commune d’Agadir, institutions publiques (Santé et éducation). Six ateliers focus groups ont permis ainsi de réunir 90 personnes issues des communautés migrantes dans les communes de Tadart, Leqliâ et Ait Amira. Les résultats de la note ont suscité un vif débat le 21 novembre à Agadir.
Pour rappel, le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc (CCSM) est une association marocaine créée en 2011. Le CCSM a lancé diverses initiatives axées sur le plaidoyer, la sensibilisation et la médiation, dans le but de faciliter l’intégration des personnes migrantes au sein de la société marocaine.