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« L’Appel de Tata » : Un plaidoyer pour la dignité

L’Appel de Tata est une initiative visant à faire reconnaître la région comme zone sinistrée suite aux récentes inondations. Ces initiateurs ont présenté les grandes lignes de ce plaidoyer. Les détails.

Des militants des droits de l’homme originaires de la région de Tata se préparent à intenter un procès contre l’État, en la personne du Chef du gouvernement Aziz Akhannouch, afin de l’obliger à « déclarer la région sinistrée et à activer la loi 110-14 relative à l’assurance contre les catastrophes naturelles ». Cette action vise à apporter une réponse concrète aux habitants de Tata et des provinces voisines, durement touchés par les récentes inondations. Portée par des militants et membres de la société civile, l’initiative cherche à mobiliser les ressources nécessaires pour secourir les habitants et inciter les autorités à agir rapidement en mettant en place des mesures de soutien adaptées aux besoins urgents des populations.

« Tata comme zone sinistrée »

Me Mohamed Lahbib Bencheikh, avocat au barreau de Rabat et membre du Comité de l’appel de Tata, a annoncé lors d’une conférence de presse ce mardi 8 octobre 2024, que « le comité adoptera une stratégie de « litige stratégique » devant le Tribunal administratif de Rabat, afin d’influencer la politique publique sur la gestion des crises dans les provinces du sud-est, lourdement affectées par les crues de septembre dernier, ayant causé des pertes humaines et matérielles ».

L’appel de Tata tire la sonnette d’alarme face à la situation désastreuse des habitants de la région.

Concernant le contexte de l’initiative, Bencheikh a expliqué :  «que le Comité Appel de Tata tire la sonnette d’alarme face à la situation désastreuse des habitants de la région, qui vivaient déjà dans une grande précarité avant que les récentes inondations n’aggravent leur situation, tout en soulignant que le comité a organisé plusieurs rencontres avec des acteurs politiques dans le but de mobiliser les parlementaires pour qu’ils fassent pression sur le chef du gouvernement en faveur de la déclaration de la région sinistrée, parallèlement à l’action en justice stratégique».

Bencheikh souligne également le fait que « pour que les habitants de Tata puissent bénéficier du système d’assurance contre les catastrophes naturelles, il est essentiel que le chef du gouvernement déclare la région sinistrée dans un délai de trois mois après les inondations de septembre. Cette déclaration, associée à une révision de la gestion du Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques, doté de ressources considérables, permettrait à tous les citoyens touchés par des catastrophes au niveau national de profiter de ses services. »

 Il est inacceptable de laisser les habitants vivre dans une telle précarité.

 « Il est urgent de réexaminer la situation dans cette région, qui souffre d’une marginalisation à l’échelle nationale. Il est inacceptable de laisser les habitants vivre dans une telle précarité. », insiste-t-il.

De son côté, Ahmed Dahmani, professeur de droit public, a souligné qu’il existe un « vide législatif au Maroc en matière de réduction des impacts des catastrophes naturelles, un cadre qui protège davantage les compagnies d’assurance que les citoyens les plus vulnérables »

Il a également rappelé que le Maroc est signataire de conventions internationales majeures relatives à la protection des droits des individus et des populations en situation de catastrophe.

Concernant le refus de déclarer Tata comme zone sinistrée, il estime que cela constitue « une volonté de priver les habitants de l’accès au fonds de solidarité, la majorité d’entre eux n’étant pas couverts par des assurances ». Selon lui, Tata n’est pas seulement une ville marginalisée ; elle fait partie intégrante de l’histoire et du patrimoine du Maroc. « Détruire ses oasis équivaudrait à anéantir un écosystème unique dans le pays ».

Un engagement citoyen pour la justice sociale

« L’initiative « Appel de Tata » est une démarche axée sur les droits humains, visant à apporter des réponses aux questions d’actualité »

Rachid El Belghiti

Rachid El Belghiti, coordinateur de ce comité, déclare : « L’initiative « Appel de Tata » est une démarche axée sur les droits humains, visant à apporter des réponses aux questions d’actualité. Aujourd’hui, le titre est « Tata » en tant que région géographique, mais en réalité, elle représente une dynamique, une pratique et un exercice démocratique de ce que nous vivons au Maroc actuellement. »

« Aujourd’hui, le titre est « Tata » en tant que région géographique, mais en réalité, elle représente une dynamique, une pratique et un exercice démocratique de ce que nous vivons au Maroc actuellement. »

Rachid El Belghiti

Et d’ajouter : « Nous sommes ouverts à toute personne qui peut apporter son aide ou son expertise pour soutenir cette région. L’appel de Tata concerne chacun d’entre nous. Ce que nous souhaitons avec cette initiative, c’est d’être la voix des sans voix et de créer un pont rassemblant toutes les parties prenantes. »

Comment peut-on évaluer ces pertes sans avoir rencontré les victimes ?

Cependant, El Belghiti a également exprimé des doutes sur les chiffres fournis concernant les pertes, se demandant : « Comment peut-on évaluer ces pertes sans avoir rencontré les victimes ? Quelles normes ont été appliquées dans ce processus, alors que les personnes touchées affirment qu’aucun représentant ne les a consultées pour discuter des pertes subies dans un communiqué officiel du gouvernement ? », se demande-t-il.

Le coordinateur a également critiqué le Conseil de la région d’Agadir pour avoir « ignoré, lors de sa session d’octobre, la région de Tata, qui représente selon lui la moitié de la région et constitue une richesse sociale grâce à son patrimoine culturel et naturel ».

« La mort est un destin, mais il est également important de reconnaître qu’elle est souvent le résultat de l’ignorance des causes qui touchent les populations »

Rachid El Belghiti

« La mort est un destin, mais il est également important de reconnaître qu’elle est souvent le résultat de l’ignorance des causes qui touchent les populations », déclare-t-il.

Et d’ajouter : « Tata est restée un district annexe dans toutes les régions, devenant ainsi l’une des plus pauvres en raison des politiques mises en œuvre. L’État ne peut pas faire face aux catastrophes seul ; il est essentiel d’établir une coopération, un partage et une large consultation avec les citoyens pour garantir la reconstruction de la région et réaliser la justice sociale. »

Lors de la conférence de presse, un homme âgé originaire de la région de Tata a interpellé le comité en les exhortant à faire entendre leur voix auprès du gouvernement. Vers la fin de la conférence, il s’est approché d’eux et leur a demandé en amazigh : « Je pars demain à Tata, que dois-je dire aux habitants ? »…

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