Reportages

Séisme, Les oubliés de Marrakech

Un an après le séisme du 8 septembre 2024, le Mellah de Marrakech peine à renaître de ses cendres. La reconstruction avance à un rythme lent. Reportage.

À Marrakech, en ce 28 août 2024, l’atmosphère semble ordinaire. La place Jemaa el-Fna est animée, bondée de touristes. Pourtant, à mesure qu’on s’approche du Mellah, les signes des ravages du tremblement de terre font progressivement leur apparition.

Attente et reconstruction au ralenti

Dès l’entrée qui mène au quartier historique du Mellah, les épiciers ont retrouvé leur routine, mais un peu plus loin, une maison effondrée témoigne des dégâts. Les travaux de reconstruction y ont commencé, mais peinent à avancer.

« Ici, tout va au ralenti. La situation au Mellah est complexe. Beaucoup de familles attendent indéfiniment les aides à la reconstruction. »

« Ici, tout va au ralenti. La situation au Mellah est complexe. Beaucoup de familles attendent toujours les aides à la reconstruction. Il faut aussi comprendre que la majorité des habitants ne sont pas propriétaires, mais locataires », explique un ouvrier. Les propriétaires, quant à eux, préfèrent souvent vendre et acheter ailleurs, conscients que les indemnités versées ne suffiront pas à couvrir l’intégralité des réparations.

En s’enfonçant dans les ruelles du Mellah, le constat est le même : les maisons, pour certaines partiellement démolies, attendent toujours leur réhabilitation. La reconstruction se fait petit à petit. Les habitants, espèrent des aides, mais comme dans d’autres zones sinistrées, un flou persiste autour des critères d’éligibilité.

« Je suis revenue vivre dans ma maison, malgré les risques. Je n’ai pas le choix »

« Au début,  nous étions pris en charge, il faut le reconnaître. Mais après avoir reçu 2500 dirhams, j’ai dû louer un appartement avec ma famille. Depuis, plus rien. Finalement, et malgré les risques je suis revenue vivre dans ma maison, Je n’ai pas eu le choix », confie Ghizlane, une jeune femme résidente au mellah. Elle raconte avoir déposé des réclamations sans réponse. Ce n’est que récemment qu’elle a enfin obtenu la première tranche de 20000dh, une aide pour débuter les travaux de reconstruction de sa maison. 

L’Association marocaine des droits humains (AMDH), section de Marrakech-Safi note dans son rapport sur la gestion du séisme que « des familles sinistrées ont reçu l’ordre de quitter les hébergements d’urgence (gymnase, terrains sport de proximité) immédiatement après avoir reçu la première tranche des aides directes, début octobre ». L’AMDH Marrakech s’est inquiétée que « les sinistrés ont dû se diriger vers la location de maisons dans un contexte de spéculation sur les prix des loyers ». 

Un peu plus loin de la maison de Ghizlane, on aperçoit quelques maisons en pleine reconstruction. Deux ou trois chantiers sont en cours, avec des ouvriers à l’œuvre. Salah, un habitant du Mellah, vêtu de son gilet jaune, s’approche et nous raconte la situation.

«Moi, je n’ai rien reçu. Ni l’aide de 2500 dirhams, ni celle pour la reconstruction. J’ai fait des allers-retours, mais sans succès. Aujourd’hui, les travaux avancent à bon rythme, surtout depuis l’arrivée du nouveau caïd. »

« Maintenant, on nous fait des promesses. On espère que cette fois-ci, elles seront tenues. Sinon, nous marcherons jusqu’à Rabat pour exiger nos droits. ».

Concernant les retards, Salah ajoute : « Si on devait vraiment entrer dans les détails, on parlerait des responsables du gouvernement. Plusieurs ont été remplacés à cause de cas d’escroquerie. Maintenant, on nous fait des promesses. On espère que cette fois, elles seront tenues. Sinon, nous marcherons jusqu’à Rabat pour exiger nos droits. »

Lors d’une déclaration officielle, le gouvernement a affirmé que la construction de 49 632 logements était en bonne voie, après la délivrance d’environ 55 000 permis de construction. Le gouvernement a également précisé que l’aide à la reconstruction, d’un montant de 20 000 dirhams, avait atteint sa quatrième tranche pour les familles ayant avancé dans leurs travaux, permettant ainsi à 1000 d’entre elles de finaliser la reconstruction de leurs habitations. Cependant, ces déclarations semblent en décalage avec la réalité sur le terrain. Dans plusieurs zones sinistrées comme le Mellah, de nombreux résidents attendent toujours l’aide promise, et les chantiers peinent à progresser, loin des chiffres avancés.

Critiques de l’AMDH

À Marrakech et à partir des données recueillis par l’AMDH, l’association a fait plusieurs observations sur le processus de reconstruction. L’association note un « retard dans la démolition de bâtiments menaçant de ruine constituant un danger pour la population ; l’absence de solutions pour solidifier les maisons partiellement atteintes suite au séisme constituent un danger, l’accès au programme d’aide à la reconstruction est compliqué pour des demandes administratives ne prenant pas en compte la réalité du secteur du logement à Marrakech (domination de la caution immobilière « Rahn », statut du locataire, nature du bail, partage suite à un héritage etc.) », peut-on lire dans ce document. 

L’AMDH alerte aussi sur la qualité des travaux menés dans le cadre du vaste Programme de réhabilitation de l’ancienne médina de Marrakech. A la suite du séisme, plusieurs chantiers réalisés dans le cadre de ce programme se sont effondrés (des zones du quartier Mellah et Riad Zaitoun, etc.). Marrakech, celle du faste et du bling-bling continue de briller mais derrières les murailles de la médina des habitants attendent toujours la reconstruction…

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