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À Oujda, commémoration contre l’oubli, pour justice et vérité 

À l’occasion de la Journée Internationale de Solidarité avec les Personnes Disparues et les Victimes des Régimes Frontaliers, l’AMSV Oujda a organisé une Caravane de solidarité les 7 et 8 février en coordination avec les familles des disparus, détenus et défunts sur les routes migratoires. Reportage. 

Reportage Imane Bellamine (Texte) et Mohamed Nassar (vidéo et photos)

Ce matin, à Oujda, des familles venues de tout le Maroc –Casablanca, Rabat, Salé, Oujda, Agadir, Bouaârfa, Jerada et d’ailleurs – se sont rassemblées pour une cérémonie de mémoire. Dans la salle de la Chambre de commerce et de l’industrie, l’émotion est palpable. Chacun porte un morceau d’histoire : des photos de proches disparus en mer, tantôt encadrées, tantôt affichées sur l’écran d’un téléphone. Des mères, des pères, des sœurs réunis dans une même quête : retrouver une trace, une réponse…

Nous sommes à la commémoration du onzième anniversaire des tragiques événements du 6 février 2014, survenus au large de Tarajal, près de Ceuta occupée. Ce jour-là, quatorze migrants originaires d’Afrique subsaharienne ont perdu la vie, ciblés par des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes alors qu’ils tentaient de rejoindre le territoire espagnol. L’Association Marocaine d’Aide aux Migrants en Situation Difficile (AMSV) tient chaque année a organisé cette commémoration avec le soutien des familles des disparues. 

À Oujda, un cri pour la mémoire et la justice

« À travers cette commémoration, nous réaffirmons notre dénonciation des événements du 6 février et, au-delà de toutes les politiques migratoires meurtrières mises en place par l’UE et ses institutions, notamment l’agence Frontex ». 

« À travers cette commémoration, nous réaffirmerons notre dénonciation des événements du 6 février et, au-delà de toutes les politiques migratoires meurtrières mises en place par l’Union européenne et ses institutions, notamment l’agence Frontex. Ces politiques se traduisent par la fermeture, la militarisation et l’extension des frontières vers les pays du Sud, en violation flagrante des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile, notamment leur droit à la libre circulation », déclare Hassane Ammari, président de l’AMSV.

Il ajoute : « La commémoration de la journée mondiale des victimes des frontières maritimes et de la lutte contre le système frontalier meurtrier » se tient cette année sous le slogan Les migrants ont des noms, pas des numéros, en solidarité avec les victimes des frontières – disparus, détenus et décédés. »

Commémoration organisée par l’AMSV oujda du 7 au 9 février à Oujda. crédit photo: ENASS

Le 6 février de chaque année, des voix s’élèvent aux quatre coins du monde pour dénoncer les violences infligées aux migrants aux frontières.

Le 6 février de chaque année, des voix s’élèvent aux quatre coins du monde pour dénoncer les violences infligées aux migrants aux frontières. De Bruxelles à Mexico, de Paris à Niamey, d’Oujda à Ceuta, en passant par Berlin, Tunis, Madrid ou encore Dakar, des rassemblements et actions symboliques ont eu lieu dans plusieurs villes d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie.

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Ces mobilisations, organisées par des collectifs et associations engagés, pointeront du doigt les violations des droits des migrants perpétrés par les gardes-frontières et l’agence européenne Frontex. Elles porteront une revendication forte : « l’abolition de Frontex et l’arrêt immédiat des politiques répressives qui transforment les routes migratoires en pièges mortels ».

Commémoration organisée par l’AMSV oujda du 7 au 9 février à Oujda. crédit photo: ENASS

Dans cette salle, les visages sont graves, marqués par l’attente et le poids des absences. Les familles venues de tout le Maroc écoutent attentivement les prises de parole. Chaque témoignage résonne comme une blessure ouverte, chaque nom prononcé rappelle une histoire et un cœur alourdi par l’attente.

« Cela fait 11 ans qu’on ne sait plus où est passé mon frère. Ma mère est très malade, elle veut juste le voir ».  

« Cela fait 11 ans qu’on ne sait plus où est passé mon frère. Ma mère est très malade, elle veut juste le voir, ne serait-ce qu’une seule fois. On n’a plus de vie, nos jours sont désormais sombres depuis son départ. On cherche une trace, un indice, mais en vain…», lance une sœur.

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« Il faut qu’on reste forts pour retrouver nos enfants »

Commémoration organisée par l’AMSV oujda du 7 au 9 février à Oujda. crédit photo: ENASS

Devant un mur où sont affichées les photos de ces jeunes disparus en mer, un père, le regard perdu, fixe les images. Les yeux remplis de larmes, il s’approche, et nous montre la photo de son fils disparu il y a trois ans. Des mots empreints de douleur s’échappent alors qu’il tente de cacher ses larmes.

« Je donnerais tout pour avoir des nouvelles de lui. Depuis son départ, la maison est vide, je suis seul », confie-t-il, avant de se tourner vers une femme en pleurs et lui offrir des mots de réconfort.

« Dieu t’aidera, sois forte, ne lâche pas. Il faut que dans l’adversité nous restions unis et forts pour lutter et retrouver nos enfants », ajoute-t-il d’une voix tremblante.

Les organisateurs de cette commémoration soulignent que « cette commémoration vient exprimer que l’oubli n’a pas sa place. Ici, il ne s’agit pas seulement d’honorer la mémoire des disparus, mais de réclamer justice. Justice pour ces migrants dont la vie s’est arrêtée aux portes de l’Europe, migrants encore détenus dans des centres insalubres en Algérie, en Libye, en Turquie et dans d’autres pays de transit»

Concernant les détenus, l’Algérie compte 473 cas, dans les pays des Balkans, on recense 3 cas, 3 autres personnes sont incarcérées dans divers pays, dont la Suisse, les Émirats arabes unis, 54 seraient Marocains, Algériens et Subsahariens.

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Commémoration organisée par l’AMSV oujda du 7 au 9 février à Oujda. crédit photo: ENASS

Lors de cette première journée, Hassane Ammari a livré des chiffres inquiétants sur les disparus et détenus sur les routes migratoires. Selon les données recueillies, 31 personnes sont portées disparues en Libye, 35 en Tunisie, 19 en Méditerranée, 168 en Algérie, 3 sur les routes des Balkans, 131 sur l’Atlantique et 4 en Espagne. Concernant les détenus, l’Algérie enregistre 473 cas d’emprisonnement ou de disparitions, les Balkans 3 cas, 3 autres personnes sont incarcérées dans divers pays, dont la Suisse, les Émirats arabes unis. A cela s’ajoute, 54 cas qui sont Marocains, Algériens et Subsahariens, toujours portés disparus. 

Ammari a également mis en lumière la situation femmes migrantes : trois ont disparu en Tunisie, deux en Algérie et trois sur l’Atlantique. Par ailleurs, 17 filles sont actuellement détenues en Algérie.

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L’action s’est conclue le 8 février par une caravane symbolique vers la plage de Saïdia. Cet événement marque la fin de deux jours de mobilisation et un geste de solidarité internationale envers les familles des victimes. La caravane incarne une sorte de résistance aux politiques migratoires meurtrières de l’Europe, aux restrictions sur les visas et à la criminalisation des migrations en rappelant ainsi que les migrants ne sont pas des chiffres, mais des vies humaines en quête d’une vie meilleure.

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